Chapitre 19 / ... en mode submersion

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— Ben mon cul, il l'a déjà eu au lycée. Alors, y'a pas mort d'homme s'il veut l'avoir encore. Enfin, ça, c'est ce que je me suis dit avant de coucher avec lui dans l'après-midi... Mais cet enfoiré est marié ! J'ai vu la photo de sa femme et de ses gosses dans son portefeuille. Il est marié avec Alyssa...

— Avec Alyssa ? Notre Alyssa ? La première de la classe, meilleure en tout et bêcheuse comme pas deux, s'exclama Lupita.

— Ouiiiii... couina Emmanuelle en posant sa tête sur ses bras.

— Encore une que je ne regrette pas de ne pas connaître, dit Aïko sobrement.

— Attends ! Comment tu es passée de cette partie de jambe en l'air foireuse à « je plaque tout et je repars chez mes parents » ? demanda Lupita habituée aux mélodrames amoureux d'Emmanuelle.

— C'est que, tu vois, je me disais que j'aimais bien Laurent. Il avait le bon profil pour me faire des bébés. Mais il en a déjà fait avec une auuuutrrreeee... beugla Emmanuelle en repartant vers ses bras.

Emmanuelle était comme ça. Depuis qu'elles la connaissaient, Lupita avait dû passer un certain nombre d'heures à remonter le moral de la jeune femme, qui tombait amoureuse sans arrêt de types indisponibles, profiteurs ou simplement, pas du tout pour elle. Emmanuelle avait une capacité innée pour dégoter LE type qu'il ne fallait pas qu'elle fréquente dans une foule de beaux gosses prêt à tomber à ses pieds.

C'était un don. Non, une malédiction. Ni Lupita, ni Aïko ne l'avait jamais vu heureuse en couple. Mais d'ordinaire, elle n'était pas aussi radicale quant à sa vie personnelle. En général, après une rupture, elle décidait qu'elle ne coucherait plus avec personne et ne répondrait plus à des avances grossières ou subtiles, durant le reste de sa vie. Ce qui se résumait souvent à quelques semaines ou mois d'abstinence.

— Emma, qu'est-ce que ce trou-du-cul t'as dit pour que tu décides de tout plaquer ?

— Quand j'ai vu la photo dans le portefeuille, je me suis un peu emportée et... renifla Emmanuelle en redressant la tête.

Aïko et Lupita éclatèrent alors de rire. Une autre caractéristique d'Emmanuelle était son manque de discrétion légendaire. Le portefeuille ne lui était sans doute pas tombé dans les mains, ouvert à l'emplacement de la photo. Elle avait dû profiter d'un moment, seule, pour fouiller un peu, et c'était fait prendre la main dans le sac.

Et comme, elle était incapable de s'excuser quand elle était dans l'émotion, elle avait dû agonir ce Laurent de toutes les injures qu'elle connaissait. Et elle en connaissait plein et dans plusieurs langues, en plus. Typique.

— Il était super furax et m'a demandé ce qui n'allait pas chez moi ! Il a dit que, déjà au lycée, j'étais super bizarre ! Que...que... ça ne valait pas le coup qu'on se revoit ! Et qu'il était inutile que je candidate pour le poste dont il m'avait parlé... J'ai tout gâché ! finit Emmanuelle en reniflant bruyamment avant de replonger la tête vers la table et ses bras. Il a raison, je suis bizarre...

— Mais quel connard ! Je rêve ! Alors d'abord, tu n'as rien gâché ! Et je suis contente que ça se termine comme ça ! Ce pauvre type t'aurait fait des promesses sans avenir et t'aurait traitée comme une pute qu'il va voir pour mettre un peu de fantaisie dans sa vie ! s'écria Lupita.

— Je l'avais dit... C'est ton cul qu'il voulait ! Un petit plan cul rapide ! Un crime parfait. Il a eu une opportunité, il l'a saisie ! Et grand seigneur, il s'assure que tu ne t'accrocheras pas. Je suis sûre qu'il ne t'a pas donné de plaisir, en plus... Que cet abruti se barre était la meilleure chose qu'il puisse t'offrir !

— Vous croyez ?

— Bon, Emma, va dans ta salle de bain te refaire une beauté, sinon les manches de ton pull ne vont pas s'en remettre, et j'attrape « Nuits blanches à Seattle » ! Au moins, si tu chiales, ce sera pour quelque chose de... enfin, ce sera raccord avec le film... dit Aïko en cherchant sur une plateforme quelconque le film en question. A elles trois, elle regroupait pas moins de quatre abonnements. Il faut ce qu'il faut dans la vie... 

Emma sortit de la chambre. La salle de bain était dans le couloir et était commune aux deux chambres de bonnes du palier. Heureusement pour Emmanuelle, la seconde était pour le moment inoccupée .

— Il faut qu'on fasse quelque chose pour Emma, commença Lupita.

— Tu veux dire que je dois faire quelque chose pour Emma, et pour toi. Vous êtes vraiment pas croyables toutes les deux. Pas moyen que vous trouviez chaussure à votre pieds sans mon intervention.

— Rien n'interdit de prendre son temps quand il s'agit d'amour, répliqua Lupita sur la défensive.

— Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse pour Emma ? dit Aïko qui sentit le sujet sensible.

— Il faut qu'on lui trouve un gentil garçon. Genre le fleuriste de la place.

— Celui qui la regarde passer avec son air perdu ? T'es folle ou quoi ? On ne sait rien de ce type ! Si ça se trouve, il a sept femmes différentes et des mioches à la pelle.

— Ou alors, il vit seul, et Emmanuelle est la femme de sa vie.

— La réciproque n'est pas évidente.

— Certes, mais on pourrait essayer de tenter le coup. Il est plutôt bel homme et semble gentil.

— Tu sais ce que je pense des type gentils et beaux.

— Je sais. Ce sont tous des psychopathes en puissance... mais un psychopathe qui vend des fleurs, ça peut fonctionner.

— Ce sont les pires... Mais je marche, finit Aïko en gobant une tranche de saucisson.

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