Chapitre 19

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Concentration. Satisfaction. Contemplation. Surprise. Si Elwina sentait que son sommeil n'était que peu réparateur depuis son arrivée à Kerdoueziou, voilà que les insomnies avaient commencé à l'assaillir sans raison apparente. Elle avait une furieuse envie de peindre, et la sensation de manque ne daignait pas quitter son être. Pourtant, ces derniers temps, elle tournait à trois esquisses par jour.

C'est complètement crevée que la brunette était arrivée en cours. Heureusement, nous étions vendredi, et d'ici quelques heures elle serait en week-end. Malheureusement, avec ses trois heures de cours magistraux en amphithéâtre le matin, et ses trois heures de TD pour l'après-midi, elle n'était pas sortie de l'auberge.

L'étudiante aperçut Roméo au restaurant universitaire, ce midi-là. L'établissement était assez grand, subséquemment elle le croisait assez rarement. Le garçon aux cheveux blancs lui fit un petit signe de la main, auquel elle ne répondit pas. Il était situé derrière elle dans la queue, et s'approcha de la place où elle était assise, après s'être servi.

— Je peux m'asseoir avec toi ?

Pour toute réponse, elle avait légèrement déplacé son plateau, afin de lui laisser une place en face d'elle. Le jeune homme ne s'était pas fait prier pour s'y installer immédiatement.

— Les profs n'ont pas leur propre salle, pour manger ?

— Il y a eu une inondation dans la plonge, si j'ai bien compris. On ne peut pas y mettre les pieds. Tu vas bien ?

— Et toi ?

Elle n'avait eu aucune envie de répondre à sa question.

— Je t'embête ?

— Ce n'est pas que tu m'embêtes, ce que...

Voyant que son interlocutrice cherchait ses mots, Roméo avait proposé :

— C'est que tu as tellement l'habitude d'être seule que tu ne sais pas quoi faire de moi ?

Touché. Un léger rictus s'était affiché sur le visage de la brunette.

— Tu n'es pas obligé de faire quelque chose de moi. Tu peux m'ignorer quand tu en as envie. Et me parler quand tu en as envie.

Pour clore ses propos, Roméo lui avait gentiment souri, tout en enfournant une fourchetée de pâtes dans sa bouche. Au même instant, un groupe d'étudiantes s'étaient assises derrière lui en gloussant, sans pour autant s'empêcher de jeter quelques regards noirs à Elwina. Le jeune professeur parut se rembrunir, et ses yeux froids ne prirent même pas la peine de se poser sur elles.

La brunette observait son interlocuteur avec des yeux interrogateurs, et ce dernier finit par prendre la parole, d'un air amusé :

— J'imagine que ce regard scrutateur, c'est ta façon à toi de me parler.

Elle avait soufflé, un mélange d'amusement et d'étonnement. Roméo, de son côté, avait continué :

— Ce sont des étudiantes en première année. Elles ne se sont pas encore lassées de me courir après.

Il semblait sérieusement ennuyé par la situation, et Elwina ne put s'empêcher de remarquer :

— Refile-les à Poséidon, il serait ravi.

Le garçon aux cheveux blancs avait ri. D'un rire si pur, que quelques personnes autour d'eux avaient inconsciemment cessé de parler pour l'écouter.

— Poséidon adore flirter, mais ne conclut jamais, tu sais. C'est un faux coureur de jupons.

La jeune femme avait haussé un sourcil, très peu convaincue.

— Eh bien dans ce cas, garde-les pour toi. En entendant ces mots, Roméo avait grimacé. L'idée, visiblement, ne l'enchantait pas du tout.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant