Chapitre 59

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Le lendemain, Armel avait insisté pour recevoir Elwina dans son bureau. Le dirigeant du quartier Bleiz avait justifié sa requête en expliquant vouloir des nouvelles de la jeune femme, en ce début d'année. Cette dernière avait dû, à contre-cœur, se plier à la demande de l'homme ; d'autant plus que Berhed en avait profité pour lui donner sa soirée.

Jacinthe avait absolument tenu à l'accompagner jusqu'au manoir. Elle comptait visiblement bondir sur l'occasion pour y retrouver quelques amies.

— C'est encore Roméo qui t'a ramené, aujourd'hui ! Avait constaté la blondinette, tout en sautillant sur la route bétonnée. Elwina s'était contentée de hausser les épaules : il n'y avait rien à répondre, c'était un fait. Mais la lycéenne attendait davantage de réaction :

— Vous traînez beaucoup ensemble, dis donc.

— On est dans la même université.

Et il était professeur. Le début parfait d'un mauvais roman à l'eau-de-rose.

— Tu vis avec moi, et pourtant tu me parles moins !

Il n'y avait aucun reproche, dans ses paroles. Jacinthe tentait visiblement d'engager une conversation sur la vie privée de la brunette.

— C'est vrai qu'il est hy-per beau ! Avec ses cheveux blancs et ses tatouages de partout... il dépasse même Poséidon ! D'ailleurs, celui-là, heureusement que c'est pas avec lui que t'as décidé de te mettre en couple, parce qu'on ne l'apprécie pas trop dans le quartier.

Elwina avait coupé court aux tergiversations de son interlocutrice :

— Je ne sors pas avec Roméo.

— Mmmh... C'est vrai que tu traînes beaucoup avec mon frère, aussi.

Jacinthe s'était arrêtée face à elle, tout en positionnant brusquement son visage souriant en face du sien. Elle papillonnait des paupières ; ça lui donnait un air idiot. Elwina avait levé les yeux au ciel, tout en contournant la jeune fille.

— Tu fuis la conversation !

— C'est toi qui parles toute seule. Avait-elle maugréé, tout en accélérant son rythme de marche. Plus vite elles seraient arrivées, plus vite Jacinthe cesserait de lancer des inepties.

— Allez, s'il-te-plaît ! Tu ne veux pas me dire s'il y en a au moins un des deux qui t'intéresse ? Ou quelqu'un d'autre ?

— Et Lou ?

Virement de situation. Le visage de Jacinthe était passé du rose pâle au rouge fushia en un seconde à peine. Son sourire s'était décomposé —on aurait dit que ses lèvres formaient des vagues, et elle avait vaguement bégayé sa réponse :

— Lou, quoi, Lou ? Tu... enfin... il t'intéresse ? Je ne pensais pas que c'était ton style, enfin, je veux dire...

Elwina avait interrompu le malaise de son interlocutrice en complétant :

— Je parle de toi.

Jacinthe avait ouvert la bouche pour parler, se justifier, mais aucun son n'en était sorti. Et puis, elles étaient arrivées au manoir. Elwina était rapidement partie en direction du bureau d'Armel, laissant en plan la lycéenne. Là, elle avait retrouvé l'homme basané, ainsi qu'Ascelin.

— Elwina, cela faisait longtemps.

Maintenant qu'elle était en connaissance de son rôle d'Alpha, Elwina lisait le statut hiérarchique et le poids des responsabilités sur le visage du cinquantenaire. Il la fixait —ce qui avait don de la mettre mal-à-l'aise— tout en gardant son bras-droit dans son champs de vision, comme s'il s'en méfiait.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant