Chapitre 24

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La faucheuse approche, à l'autre bout de la rue. Une atmosphère grise l'entoure, comme si c'était une espèce de dieu qui approchait - à un tel point que le ciel lui même devient gris au fur et à mesure qu'elle s'approche, à un tel point que la température part en chute libre, à un tel point que les plantes sous ses pieds meurent dès qu'elle passe dessus. Sa faux dessine des traits au sol dans un bruit métallique qui perturbe mon esprit. Le froid fait sortir la buée de ma bouche, mais ce n'est pas pareil pour elle. Elle ne respire pas.

Elle n'est pas vivante.

Et on ne peut pas tuer ce qui ne vit pas.

J'active mon intangibilité. Orlane me regarde pendant quelques secondes, frémissante, et puis elle part en courant. Merci beaucoup, quel support.

La faucheuse frappe le sol avec sa faux. Il se fend en deux, et les fissures s'agrandissent de secondes en secondes. Et Orlane va tomber dedans et mourir, parce qu'elle ne peut pas les voir.

Ça lui apprendra. Elle avait qu'à partir avec Aéna. Elle serait resté en vie, au moins. Cette fille doit être stupide pour ne pas l'avoir fait. Et ne pas avoir de cerveau. Ni d'instinct de survie. Et elle ne porte même pas bien les habits que je lui ai passé. Et elle n'avait qu'à à me dire pourquoi elle était pourchassée.

Et elle court comme Aristide quand il était petit. Je ne sais pas pourquoi je m'en rends compte maintenant, mais ça me frappe comme une décharge, comme une bombe atomique dans les tripes.

Elle court comme Aristide.

Et là, je fais quelque chose d'insensé, de stupide, de tellement idiot que j'ai du en perdre des neurones. Je cours, désactive mon intangibilité, et je pousse Orlane hors des fissures. Et je tombe dedans.

La fissure est déjà profonde, à plusieurs mètres en dessous de la rue. J'essaye de me rattraper à quoi que ce soit, mais c'est en vain, mes mains se mettent à saigner. Je m'écrase au sol, le dos en compote, les larmes aux yeux. Je hurle à n'en plus sentir ma gorge.

Et puis, je vois les fissures se fermer. Le ciel devient de plus en plus petit. Je tente de me relever, d'activer mon intangibilité, mais c'est impossible. Si ça se trouve, cette fissure doit être maudite...

Cet endroit sera ma tombe. Mon cercueil. Je mourrais ici, et c'est seulement maintenant que j'en prends conscience.

Pourquoi j'ai sauvé Orlane ? Qu'est-ce qui m'a pris ? Pourquoi fallait-il qu'elle me rappelle autant Aristide ?

Aristide... je ne le reverrai jamais. Au moins, il ne pourra jamais m'en vouloir d'avoir tué papi, lui qui l'aimait tant. C'est vrai, pourquoi ils étaient aussi proches ? Pourquoi il ne s'est pas rendu compte que j'étais la seule personne qui tenait à lui, la seule dont il avait besoin ? Pourquoi est-ce qu'il appréciait cet imbécile, d'abord ? Ce manipulateur, cette honte ?

Je serre les dents. Qu'est-ce que Aristide va faire sans moi ? Sans Arsène ? Il a pas intérêt à se suicider...

Orlane aussi finira toute seule. Quoique, la faucheuse va bientôt la tuer. Qui sait qui elle tuera par la suite.

La terre se referme, et je sens mes pieds se faire écraser par la pression. Ma colonne vertébrale va sûrement se briser en deux. J'entends mes os claquer. Mes vaisseaux sanguins éclatent et projettent leur couleur partout, comme des étoiles en pleins dans ma vue, brillant trop fort pour que je puisse continuer à ressentir ma douleur. Ma vision se fait de plus en plus faible, de plus en plus faible, et je deviens de plus en plus petit, aigri par la mort qui s'installe dans mon cœur. Je perds tellement conscience de mon enveloppe humaine que je ne sens même plus les extrémités des fissures. J'ai presque l'impression que je pourrais m'envoler. Le ciel devient de plus en plus grand, et puis je tombe.

Guide du super-vilain renommé [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant