La Malédiction Des Jumeaux : Un Nouveau Chapitre De Dr Djenguè

Chapitre 18: un mois très mouvementé.

Pendant trois semaines, Rayan et Raphaëlle se perdirent dans les préparatifs de leur voyage spirituel. Passeports, visas, préparation de la gestion à distance de leurs entreprises : Rayan pour BARBARA et Raphaëlle pour sa clinique. Les choses prenaient plus de temps que prévu et ce n'était pas sans les inquiéter. Ils enchaînèrent également des consultations chez la bokonon qui les accompagnait. À défaut de connaître la véritable source du problème, elle se contentait de prévenir le pire et de leur offrir une protection palliative. Contre toute attente, Romann insista pour participer à chacune de ces séances. Et malgré les tentatives de dissuasion de sa mère, il n'en démordit pas.

L'adolescent était loin d'être à son aise dans l'antre de la prêtresse. Mais pour sa mère, il aurait bravé la terre entière. Il n'était pas question pour lui de se tenir à l'écart de ce qu'elle traversait. Il voulait avoir les yeux sur tout, même s'il n'avait aucun contrôle. Au moins, il saurait où chercher, à qui s'adresser au besoin. Malheureusement, entre les consultations spirituelles et BARBARA, Analyze avait à peine de ses nouvelles. Il avait manqué plus d'un match. Et lorsqu'il venait, il s'intéressait à peine à elle.

Ils étaient au dernier samedi du mois de juillet. C'était censé être la saison sèche mais le ciel n'en faisait qu'à sa tête. Les précipitations étaient plus nombreuses et plus abondantes que prévues. Et pour les plus frileux, la nuit tombée, il fallait porter des chaussettes pour ne pas avoir les pieds gelés. Il sonnait seulement 16 heures 30 minutes lorsque Hèviosso¹ gronda. De grosses gouttes se mirent à échouer sur la terre avant même que le ciel ne devienne sombre. Romann et ses camarades de jeu avaient parfois joué sous la pluie. Mais celle-ci était beaucoup trop furieuse. Leur entraîneuse leur ordonna alors de quitter le terrain, en espérant que la pluie se calme sous peu. Après tout, ce n'était pas la première averse qui démarrait aussi violemment dans le mois.

- Romy, je peux te parler un instant?

- Euh ok... un instant Analyze, répondit-il en ouvrant la porte des vestiaires.

Elle souffla et s'adossa au mur juste en face. Trépignant d'impatience, elle regardait ses autres camarades la dépasser dans un petit brouhaha. Pour passer le temps, elle se mit à tripoter son mini-short rouge. Au bout de quelques minutes, l'adolescent ressortit de la pièce, les yeux bloqués sur son smartphone. Il manqua de heurter une autre joueuse mais Analyze le dégagea instinctivement.

- Wow! Lâcha-t-il. Pas étonnant que tu sois l'une des meilleures avec de tels réflexes.

- Hm. Et toi, il se passe quoi en ce moment?

- Euh... de quoi tu parles? Demanda-t-il en manipulant son iPhone.

- Ça par exemple.

- Ça quoi?

Analyze se racla la gorge et marqua une pause, le temps de laisser les derniers joueurs entrer dans les vestiaires. Dépitée que Romann n'ait même pas remarqué son silence, elle lui arracha le portable de la main.

- Hey mais...

- Depuis quand tu fais ça Romann?

- Faire quoi?

- Me parler tête baissée sur ton téléphone... Si tu as un truc à me dire, fais-le en face mais ce genre de stratagème genre suis-moi je te fuis, ça ne va rien donner de bon avec moi.

- Mais Analyze...

- Tiens ton phone pourri.

Sur ces mots, elle se décolla du mur et pénétra les vestiaires. Romann allait entrer à son tour lorsqu'il la vit ressortir avec son sac à dos sur l'épaule.

- Attends mais, tu vas où là comme ça?... La coach n'a pas encore dit qu'on peut rentrer!... Analyze, tu pourrais au moins me répondre, non?... Analyze!

Elle traversa l'entrée du couloir et vira à gauche. La sortie et le parking étaient sur la droite. Il était donc évident qu'elle allait au terrain. Si celui-ci n'était pas doté de toit, c'était au moins le cas des tribunes. Le centre accueillait des matchs de basket-ball très prisés dans le pays. Les détenteurs du lieu avaient donc tout intérêt à ce que les spectateurs soient à l'abri des intempéries et du soleil. En revanche, pour s'assurer que les joueurs ne soient pas handicapés par les grosses précipitations, ils dépensaient dans les djiklonto-djidonto². Un toit de stade n'était pas encore envisageable dans leur budget.

Romann répondit au dernier message de son beau-père. Une autre consultation était prévue avec la bokonon dans la soirée et juste après, ils devaient assister tous les deux à une réunion importante. Si Rayan voulait que Romann soit plus qu'un simple observateur, il devait entièrement le plonger dans l'univers de BARBARA. Il s'assurait donc que l'adolescent participe à toutes les rencontres importantes concernant les marchés en cours.

Analyze était assise au beau milieu des tribunes, casque sur la tête.

- Tu peux baisser ton casque un instant s' te plaît?... Lyze, je sais parfaitement que tu m'entends, tu n'écoutes jamais la musique à fond.

Face au silence de la jeune femme, il s'imagina un instant faire glisser son casque et la surprendre par un baiser. Mais au lieu de cela, il rangea son téléphone dans la poche et entrecroisa les doigts.

- Ça va pas fort à la maison en ce moment. Ma mère et son mari s'apprêtent à quitter le pays.

Analyze descendit son casque en se tournant vers son ami.

- Comment ça? Qu'est-ce qui s'est passé?

- Ma mère... et sa grossesse sont apparemment menacées par une attaque spirituelle... Elle a consulté une féticheuse qui lui expliqué qu'elle trouvera des réponses auprès de membres éloignés de sa famille. Et il se trouve que ceux-ci sont jusqu'en Mozambique.

- En Mozambique? Mais... elle n'a personne ici au Bénin? Même pas au nord du pays?

- Peut-être bien des tantes, des oncles ou des cousins qu'elle ne connaît pas ou ne reconnaîtrait sûrement plus. Ses parents l'ont toujours gardée à l'écart des siens, du moins, sauf de sa sœur jumelle qui, elle a passé toute sa vie à martyriser ma mère. Elles ont coupé les ponts il y a quelques années. Mais en gros, il ne s'agit pas seulement de trouver des parents éloignés mais de retrouver The parents. Apparemment, ce sont seulement ceux-là qui sont en Mozambique, qui peuvent lui venir en aide.

- Je suis vraiment désolée Romy, dit-elle en posant une main sur celles de son ami. Je ne savais pas ce que ta famille traversait.

- Normal, je ne t'en ai pas parlé et je m'en excuse d'ailleurs. J'aurais dû. Je me rends seulement compte que je t'ai négligée dernièrement. Tu me pardonnes?

- À une seule condition.

- Laquelle?

- Que tu me fasses un câlin.

Romann sourit et enlaça aussitôt Analyze. Ils profitèrent tous les deux de cette embrassade langoureuse avant de se décoller l'un de l'autre.

- Je veux que tu saches que je suis là Romy. Si t'as besoin de parler, de te confier ou je sais pas.

- Je sais petite chatte.

- Arrête, je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler comme ça.

- Pourtant tu as le visage mignon d'une chatte. Et en plus, ce surnom te va tellement bien.

- Pfff, n'importe quoi... Tu penses qu'elle va s'arrêter cette pluie?

- Vu l'allure qu'a pris le climat ces derniers temps, je ne pense plus rien à ce propos. Je subis comme tout le monde.

Analyze coinça un rire dans sa gorge. Ils étaient partis pour contempler la pluie en silence jusqu'à nouvel ordre. De temps en temps, ils se jetaient des regards aussi furtifs qu'enjôleurs.

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1-Hèviosso: dieu du tonnerre, divinité vodoun du Bénin.

2-Djiklonto-djidonto: faiseur de beau temps-faiseur de pluie, béninois.