Chapitre 56

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C'est quelques jours après Noël qu'Ascelin était revenu vers Elwina. Il ne l'avait pas salué, allant droit au but par ses mots :

— Et si nous parlions ?

La jeune femme avait relevé la tête de son bouquin. Ils étaient seuls à la maison depuis le début d'après-midi, et elle en avait profité pour se blottir près de la cheminée, où le feu crépitait.

Cela faisait plusieurs jours que l'un comme l'autre avaient terminé le livre qu'ils lisaient en commun, mais ils ne s'étaient jamais fait part de leur ressenti quant à la fin.

— Est-ce que ton aura est grande ?

C'est lui qui avait engagé la conversation, et voilà qu'elle le prenait de court. Surpris par la question de la brunette, posée sèchement, le loup-garou n'avait pas immédiatement répondu.

— Je ne l'ai jamais entièrement déployée.

Il avait toujours redouté l'impact que son aura pouvait avoir sur la meute, et sur Kerdoueziou dans son ensemble. La peur de tous les voir se retourner contre lui, à cause de la pression engendrée, l'empêchait d'agir.

— La mienne est pire.

— J'en doute.

— Sais-tu pourquoi ma forme animale est le chaton ?

Non, il ne savait pas. C'était une question rhétorique. Alors, le blond s'était tu, attendant qu'elle s'explique.

— Parce que je ne suis pas arrivée à maturité. Je ne suis qu'à l'enfance de mon pouvoir, et pourtant...

Sa phrase était restée en suspens. Elle n'avait pas trouvé les mots, et avait donc laissé échapper un fil de sa dite aura.

Opaque. Presque solide. Elle avait toutes les caractéristiques d'une puissance incommensurable.

Ascelin avait tendu le bras pour la toucher du bout des doigts, mais le halo obscur s'était alors rétracté.

C'était peut-être pour ça, qu'il se sentait si bien avec Elwina : parce qu'elle était l'une des seules personnes de sa connaissance à être son égale, peut-être même à lui être supérieure.

— Et quand arriveras-tu à maturité ?

— Quand Wi mourra. C'est un temps différent selon chacun.

Car, alors, plus rien ne retiendra son aura.

— Et quand sera le tiens ?

Bientôt.

— Je ne sais pas.

Ascelin avait senti une peur viscérale, dans les émotions qui étaient vivement ressorties de la brunette. La mâchoire de la jeune femme s'était crispée, si bien qu'un craquement avait retenti dans la pièce. Le garçon avait plongé ses yeux bleus dans ceux de son interlocutrice, cherchant à comprendre ce qui se passait dans sa tête.

— Il ne faut pas que tu aies peur.

— Mon éducation repose sur la peur. Avait-elle froidement rétorqué.

— Moi aussi. Avait murmuré le jeune homme, du bout des lèvres.

Un léger silence avait alors flotté dans l'air, jusqu'à ce qu'Elwina le brise, en pointant du menton le livre que le blond tenait sous le coude :

— Je l'ai lu il n'y a pas longtemps, très sympa.

Elle déviait le sujet.

— Je sais.

Il sait. Elle avait haussé les sourcils. Le jeune homme, d'un air las, s'était laissé tomber dans le canapé. Ses coudes s'étaient reposés sur ses genoux, dans une position flegmatique, forçant son dos à se pencher en avant. Il ne fit aucun mouvement pour bouger les mèches couleur paille qui cachaient ses yeux.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant