Chapitre 2 Passé lié

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L'heure du premier déjeuner arriva trop vite. Lady Cathlyne ne manquait jamais de faire savoir au monde entier où elle se trouvait. Sauf, quand il y avait Lucanus près d'elle. La salle VIP du restaurant Italien le plus cher de la ville se trouvait au dernier étage d'un immeuble vertigineux. Peu friand de ces points de vue spectaculaires, le président s'efforçait toujours de faire dos à l'immense vitre. Face à lui, la belle Cathlyne se vantait d'avoir encore reçu un disque d'or pour sa dernière chanson. Celle-ci ayant été dévoilée au public deux ans plutôt. Lucas ne comprenait pas cette passion pour la musique. Il ne comprenait pas grand-chose à cette femme non plus. Quarante-neuf ans, elle semblait en faire quinze de plus à cause de la fatigue et l'alcool qu'elle avalait en quantité mortellement dangereuse. Hors, Lucas ne pouvait pas dire qu'il l'avait vue ivre une seule fois.

- Et donc, la petite nouvelle du métier, une certaine Aurore, un vrai brin de fille, je pense qu'elle devrait te plaire ! Je vous arrange un dîner la semaine prochaine !

Agacé par l'heure qui ne passait pas assez vite, le président n'écoutait qu'à moitié, voire pas du tout. Il sentit sa montre connectée vibrée et se leva en approuvant. Peu importait ce que Cathlyne voulait de lui, il s'efforçait poliment de répondre à ses attentes. La dame s'emballa dans son délire de le voir en tête-à-tête avec une petite chanteuse. Il devait l'avouer, mais il ne le ferait pas à voix haute, les femmes ne l'intéressaient pas.

En fait, Lucas ne parvenait pas à sortir de sa tête le visage du blond. La forme légèrement marquée de sa mâchoire. Ses sourcils aussi clairs que ses cheveux qui se dissimulaient presque sur sa peau pâle. Le bleu de ses yeux si particulier que Lucanus ne cessaient de se demander si c'était naturel ou dû à des lentilles comme ces jeunes aiment. Et puis, plus que tout, sa silhouette s'éloignant de lui avec une grâce sauvage, quasiment animal, digne d'un grand félin.

- Je dis à Susanne de te faire de la place vendredi à dix-neuf heures.

- Tout à fait.

Il ne se souvenait déjà plus pourquoi Cathlyne voulait le voir à cette heure-là. Cela lui passait au-dessus de la tête. Non, ce n'était pas seulement parce qu'il était distrait. Une femme s'approcha de lui, brune avec les cheveux ondulés et des lunettes vertes assorties à ses yeux. Elle sourit en lui présentant une tablette. Qui était-elle ? Sa secrétaire de toutes évidences. Il reconnut le format de son agenda et la suivit pour quitter le restaurant. Rendez-vous dans dix minutes trois immeubles plus loin.

Arrivé en bas dans le hall, Lucas se figea. Un son aigu raisonna sous son crâne, provoquant une douleur pénible derrière ses yeux. Il jura en posant une main pour diminuer la lumière. La brune l'observa avec de grands yeux avant de lui faire signe d'aller dans une voiture. Il reconnut son véhicule, toujours le même modèle dans la même couleur. Personne ne pouvait se la payer, tout simplement parce que les plans avaient été faits pour sa famille. La secrétaire s'installa à côté de lui. Trop proche à son goût, d'autant que son parfum lui parvenait. Il n'aimait pas ces senteurs hypocrites.

- Vous avez pris vos médicaments ce matin ?

Quelle question idiote ! Lucas garda le silence. Il ne se souvenait pas. Il ne parvenait même pas à savoir qui elle était, alors que cette femme devait le suivre à longueur de journée.

- Allons à la clinique du docteur Rushars.

Le chauffeur approuva sans poser de question. Ce n'était pas nécessaire, le visage sombre de son employeur palissait à vue d'œil. Son regard fixe à moitié caché par sa main gauche confirmait ce que la secrétaire craignait.

- Lucanus, tout va bien.

Sa voix se fit douce, mais cela n'aida en rien le président à se sentir rassuré. Il ne montra pas son désarroi, mais son attention se tourna vers ses chaussures. Parfaitement blanches, en cuir où de petits défauts naturels étaient simplement mis en valeur par une légère coloration qui les rendaient d'autant plus visibles. Les coutures en noires ponctuaient la pureté du blanc. Les lacets devaient être en coton teinté par de l'encre de seiche. Il ignorait comment, mais cela lui semblait si évident que le fait qu'il ignorait tout de la femme à côté de lui le terrifiait. Comment ne pouvait-il pas se souvenir d'elle ?

LucAshaïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant