Chapitre 8 - Revenir à la normale

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Sadie porta à ses lèvres son café sans lâcher du regard le programme d'un festival d'art qui débutait aujourd'hui dans le quartier de Carroll Gardens, elle s'y rendait tous les ans depuis qu'elle était revenue à New York. Elle entendit Florence jurer en renversant une plante ce qui la fit sourire. Depuis le vernissage du pop-up Loewe il y a environ deux mois, les prénoms Pauline et Timothée n'avaient été que très rarement prononcés. Bien qu'elle cela la soulageait, elle sentait parfois le regard de Florence sur elle. Avait-elle compris quelque chose ou bien est-ce que cette idée sortait de son imagination ? Elle repensa à son autographe de Wangechi Mutu, elles n'avaient jamais reparlé de leur dispute mais elle avait pris ce geste comme un premier pas. C'était maintenant à Sadie de travailler sur elle-même, elle n'avait pas le droit d'en vouloir à la terre entière lorsque ces prénoms étaient prononcés car cela reviendrait à ne pas assumer un choix qu'elle avait fait il y a plusieurs années, elle ne pouvait pas non plus être en colère contre son amie qui n'avait aucune idée de sa vie d'avant. Ce travail était nécessaire pour qu'elle puisse aller mieux et pour que sa vie commune avec Florence revienne à la normale.

Florence attrapa un large morceau de barbe à papa et rigola à plein poumon lorsque Sadie protesta sur ce vol manifeste de nourriture, ce qui attira l'œil de quelques passants autours d'elles. A l'occasion du festival, les rues de Carroll Gardens avaient été décorées avec des guirlandes et à chaque coin de rue se produisait des artistes à l'univers très différents : musiciens, clown, acrobates, magiciens... ce qui rendait l'ambiance très particulière, comme un avant-goût d'été. Bien que la situation se fût améliorée entre les deux jeunes femmes, Florence avait encore l'impression de marcher sur des œufs avec Sadie. Elle ne savait pas très bien où était la limite à ne pas franchir ce qui lui avait prendre la décision d'arrêter de parler à Sadie des sujets abordés sur sa chaîne YouTube. Puisque la situation s'était arrangée elle en avait conclu que c'était la bonne décision pourtant elle sentait qu'il y avait encore quelque chose qui bloquait.

- A quoi ça te fait penser ? Demanda Florence à Sadie en pleine réflexion devant une photo exposée dans la rue.

- Aux marrons chauds qu'on mange à Noël.

Florence plissa les yeux, elle comprenait où son amie voulait en venir sans pour autant comprendre pourquoi est-ce que des marrons chauds la captivait depuis plusieurs minutes. Elle en profita pour regarder les quelques alertes de potins qu'elle avait reçu sur son téléphone.

- Tu fais quoi ?

- Rien, je regardais juste mes notifications.

- Quelque chose d'important ?

- Pas vraiment.

Sadie n'insista pas, elle savait que Florence évitait le sujet volontairement, après tout comment aurait-elle pu savoir qu'il n'y avait que le nom Chalamet qui la mettait mal à l'aise, à moins qu'elle fût au courant et qu'elle ne savait pas comment aborder le sujet. Comment savoir ? Quand Florence voulait savoir quelque chose elle se transformait en véritable pitbull. Les deux jeunes femmes reprirent leur promenade et quelques pas plus loin Florence remarqua le voile qui s'abattu soudainement dans les yeux de Sadie, elle évita de lui demander si tout allait bien, cette soirée devait rester un bon moment. Le regard de la blonde aperçu rapidement le panneau publicitaire qu'elles venaient de dépasser, le nouveau film des Chalamet venait de sortir en salle ce qui n'avait fait qu'amplifier les rumeurs et les investigations des internautes pour découvrir l'identité de la femme mystère qui avait fait perdre ses moyens à Timothée.

A l'autre bout des Etats-Unis, Timothée se posa avec enthousiasme sur son canapé. Alix, son agent, venait de lui envoyer plusieurs propositions de films. Il allait enfin pouvoir se concentrer pleinement sur de nouveaux projets. Depuis sa dispute avec Pauline en partant de New York, le sujet « Sadie » avait été volontairement ignoré les premiers jours, puis, au fil des semaines, cela était devenu naturel de ne pas en parler entre eux, aucun des deux ne voulant outrager ce nouveau tabou. Cependant ce n'était pas pour autant que Sadie avait complètement disparu de sa tête, il avait commencé à effectuer quelques recherches sur internet mais avec un nom que Google ne connaissait pas et aucune autre information il était impossible de trouver une piste. Un ami proche lui avait proposé d'engager un détective privé, il s'agissait d'une blague mais Timothée n'avait pas trouvé cette idée si mauvaise mais lequel choisir ? Pouvait-il vraiment faire confiance à un privé ? La moindre fuite ne ferait qu'alimenter les rumeurs d'internet qui ne désemplissaient pas. Le brun avait espéré que deux mois après les internautes seraient passés à autre chose mais au contraire la moindre activité de Timothée remettait son dossier en haut de la pile des potins. Pauline avait au moins cette chance, il n'y avait pas de rumeur croustillante dans son dossier. Le téléphone de Timothée vibra, Taylor venait de lui envoyer un message pour confirmer leur rendez-vous de cet après-midi. Il eut enfin le sentiment de respirer. Ce sentiment se produisait de plus en plus souvent ces derniers jours ce qui le laissait espérer que sa crise de négativité commençait à prendre fin.

Pauline sortit du taxi et entra dans le bâtiment où travaillait Alix qui l'accompagna jusqu'au troisième étage. Son téléphone lui annonça une nouvelle vidéo de Florence sur la mode dans les séries des années 90 et au fond d'elle, elle ne put s'empêcher de penser qu'elle venait de lui envoyer un signe. La jeune femme continuait de ressasser sa conversation avec Florence à New York et regrettait de ne pas avoir pris ses coordonnées même si elle n'était pas sûre qu'elle les aurait utilisés, après tout même sans numéro de téléphone elle pouvait tout de même la contacter via ses réseaux sociaux. C'était une idée qui lui avait traversé l'esprit plus d'une fois mais à chaque fois elle s'était ravisée : si elle pouvait la contacter par ce biais, Florence aussi mais elle ne l'avait pas fait. Alix lui ouvrit une porte et disparu dans le couloir, Pauline avait toujours aimé être seule pour ouvrir les lettres des fans qu'on lui envoyait pour garder le plus possible un aspect personnel dans ses lectures. Son agent avait déposé un carton rempli de lettres sur la table basse au milieu de la pièce, la brune avait prévu de dédier son après-midi à leurs lectures jusqu'à ce qu'une notification en décide autrement.

Timothée poussa la porte de sa maison et entendit le bruit de son blender qui cachait une musique de fond. Peu inquiet, il se dirigea directement vers sa cuisine et posa subitement ses mains sur les épaules de Pauline pour lui faire peur, ce qui eut l'effet escompté.

- La prochaine fois que j'essaye d'être gentille avec toi, rappelle-moi de ne rien faire.

Timothé lui adressa un clin d'œil malicieux et croqua dans un bâtonnet de concombre que sa sœur venait de préparer.

- Et que me vaut cette visite surprise ?

- J'avais prévu de venir depuis quelques jours mais cet après-midi tu m'as donné une vraie raison de venir. On en parle des photos de toi avec cette brune à Griffith Park ?

- Il y a des photos ?

- Je te connais Tim, s'il y a des photos c'est que tu n'as pas essayé d'être discret.

Timothée hésita, il était compliqué d'expliquer ses motivations sans aborder le sujet tabou.

- C'est vrai, je ne voulais pas être discret. J'en ai marre qu'on parle de cette conférence et donc j'ai décidé de donner un nouvel os à ronger à internet. Je vais tourner un nouveau film à la rentrée avec Taylor et je m'entends super bien avec elle donc je lui ai proposé qu'on effectue quelques recherches ensemble. Elle était au courant de mon plan, c'est même elle qui a proposé le lieu.

- Ton plan semble avoir fonctionné alors, les photos tournent pas mal.

- Mais comment toi tu es au courant ?

- Florence a fait une story sur le sujet...

- Toi tu suis un compte à potins ?

- Elle ne fait pas que ça et je ne regarde pas quand ce sont des commérages... sauf si c'est toi, là au moins c'est plus drôle puisque je peux t'en parler directement !

- Si tu le dis même si je ne pensais pas que tu suivais ce genre de compte.

Pauline n'insista pas, elle ne savait pas non plus comment aborder ce sujet. Avant que l'ambiance devienne bizarre, elle tendit une bière à son frère et enclencha le programme qu'elle avait prévu.

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