Chapitre 20

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Le lendemain, premier jour d'octobre, Lou était passé en début d'après-midi à la bibliothèque pour saluer Berhed et Elwina. Il en avait profité pour rendre quelques livres, empruntés la semaine précédente, que la sexagenère était immédiatement allée ranger.

— Tu n'auras pas un plan d'ici à me filer ? Je ne sais jamais où sont les livres, sauf ceux que je reconnais par habitude.

La vieille dame avait regardé son apprentie d'un air contrit :

— Je n'ai pas de plan de la bibliothèque, ma petite. Tout se fait à l'instinct, ici. Quand on veut vraiment, on trouve.

La brunette soupira. Cette réponse ne l'étonnait même pas. Alors qu'elle retournait à son travail, Lou avait commencé à parler à son ancienne employeuse, la mine préoccupée. Elwina avait ses cinq sens surdéveloppés par rapport à un être humain normal, malgré tout, elle n'arrivait pas à entendre tout ce que le rouquin disait, et très vite s'en désintéressa.

Pourtant, elle n'aurait pas été au bout de ses surprises en entendant la conversation qui se tramait à l'autre bout de la pièce.

— J'ai à te parler d'Elwina, ça me semble important.

— Je t'en prie, mon petit Louarn, dis-moi.

— J'étais avec Ambre en forêt l'autre jour, et je l'ai vue.

— Ah oui ?

La bibliothécaire ne semblait pas tant étonnée que ça, et continua :

— C'est rare d'y croiser des inconnus, mais Elwina habite à Kerdoueziou depuis quelque temps, maintenant.

— Ecoute, ce n'est pas la première fois que je l'y ai vu. C'est arrivé aussi, au tout début, lorsqu'elle est arrivée.

— Dès ses premiers jours, elle s'y est aventurée ? Avait interrogé la vieille dame, en plissant les yeux.

— Oui.

— Bien, bien, voilà qui est plus intrigant.

— Et ce n'est pas tout.

Le rouquin avait l'entière attention de son interlocutrice.

— Quoi donc ?

— Elle s'en souvenait. D'être venu au même endroit, et de m'y avoir croisé.

Berhed mit quelques secondes à répondre. Elle semblait être plongée en intense réflexion.

— Tu es sûr de ce que tu m'avances là ?

— On ne peut plus. J'avais déjà eu des doutes, mais ça me paraissait tellement invraisemblable que je ne m'y étais pas attardé...  Oh mince alors ! Je lui avais parlé du livre sur les korrigans et le Moger la première fois, et ensuite elle était venue me le réclamer. J'avais pensé que la réalité s'était déformée dans ses souvenirs, mais non ! Elle se souvenait bien de tout.

— Tu en as parlé à Maël ?

Ce dernier était le sous-maire du quartier Louarn, où résidait le rouquin.

— Non...

— Mon petit, c'est lui ton référent pour ce genre de problèmes, pas moi. Parle-en lui ce soir, puis revenez me voir lundi matin sans fautes.

— Lundi matin ? Pourquoi ?

— Parce que tu n'es pas le seul à être venu me parler d'Elwina. Allez, file !

Ascelin et Armel étaient eux-mêmes venus en début de semaine, réclamer l'arbre généalogique de la jeune femme. Etrangement, Berhed ne l'avait pas trouvé ce jour-là —à croire que sa propre bibliothèque lui jouait des tours— et elle les avait conviés à revenir lundi matin. Alors, autant réunir tout le monde, pour que chacun ait un maximum d'informations.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant