Chapitre 8

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Elwina avait dessiné Poséidon. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais elle l'avait fait quelques jours après leur deuxième rencontre, par une après-midi pluvieuse.

Et maintenant, elle se retrouvait comme une idiote face à ce foutu tableau, qui avait don de la troubler au plus haut point.

Quand Elwina peignait, elle laissa son imagination vagabonder. Elle ne commençait jamais une œuvre en ayant en tête l'idée précise de ce qu'elle allait donner. Alors, pour Poséidon, elle avait décidé de dessiner juste sa tête, qui donnait l'impression de flotter dans l'eau. Elle avait commencé par tracer la partie gauche de son visage, et jusque-là tout allait bien. Si ce n'est la frustration de ne pas réussir à le représenter dans sa perfection.

Dans sa perfection...

Pas étonnant que ce ne soit qu'un petit prétentieux.

C'était pour la partie gauche du visage que les choses s'étaient compliquées. Elle avait mis son cerveau en pause, comme elle le faisait habituellement dès qu'elle se plongeait dans un livre ou une peinture. La jeune femme avait dessiné, sans réfléchir, et serait bien incapable ne serait-ce que de dire par quels détails elle avait commencé. Ce n'était qu'une fois confrontée au résultat que l'artiste s'était rendue compte de ce que représentait ce dernier.

La partie gauche du visage du brun était recouverte d'écailles bleues, vertes et argentées. Ses yeux n'étaient que deux fentes, des branchies creusaient son cou et ses dents acérées attiraient le regard sur son sourire.

Elle avait transformé Poséidon l'homme qu'elle appréciait presque, en Poséidon le dieu grec.

D'abord surprise par ce résultat, elle avait fini par conclure que le prénom du brun et son histoire du « clan des océans » avait influencé son esprit. Relativement fière du rendu, elle l'avait posé au-dessus d'une pile de livres. Finalement, peut-être qu'elle penserait, un jour, à le lui montrer.

Quelqu'un toqua à la porte de sa chambre au même moment, et la silhouette d'Ascelin se dessina dans l'entrebâillement. Ses rapports avec le jeune homme étaient étranges. Visiblement tout aussi asociale qu'elle, il ne se parlaient jamais, et leur dernière interaction remontait à l'incident de Poséidon, justement. Le blond n'avait d'ailleurs pas eu le nez cassé, ce qui était surprenant lorsqu'on repensait à la force du coup du poing qu'il s'était pris.

Au moins, avec cette petite démonstration, si Elwina doutait du tempérament colérique de l'homme, elle en avait eu la preuve.

Ascelin n'avait pas besoin de parler, elle savait qu'il venait la chercher pour le dîner. Elle quitta sa chambre pour se diriger au rez-de-chaussée, le garçon sur ses talons.

Le repas était des pâtes carbonaras, et ils s'en servirent tous allègrement. Rectification : c'était plus de la carbonara aux pâtes.

— Rappelle-moi quand es ta rentrée, Elwina ? Lui avait demandé Daniel De Fleurie.

— Le cinq septembre.

Dans quelques jours à peine. Le temps passait si vite.

— Tu as tout ce qu'il te faut ?

Techniquement, elle avait le même matériel que l'année dernière. Et surtout, ces gens n'étaient ni ses parents, ni ses tuteurs : elle pouvait s'occuper seule de sa vie, et ça lui convenait amplement.

— Oui, merci.

— Je peux te montrer où se trouve l'arrêt de bus, si tu veux !

Mais la brunette coupa immédiatement Jacinthe dans son entrain, ne voulant surtout pas l'avoir dans les pattes jusqu'aux portes de sa fac :

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant