Chapitre 67

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Elwina et Ascelin étaient rentrés tard, le soir où ils avaient réalisé que leur lien d'âme-sœur avait prédestiné l'éclosion de leurs sentiments. Les deux jeunes gens avaient garé la voiture devant la maison, en étaient sortis, mais s'étaient arrêtés avant d'entrer dans la propriété. Cette demeure de pierre ne les avait jamais accueillis à bras ouverts. Lui n'était qu'un fils, logé par crainte et obligation. Et elle n'était qu'une chose, qu'on gardait sous surveillance.

Toutes les lumières étaient éteintes, et Elwina s'était appuyée sur le capot de la voiture en soupirant. C'est comme si, sans le vouloir, ils étaient de retour dans la vraie vie, angoissante. La brusque réalité semblait tout à coup prendre plaisir à les gifler.

Ascelin s'était assis à ses côtés, sans un mot. Il s'était penché en arrière, en posant ses mains à plat sur la carrosserie, et il avait levé les yeux vers les étoiles.

— C'est le moment où on doit choisir ce qu'on fait ? Avait lancé Elwina, d'une voix teintée de découragement. Le jeune homme, tout aussi abattu, avait répondu d'un ton ironique :

— Le moment du « et puis merde ». Je t'embrasse, je dis à toute ma famille que je t'aime, et à tout le village d'aller se faire chier.

— Le moment où les gens se révoltent parce que tu es l'Alpha le plus puissant de ta génération, et moi l'enfant unique d'une espèce inconnue, capable de tous les anéantir.

Le jeune homme avait ricané douloureusement, alors qu'Elwina reprenait : 

— Si on était dans un livre.

— Dans la vraie vie, ils auront tellement peur de toi qu'ils pourraient te tuer.

— Ils ont bien accepté Roméo, avait-elle soudainement réalisé, ce qui avait allumé une lueur d'espoir en elle.

— Tu n'étais pas là quand il est arrivé. Sans Taeder et son invincibilité...

Le blond n'avait pas terminé sa phrase, mais c'était assez clair pour que la brunette comprenne une partie de ce qu'avait dû endurer le garçon aux cheveux blancs. La peur se nourrit de tout être. La peur guide à la violence. Et quand ces êtres ont des pouvoirs surnaturels, la violence n'en est qu'empirée. Or, si Elwina savait une chose sur sa condition, c'est que révéler la vérité aux autres ne ferait qu'apparaître sa vraie nature.

Personne ne doit savoir que tu es le démon.

Son regard s'était posé sur Ascelin. Lui, pourtant, il savait, et elle ne s'était pas transformée en bête sanguinaire pour autant.

Mais depuis qu'il savait, son aura grandissait, et Wi perdait le contrôle.

— A quoi tu penses ?

La voix du blond l'avait fait sortir de ses pensées angoissantes.

— Qu'importe ce qu'on fasse, il est trop tard pour moi.

Un sourire triste s'était posé sur ses lèvres. Ses poings serrés entaillaient la paume de ses mains, et elle avait empêché le sang de couler, pour qu'Ascelin ne le remarque pas. En cet instant, consciente de son égoïsme, elle se haïssait.

— Tu ne peux pas dire ça...

— C'est un fait. Wi va mourir, je le sens, elle se meurt depuis que j'ai mis les pieds dans ce foutu village.

Le loup-garou était bien conscient qu'Elwina était incapable de maîtriser son aura, là était sa malédiction. C'est pour ça que Wi était là : pour être l'enveloppe matérielle de cette redoutable substance, et permettre son contrôle. Il n'avait aucune idée comment la brunette avait eu connaissance de ces informations. Peut-être grâce à sa grand-mère. Le garçon avait essayé de plonger dans les souvenirs, transmis par le Moger construit par l'aïeule.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant