Elwina s'était postée à la fenêtre d'Ascelin, ce soir-là. En voyant la petite chatonne ébène, le jeune homme était venu lui ouvrir. Mais la métamorphe était partie en courant, avant que le garçon ait le temps de la retenir.
Elle était arrivée dans sa propre chambre à bout de souffle, et avait immédiatement repris sa forme humaine.
Et s'il la reconnaissait ?
La brunette avait secoué sa tête. Impossible, il l'aurait démasquée depuis longtemps, sinon.
En soupirant, elle s'était rendue dans la salle de bain, dans l'espoir que l'eau brûlante fasse taire les voix dans sa tête. Par chance, ce fut une réussite, et elle était sortie de la douche les pensées en ordre. La jeune femme avait enfilé un pyjama, si grand qu'elle marchait dessus, ainsi qu'un sweat, lui aussi beaucoup trop large pour elle.
Quelques pas de plus, et elle était arrivée devant la porte d'Ascelin. Elle n'eut pas besoin de toquer plus d'une fois pour qu'il vienne lui ouvrir. Elwina avait jeté un coup d'œil méfiant à la chambre, avant d'entrer à l'intérieur. C'est la première fois qu'elle y mettait les pieds sous forme humaine, et tout à coup, tout lui semblait bien moins grand.
Ascelin l'observait d'un air suspicieux, et elle avait alors lancé d'une voix morne :
— Tu comptes encore partir une semaine ?
Tu comptes encore m'abandonner ?
— J'étais au manoir. S'était-il expliqué, tout en se grattant l'arrière de la nuque. Il avait beaucoup de travail à faire, là-bas, et Armel avait eu besoin de lui pour clore quelques dossiers. L'opportunité de quitter le domicile familial quelques jours —et de prendre ses distances avec Elwina— avait été trop alléchante pour qu'il s'y refuse. Car la présence et les capacités de la jeune femme le troublaient bien plus que ce qu'il voulait admettre.
Mais, maintenant qu'il entendait cette pointe d'amertume dans le timbre vocal de la brunette, il regrettait sa décision.
— Je crois que les amis ne font pas ça. Avait-elle rajouté, avant de poser sa main sur la poignée, visiblement décidée à partir.
Le jeune homme avait fait un pas en avant, pour la retenir, sans pour autant la toucher. La brunette s'était stoppée dans son élan, lui laissant le loisir de s'expliquer :
— Je n'ai jamais eu d'amis. Les relations sociales, ce n'est pas mon fort.
Roméo en avait été l'ébauche, à une époque, mais leur relation n'avait jamais réussie à s'approfondir. Lors de son arrivée à Kerdoueziou, le garçon aux cheveux blancs avait été considéré comme un monstre, et seul Ascelin l'avait accueilli au-delà de sa différence. Mais les deux jeunes gens étaient bien trop tourmentés, pour des raisons bien trop différentes, pour réussir à se soutenir quotidiennement.
Elwina avait lâché la poignée.
— Moi non plus.
Elwina s'était de nouveau retournée, pour faire face au garçon et à l'entièreté de la pièce. Un livre grand ouvert était posé sur le lit, dont les draps étaient en désordre. Une petite bougie était allumée sur la table de nuit, et sa lueur semblait faire bouger les murs. La flamme était cependant vacillante, et un courant d'air frais semblait courir dans la pièce. La fenêtre était encore ouverte.
— Pourquoi ?
Pour elle, c'était évident : elle avait vécu isolée de la société jusqu'à la fin de son adolescence. Et une fois plongée dans le vrai monde, sa différence s'était toujours fait ressentir. Mais Ascelin, lui, avait toujours vécu au milieu des siens. D'autres métamorphes, d'autres loups garous, comme lui.
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La malédiction des chats noirs
ParanormalBizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser par intermittence. Voilà comment l'on décrirait Elwina. Maudite. Seule. Voilà comme elle-même se décrirait. En arrivant à Kerdoueziou, u...