Chapitre 20 - Savoir se pardonner

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Les premiers rayons de soleil commencèrent peu à peu à chatouiller le visage de Sadie qui se réveilla doucement. Ses yeux étaient gonflés à force d'avoir pleuré toute la nuit et le peu de temps qu'elle avait pu dormir ne l'avait pas du tout aidé à se reposer. Elle se retourna avec difficulté et observa Florence dormir par terre, elle ne se souvenait pas du moment où son amie l'avait rejointe. Le calme environnant tranchait avec la violence de la veille comme si une vague avait subitement tout emporté au loin. Avait-elle imaginé ce que son corps avait ressenti lorsqu'elle avait senti le parfum de Pauline ou lorsque Timothée l'avait embrassé ? Elle baissa silencieusement le store pour bloquer le soleil et sortit de l'appartement. Elle détesta son reflet dans la vitrine d'un magasin, ses vieilles baskets, son jogging, son sweat ample et sa casquette usée tranchaient avec sa tenue de soirée et les talons qu'elle portait la veille. En voulant mettre de la musique dans ses écouteurs son portable lui rappela qu'il y a encore quelques heures elle voulait réserver un billet d'avion pour la France, ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée. Elle n'était pas retournée auprès de sa famille depuis plus d'un an, elle pourrait écrire ses articles à distance pendant quelques semaines. Le métro la fit sortir de Brooklyn et l'amena à Greenwich village, la ville commençait à s'éveiller au fur à mesure qu'elle se déplaçait mais elle se sentait de nouveau comme une étrangère. Elle avait cette impression de ne pas être à sa place, d'être rejetée. Rejetée comme un organe qu'on venait de greffer et dont le corps refusait de l'accepter.

« Sadie accéléra le pas pour ne pas arriver en retard à l'atelier de théâtre. L'examen d'histoire venait de se terminer mais la plupart des élèves de sa classe avaient terminé en avance. Tout en marchant elle essaya de juger le travail qu'elle venait de faire, globalement elle estimait que ses idées n'étaient pas mauvaises mais son anglais écrit n'était pas encore naturel ce qui lui avait fait perdre du temps. Elle descendit rapidement un escalier et croisa le regard de Noa qui venait d'ouvrir son casier. Elle ne savait pas très bien sur quel pied danser avec lui, ils se retrouvaient régulièrement à la cabane mais dès qu'ils étaient entourés de personnes ils agissaient comme s'ils ne se connaissaient pas. Sa cadence resta stable et elle continua de descendre l'escalier. Avant de sortir du bâtiment, elle entendit des livres tomber par terre et une porte de casier claquer mais cela l'inquiéta moins que les minutes qui défilaient. Elle ouvrit enfin les portes de l'amphithéâtre et s'excusa auprès de Mme Jonas qui se contenta de lui sourire : non seulement c'était le dernier atelier de l'année mais en plus c'était un jour d'examen, elle avait donc toutes les excuses du monde pour arriver avec quelques minutes de retard. La rousse s'installa directement à côté de Pauline et Timothée, elle pouvait souffler. Cet atelier l'avait grandement aidé depuis qu'elle était arrivée aux Etats-Unis, elle avait pu s'entraîner à parler anglais et à le lire de manière ludique et il lui avait également permit de s'intégrer et de renforcer ses liens avec les Chalamet.

- Comptez sur nous ! S'exclama Timothée.

Toute l'assemblée se retourna vers lui tandis que Pauline et Sadie explosèrent de rire. Mme Jonas le remercia pour son enthousiaste face à sa requête de lire des pièces de théâtre pendant les vacances. Après un discours de fin assez émouvant notamment pour ceux qui quittaient le lycée l'année prochaine, les lycéens quittèrent au fur et à mesure la classe.

- Alors cet examen ? Demanda Timothée.

- Je crois que ça a été mais c'est encore difficile d'aller au bout de mes idées à l'écrit.

- Ça ne fait qu'un an que tu es là, c'est normal. La rassura Pauline.

Sadie eu le vertige, en un an elle avait vécu tellement de chose. En France elle n'avait jamais rien vécu de particulier, elle avait des amies, sortait parfois avec elles lors de ses premières fêtes, elle n'était pas la meilleure élève de la classe ni la pire, elle était simplement noyée dans la masse. En venant ici elle s'attendait à être mise à l'écart et pourtant dès le premier jour on l'avait accueilli chaleureusement et même si son étiquette de nouvelle s'était rapidement envolée aux yeux des autres lycéens, elle avait pu compter sur Timothée et Pauline avec qui elle s'était tout de suite bien entendue. C'était une relation fusionnelle qu'elle n'avait jamais connue. Cependant, il lui arrivait de connaître des jours sans, des jours où elle ne se sentait pas à sa place, comme si malgré leur accueil elle resterait pour toujours aux yeux des autres la petite française qui ne comprendrait jamais réellement leurs traditions. C'était un sentiment que ni Pauline ni Timothée n'aurait pu comprendre et c'était probablement pour cette raison qu'elle avait lié cette amitié avec Noa car lui aussi comprenait ce sentiment d'exclusion. Un sentiment qui devenait de plus en plus fort alors que l'anniversaire de son premier jour ici approchait. »

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