Chapitre 2

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Kerdoueziou était ce genre d'endroit qu'on adorait ou qu'on détestait. Les gens d'ici étaient installés sur plusieurs générations et ne partaient quasiment jamais. Les nouveaux, eux, soient s'ancraient dans ces terres autant que les anciens, soient fuyaient au bout de quelques jours comme s'ils avaient le diable aux fesses.

Elwina, elle, avait eu un bon sentiment en franchissant les frontières de la ville. Contrairement au chauffeur qui, lui, avait été visiblement très mal-à-l'aise.

Elle s'était sentie chez elle, comme si l'aura de lieux l'enveloppait de ses bras maternels.

Mais en arrivant chez les De Fleurie, ça avait changé du tout au tout. La peur lui rongeait à présent les entrailles et la mettait en état d'alerte, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle se sentait toujours chez elle... mais en danger.

Et autant dire que, jusqu'ici, jamais les pressentiments d'Elwina ne se trompaient.

« Puisque tu ne peux te confier à personne, suis ton instinct. Il te chuchotera ce que les hommes ne comprennent pas. »

La jeune femme était en train de se remémorer ces paroles de sa grand-mère tout en caressant sa féline noire. Cette dernière semblait de mauvaise humeur, et disparut dès que la jeune femme le lui permis.

Fenêtre grande ouverte, la brunette observait les alentours. La maison dans laquelle elle logeait à présent possédait un grand jardin, comme la plupart des autres propriétés. Faite de pierre avec un toit de bois, on ne pouvait pas nier la beauté de la construction.

Le soleil était déjà bien levé et elle pouvait sentir d'ici l'air marin. En effet, Kerdoueziou était coupée en deux parties : l'une sur la côte, l'autre sur une île ; reliées par un vieux pont de trois-cents mètres.

Après quelques bouffées d'air frais qui eurent don de la rassurer un peu, Elwina s'habilla et se lava rapidement avant de descendre au rez-de-chaussée.

C'est Jacinthe qui l'accueillit. L'adolescente avait des cheveux qui ressemblaient aux siens, dans leur longueur et leurs boucles. Mais ils étaient d'un blond très clair, et une frange cachait son front.

— Bonjour ! Bien dormis ? Tu prends quoi au petit-déjeuner ?

Elwina s'était renfrognée intérieurement, crispée par cet assaut de questions qui venait l'assaillir de si bon matin, mais elle s'était forcée à répondre gentiment :

— Très bien merci. Vous avez du lait ?

Car voilà à quoi se résumait les petits-déjeuners de la jeune femme : un grand bol de lait nature. Aussi étrange que cela puisse paraitre, cela était et restera toujours sa boisson préférée. Son interlocutrice grimaça :

— Mince, on n'en n'a plus. Je dirai à maman d'en acheter. Tu veux autre chose ?

— Juste de l'eau, ça suffira.

La blondinette avait froncé les sourcils, étonnée, et tendit un verre plein à son invitée, tout en continuant à parler :

— Les autres reviennent pour le déjeuner. En attendant, peux t'emmener à la bibliothèque de Berhed, si tu veux !

Berhed, c'était la dirigeante de l'endroit. Autrement dit, la future patronne d'Elwina puisqu'elle l'avait engagée en alternance pour au moins un an. Les deux femmes s'étaient déjà rencontrées, et le courant était très bien passé. C'est donc avec un grand sourire gravé sur ses lèvres que la soixantenaire l'accueillit lorsque les deux jeunes filles arrivèrent en milieu de matinée :

— Ma nouvelle protégée est enfin arrivée !

L'étudiante sourit doucement. C'était comme si une aura hors-normes entourait la bibliothécaire. Peut-être à cause de ces amas de petites pierres multicolores, et ces bouquets de plantes, qui étaient interposés un peu partout dans les lieux.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant