Chapitre 32

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Elwina avait trouvé le paquet dans son sac. D'abord, elle avait cru que c'était Berhed qui lui avait glissé quelques cookies. Puis, elle avait soulevé l'objet. Et elle avait retiré le papier qui l'entourait.

Non, ça n'était pas des gâteaux.

C'était un livre. Le livre relié qu'Ascelin lui avait présenté l'après-midi même. C'était le même livre. Elle le savait, parce que l'odeur de fleur d'oranger du jeune homme avait eu le temps d'embaumer les pages.

Il lui avait offert son livre. Le livre qu'il venait d'acheter. Le livre dont elle rêvait depuis sa sortie. Le livre qui avait la plus grande valeur sentimentale à ses yeux.

La jeune femme se mit à parcourir la couverture rigide du bout des doigts. Elle n'était pas sûre de bien comprendre pourquoi le blond lui avait fait un tel cadeau. Savait-il à quel point ça la rendrait heureuse, ou ce geste avait été totalement détaché ?

Elwina était restée quelques secondes, là, à ne rien faire. Les pensées se bousculaient dans sa tête, et pourtant, elle ne ressentait que du vide. Elle avait fini par se reprendre, lorsqu'une douce chaleur avait commencé à lui caresser les chevilles.

C'était son aura.

Elle semblait si lointaine, l'époque où la métamorphe n'arrivait pas à la faire apparaître sous sa véritable forme. Si lointaine, l'époque où elle réussissait seulement à créer une petite boule de cette substance opaque dans le creux de sa main.

Maintenant, son aura avait bien grandi : elle pouvait devenir aussi grosse que la moitié de son propre corps, et surtout, elle pouvait se déplacer dans l'espace à son bon vouloir. Etrangement, Elwina n'avait pas peur de ce phénomène —elle devrait, pourtant— car à l'instar de Wi, elle contrôlait à sa guise ce halo d'obscurité.

Il lui suffit d'une seule pensée pour que la substance ébène semble se décomposer en un milliard de petits grains —si serrés qu'ils semblaient jusqu'ici ne faire qu'une seule masse— et soit comme aspirée par les pores de la jeune femme. Son aura s'imprégnait d'elle, se décomposait en elle, venait habiter là où elle dormait depuis si longtemps.

Elwina avait soupiré, et livre en main elle s'était approchée d'une étagère sur laquelle des dizaines de bouquins étaient déjà agglutinés. Son rangement semblait bordélique, à première vue, mais la jeune femme organisait tout par genre littéraire et par auteur. Et ce roman avait beau être du Young Adult, elle décida de le placer à côté de son grimoire. Un vieux truc, que sa grand-mère lui avait légué. Allez savoir pourquoi son instinct, ce soir-là, lui avait soufflé d'afficher ces deux livres côte à côte.

Le lendemain, la jeune femme avait terminé les cours tardivement dans la soirée. Par chance, Roméo finissait à la même heure et le jeune professeur l'avait donc raccompagné en voiture jusqu'à la bibliothèque.

Lui-même était sorti, prétextant qu'il cherchait un livre pour ses cours. La jeune femme l'avait regardé de travers : elle trouvait ça étrange que Roméo tienne ainsi à se documenter, lui qui se vantait tant d'être une bibliothèque vivante.
— J'ai le nom d'un auteur qui ne me revient pas, j'ai besoin de le retrouver. S'était expliqué le jeune homme, tout en entrant dans le bâtiment. La cloche avait tinté, comme à son habitude. Maintenant, à chaque fois qu'elle l'entendait, Elwina l'observait attentivement, à la recherche de la moindre source lumineuse qui pourrait s'en échapper. Mais depuis la seule fois où ça lui était arrivé, le phénomène ne s'est pas reproduit.

— Je ne peux pas t'aider à le trouver.

— Oh, ne t'inquiète pas, je sais parfaitement où est le livre que je cherche. Lui avait gentiment répondu le garçon, tout en fermant la porte derrière eux.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant