Elwina fixait un dessin, qu'elle venait de retrouver, coincé derrière son bureau.
C'était un renard roux qui était couché sur le papier, avec des tâches blanches sur la tête, le bout de la queue, et le dessous du ventre.
Cet animal, qu'Elwina avait vu, en allant pour la première fois dans la forêt de Kerdoueziou, avait également été le premier métamorphe sous forme animale qu'elle avait aperçu, sans le savoir.
La particularité de Lou était que sa connexion avec son animal était assez forte pour que sa pigmentation reste à l'identique, qu'importe la forme prise par son corps. Il avait la pilosité rousse, les yeux noisettes, et les tâches blanches étaient ancrées sur sa peau. Ce qui expliquait les plaques dépigmentées apparentes sur son nez, ses pommettes, et son sourcil gauche.
« Mon petit louarn. »
Elwina avait chiffonné le papier pour le jeter dans un coin de la pièce, les nerfs à vif. Elle se rendait compte qu'en réalité, elle avait beau fréquenter un tas de gens depuis son aménagement, elle ne connaissait personne pour autant.
Et personne ne la connaissait.
La jeune femme, comme à son habitude, dut prendre le bus pour aller en cours. Deux jours plus tôt, Ascelin s'était réveillé avant elle, et avait quitté la pièce sans qu'elle ne s'en rende compte. Elle ne l'avait pas recroisé du week-end, sans non plus se résoudre à le chercher. Et au fur et à mesure que les heures étaient passées, les questions s'étaient accumulées dans sa tête. Elwina avait fini par les noter, sur un petit carnet qu'elle avait entamé pour l'occasion.
Elle prit le bus, et pour la première fois la brunette s'était réellement intéressée aux autres passagers. C'était ça depuis qu'elle avait appris l'existence de l'Autre Monde : elle ne pouvait s'empêcher d'analyser tous ceux qu'elle croisait, cherchant à quelle espèce ils pouvaient appartenir.
Il y avait un garçon en face d'elle, qui lui donnait envie de se réfugier au coin d'un feu brûlant.
Un élémentaire du feu.
Le chauffeur de bus contrôlait peu son aura, et la laissait apparaître à de vagues occasions. Elle avait une couleur rousse, comme les cheveux de Lou.
Un kitsune.
Elle connaissait toutes les races, à présent : les vampires, les sirènes, les zombies, les loups-garous, les druides, les élémentaires, les kitsunes —qui se métamorphosent en renard— et les kelpies —des créatures à la fois humaines et équines.
Une fois arrivée en cours, l'étudiante n'avait pas réussi pas à se concentrer. Ses pensées allaient dans toutes les directions, et la brunette avait fini par fouiner sur le site internet de la faculté, pour trouver les emplois du temps des étudiants en lettres et en histoire.
Roméo finissait de travailler avant elle, aujourd'hui.Qu'importe. A l'heure venue, la jeune femme avait remballé toutes ses affaires, pour quitter l'amphithéâtre sans un mot, par la porte du fond. C'est à peine si le professeur avait remarqué sa désertion. D'un pas rapide, elle avait longé les grands couloirs remplis d'étudiants. Un garçon lui avait alors frôlé l'épaule, tout en parlant avec sa petite-amie.
Une voix chantante.Une sirène.
La jeune femme déglutit, alors qu'un haut-le-coeur la prenait.
Rapidement, elle était arrivée devant la salle de cours du garçon aux cheveux blancs, qui était encore pleine. Elle s'était adossée contre le mur, attendant calmement que tous les étudiants sortent de la pièce. Le jeune homme n'avait pas suivi ses élèves, et Elwina était entrée dans la salle avec précipitation, tout en claquant violemment la porte derrière elle.
Roméo avait relevé la tête de son ordinateur, en sursautant presque. Il ne s'attendait pas à voir la brunette ici, et lui lança un petit sourire tout en se redressant. Une pointe de mélancolie l'avait néanmoins saisi, alors qu'il se rappelait que son propre meilleur ami avait osé ôter ses souvenirs à l'étudiante. Le jeune homme n'avait pas daigné s'adresser à Poséidon depuis ce jour-là, et ce dernier avait sagement pris ses distances lui aussi.
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La malédiction des chats noirs
ParanormalBizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser par intermittence. Voilà comment l'on décrirait Elwina. Maudite. Seule. Voilà comme elle-même se décrirait. En arrivant à Kerdoueziou, u...