Lors de chaque pleine lune, Elwina veillait à s'enfermer dans le sous-sol de son ancienne demeure. Ascelin ne l'avait jamais raccompagné jusque là-bas : la métamorphe prenait soin, à chaque fois, de s'éclipser sans le prévenir. Elle avait si peur qu'il soit là le jour où tout allait surgir. Et puis, Wi s'était révélée nourrir une haine profonde et inexpliquée envers le loup-garou. La féline l'évitait, et était particulièrement agitée lorsqu'il était dans les parages.
C'était à prévoir, Elwina ne pouvait pas se plaindre : elle avait été prévenue sur les possibles dégâts causés par la coexistence avec d'autres créatures surnaturelles.
Ce mercredi sept mars au matin, en lendemain de pleine lune, Elwina était allée manger en bord de mer. Ses pas l'avaient guidé sur la crypte où, quelques mois plus tôt, elle avait pour la première fois aperçu Poséidon, Glaucos et Thétis. Wi trottinait quelques mètres devant elle, et la jeune femme avait suivi l'animal jusqu'à la plage. Le sable était fin, et l'eau couleur azur donnait l'illusion d'être en plein été. Elle avait retiré ses chaussures, pour laisser ses pieds s'enfouir dans le sable froid, et la marée montante avait fini par venir la frôler, près de trente minutes plus tard. Elwina avait posé son sac un peu plus loin, avant de retrousser son pantalon pour aller mettre ses pieds dans l'eau.
Il y avait bon nombre de rochers, et en quelques pas périlleux, la brunette s'était retrouvée assise en tailleurs sur une large pierre, qui semblait posée au milieu de l'océan à une profondeur où elle n'avait plus pied. Il y avait du vent, aussi, assez pour jeter sur Elwina une brume marine qui venait humidifier ses cheveux et ses habits. Elle avait le goût du sel sur les lèvres, mais c'était étonnamment agréable : la jeune femme commençait à apprécier la mer, le chant des mouettes, le bruit des vagues qui se heurtaient aux rochers. L'endroit était si calme, et elle se demandait alors pourquoi elle ne venait pas ici plus souvent.
La brunette pensa même à Ascelin. Etrangement, elle aurait aimé l'avoir à ses côtés, à cet instant. Elle était convaincue qu'il aurait adoré le paysage.
Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, une vague plus puissante que les autres vint quasiment inonder le rocher sur lequel était assise. Elwina jura, tout en se levant promptement, alors qu'un rire arrogant parvenait à ses oreilles. La brunette s'était retournée, surprise, cherchant l'intrus du regard. Mais il n'y avait personne, ni sur la plage, ni sur les rochers avoisinants. Tout à coup, quelque chose avait bougé dans l'eau, et de l'eau fut projetée sur son visage.
Nouveau rire. Furieuse, Elwina baissa les yeux.
Il y avait Poséidon, insolemment accoudé au rocher sur lequel elle était, et le triton l'observait d'un air rieur. La jeune femme était restée bouche bée face à un tel spectacle : c'était la toute première fois qu'elle voyait une telle créature complètement métamorphosée.
Ses cheveux trempés étaient plaqués contre ses tempes. Le dieu grec brillait au soleil, d'un reflet bleu presque violacé, et Elwina pouvait nettement distinguer les milliers d'écailles qui recouvraient son corps. Et puis, il y avait cette queue, fascinante, qui se mouvait avec fluidité dans l'eau claire. L'immortel était grand, sous forme humaine, et le semblait encore plus en cet instant.
— Impressionnant, n'est-ce pas ?
On aurait pu croire que Poséidon se moquait d'elle, mais ça n'était pas le cas. Au son de la voix masculine, Elwina avait reporté son attention sur le visage du triton. Il avait gardé sa beauté, d'une certaine manière, si l'on oubliait la texture de son épiderme, ses yeux, ses branchies, ses dents. La curiosité prit le pas sur la prudence de la brunette, et elle s'était rassise sur la pierre, face à la créature. On ne voyait presque plus le bleu de ses iris dans les deux fentes qui faisaient ses yeux. Poséidon avait souri, révélant ses horribles dents pointues, qui contrastaient avec sa bouche rose absolument charmante.
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La malédiction des chats noirs
ParanormalBizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser par intermittence. Voilà comment l'on décrirait Elwina. Maudite. Seule. Voilà comme elle-même se décrirait. En arrivant à Kerdoueziou, u...