Un beau matin, Roméo avait débarqué dans l'amphithéâtre d'Elwina, sur son inter-cours de l'après-midi. La jeune femme, qui était en train de grignoter un cookie, avait froncé les sourcils d'un air interrogateur, se questionnant intérieurement sur la venue impromptue du professeur. Ce dernier souriait tendrement, et il lui avait donné une petite tape amicale sur l'épaule, tout en se laissant choir sur la chaise la plus proche.
— Félicitations, pour ton semestre ! T'as carrément géré.
Éberluée, l'étudiante avait plissé les paupières, tandis que son interlocuteur continuait :
— Tu majores dans ta matière préférée ! Viens dîner chez moi ce soir, pour fêter ça !
Elwina avait failli s'étouffer avec son goûter, avant de rouler des yeux vers le garçon aux cheveux blancs.
— On n'a toujours pas eu nos résultats.
Le visage de Roméo s'était instantanément figé, avant que sa bouche ne forme une grimace presque trop réelle pour être naturelle.
— Oh la boulette, en voyant ça sur le site des enseignants, j'ai pensé qu'ils l'avaient déjà rendu public.
— Merci pour l'info. Lui avait quand même dit son amie, sur un ton sarcastique. Elle ne cachait pas, dans ses expressions faciales, la satisfaction que lui procurait d'avoir eu cette information. Être la première de classe dans sa matière préférée avait toujours été un objectif utopique qu'elle s'était fixé.
— Viens quand même dîner chez moi ce soir !
— Je note.
Ravi, le garçon aux cheveux blancs lui avait lancé un sourire étincelant, comme un collégien l'aurait fait après avoir invité son premier amour au bal de fin d'année.
— Je t'attends sur le parking ce soir, on ira directement chez moi.
La jeune femme avait acquiescé, laissant son interlocuteur la quitter, après un dernier signe de la main. Autour d'elles, une flopée d'étudiantes l'observaient d'un air envieux, murmurant à voix-basses quelques rumeurs jalouses entre ce professeur divinement beau, et l'étrange étudiante.
Quelques bribes de conversation lui parvinrent jusqu'aux oreilles : « Tu as entendu la même chose que moi ? Il l'a invité en rencard ? ». La brunette avait soupiré. Les rumeurs de la relation qu'elle entretenait avec Roméo allaient déjà bon train, dans cette université, et visiblement elles n'allaient pas tarder à s'envenimer. Mais la brunette n'en avait pas grand-chose à faire : si quelques jeunes adultes en chaleur décidaient de faire d'elle leur ennemie commune, qu'il en soit ainsi. L'étudiante avait même remarqué trois personnes la suivre furtivement en fin de journée, jusqu'au parking, feignant de flâner en écoutant de la musique. Impassible, la brunette était rentrée dans la voiture de Roméo. Elle avait un double des clefs, depuis quelques semaines à présent, histoire de pouvoir attendre le garçon à l'abri lorsqu'il pleuvait. Ce dernier n'avait pas tardé à arriver, et avait gentiment souri en l'apercevant, tout en hâtant son pas jusqu'au véhicule.
— C'est moi, où y'a trois grandes perches qui t'espionnent ? Avait-il lancé tout en s'asseyant au volant. Elwina avait levé les yeux au ciel tout en rectifiant, d'un ton bourru :
— Nous espionnent.
Elle avait tout particulièrement appuyé sa voix sur le pronom personnel, et Roméo avait doucement ris, tout en mettant un CD dans le lecteur. Il aimait bien les CD. En fait, Roméo aimait bien tout ce qui lui faisait oublier que les époques défilaient sous ses yeux.
La soirée s'était déroulée tout en douceur. Ils étaient juste tous les deux, et ils avaient mangé dans la bibliothèque du garçon, leurs assiettes posées sur le long piano à queue, avec le musicien qui jouait çà et là quelques morceaux de son choix. Accoudée à l'instrument, la jeune femme l'avait écouté avec admiration. C'était si ressourçant, d'être aux côtés de Roméo. Il l'avait même fait danser, en riant d'un rire angélique, et elle s'était laissé faire, en souriant.
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La malédiction des chats noirs
ParanormalBizarre. Misanthrope. Asociale. Introvertie. Et toujours accompagnée d'un chat noir qui semble se volatiliser par intermittence. Voilà comment l'on décrirait Elwina. Maudite. Seule. Voilà comme elle-même se décrirait. En arrivant à Kerdoueziou, u...