La Malédiction Des Jumeaux : Un Nouveau Chapitre De Dr Djenguè

Chapitre 8: Une famille brisée ou plus de famille du tout.

Comme la veille au soir, Isaac était assis dans un bar de rupins. Sirotant son nième verre de whisky hors de prix, ses yeux vides étaient rivés sur la piste de danse. Pilotés par l'alcool qui remplaçait leur sang, certains clients se trémoussaient à n'en point finir. Un bête spectacle auquel il s'était habitué depuis plus de deux ans. Mais alors que ses yeux s'immobilisèrent un instant sur son spiritueux, de vieux souvenirs lui revinrent à l'esprit.

***

Minuit et quart. Comme à l'accoutumée, il était assis dans le sofa fétiche de son night-club préféré. Au seuil de la sobriété, Isaac s'apprêtait à commander une autre bouteille de champagne qu'il allait encore vider seul. Après tout, il avait toujours été un loup solitaire. Et presque tous ceux qui avaient fait sa connaissance avaient fini par le ghoster. Il s'était donc résigné à l'idée de n'être pas fait pour la vie sociale.

- Isaac Beyrouth Da Silva.

Surpris, il darda son regard sur cette voix inconnue.

- Euh... on se connaît?

- Vous non mais moi oui.

La femme assise à côté de lui était couverte d'une peau ébène qui se fondait presque dans sa combinaison près du corps.

- Tous les vendredis soirs à 21 heures, vous vous asseyez là et vous enchaînez des bouteilles de champagne onéreux jusqu'à une heure du matin.

- Vous êtes quoi? Une espèce de détective privée?

- J'aurais bien aimé avoir un boulot aussi palpitant mais non. Je suis juste une femme à la recherche de l'amour. Enfin, de la stabilité d'une vie de foyer plus précisément.

Isaac la détailla longuement puis avala le reste de sa flûte. En fixant cette dernière, il répondit à la jeune dame sans lui adresser le moindre regard.

- Vous avez une bien drôle de façon de chercher l'amour et je l'avoue... ça m'intrigue. En revanche, si j'étais vous, je rebrousserais chemin tout de suite. Je suis loin d'être un homme à marier.

- Mais vous n'êtes pas un homme marié non plus.

Il arqua un sourcil.

- Ce n'est pas parce que je n'ai pas d'alliance que je ne suis pas marié. Tous les plus grands infidèles de Cotonou retirent leur alliance pour avoir de la chair fraîche.

- Oh mais ne vous en faites pas. Je sais parfaitement que l'habit ne fait pas le moine alors je pousse toujours mes recherches.

- Ah bon? Et que vous ont révélé vos recherches à part mon identité et mon statut matrimonial?

- Que vous êtes exactement l'homme qu'il me faut.

- Pardon?

- Voyez-vous, je suis quelqu'un de très pragmatique. Et pour choisir mon mari, j'ai fait une liste concise des critères qu'il doit remplir.

- Et laissez-moi deviner, je réponds à ces critères.

- À 90 % oui. Et j'ai bien conscience que pour une personne aussi exigente que moi, c'est de loin un pourcentage enviable. Et si vous m'offriez l'un de vos verres hors de prix? Comme ça je pourrai vous parler des fameux critères de mon homme idéal.

Il était peut-être un loup solitaire mais cette femme avait réussi à piquer sa curiosité.

- Auriane, se présenta-t-elle, Auriane Koffi-Hangbé.

Il posa sa flûte vide et serra la main qui se tendait sous ses yeux. Sa paume était orné d'un tatouage spiralé et son pouce portait un anneau en argent. Auriane croisa ses cuisses frêles et arbora un sourire satisfait entre ses lèvres charnues. Et malgré la lumière tamisée du club, Isaac parvint à distinguer les tâches de rousseur qui couvraient son visage, son cou et son décolleté. Ses petits points continuaient-ils en dessous de sa combinaison moulante? Il était désormais prêt à faire des folies pour le découvrir. Afin de chasser ces pensées lubriques qui l'envahissaient, il plongea les yeux dans son verre vide.

***

Isaac fit tournoyer le whisky dans le tumbler. Maintenant qu'il y pensait, ce scotch avait la couleur des iris d'Auriane. Il se demanda comment il avait pu en arriver là. Comment avait-il pu causer la mort de l'amour de sa vie? Une partie de lui essaya de le convaincre que la drogue y était pour beaucoup. Mais sa conscience lui martelait qu'elle serait encore vivante s'il ne l'avait pas trompée. Du moins, si une grossesse n'était pas née de l'une de ses aventures. Elle avait toujours été au courant qu'il avait des liaisons extra-conjugales. D'ailleurs, quand elle lui parlait de ses critères, Auriane avait expliqué que la fidélité n'en faisait pas partie. Du moins, presque pas.

Isaac laissa sa tête rebondir sur le dossier de son sofa. Il n'avait même pas pu la voir dans ses derniers jours, sinon son corps refroidi étalé sur le brancard de la morgue. Elle rejetait toutes ses demandes de visite et n'acceptait de voir que ses trois filles. Leurs trois magnifiques princesses. Même là, il avait échoué, pensa-t-il. Et bientôt ce serait le tour des jumeaux nés de sa trahison de prendre conscience du mauvais père qu'il était. Pourtant, cette pensée déprimante ne lui donna pas envie de reprendre le taureau par les cornes. Il préférait continuer de se morfondre et de noyer sa peine dans les alcools de luxe. Après tout, qui pouvait bien s'en soucier? Jedida n'en voulait qu'à son argent, du moins le pensait-il, et elle allait certainement éduquer leurs fils dans ce sens. Anaëlle était devenue un fantôme depuis la mort de sa mère. C'est à peine s'il la voyait alors qu'ils vivaient sous le même toit. Analyze lui en voulait et n'était pas près de lui parler. Et quant à Anabelle, seul Dieu savait dans quels coins bizarres elle fourrait son nez à longueur de journée. Elle agissait comme si elle n'avait plus de famille.