Cela faisait plus d'une semaine que Raphaëlle avait été libérée par les médecins. Et depuis, elle était bien silencieuse. Romann et Lucette, qui au début gardaient le silence, avaient fini par raconter à Rayan l'étrange malaise de sa femme. Ne désirant pas la bousculer, il attendait patiemment qu'elle finisse elle-même par aborder le sujet. En attendant, il s'évadait en concentrant toute son énergie dans le boulot.
Comme promis, son assistante avait réussi à obtenir la signature de leur plus gros client depuis l'ouverture de la boîte. En revanche, elle n'avait pas pu négocier le double. À sa grande surprise, Mahatma, leur client s'était lui-même fait remplacer par son chef projet. Tout comme Rayan, il avait eu un imprévu de dernière minute. Cela avait facilité la tâche à Sèdami. Mais puisqu'il ne s'agissait pas du boss lui-même, elle avait renoncé à user de ses charmes pour doubler la mise. Elle savait que même si le chef projet acceptait, Mahatma pourrait s'y opposer après. Elle n'était donc pas prête à prendre le risque de se gaspiller pour de l'à peu près. Elle adorait peut-être les pentes glissantes, mais uniquement lorsqu'elle savait où elle mettait les pieds.
Alors que Rayan parcourait les rapports digitaux de Sèdami, la porte de son bureau coulissa. Depuis que sa femme était rentrée de l'hôpital, il avait réduit ses horaires en entreprise. Il y allait tard et rentrait tôt. Il travaillait depuis la maison et comptait sur son assistante pour planifier des journées adaptées à son nouvel emploi du temps. Même si Raphaëlle parlait peu, il savait qu'elle avait besoin de lui plus que jamais. Et pour rien au monde il ne l'aurait abandonnée dans un moment pareil.
- Hey ma puce, ça va? S'enquit-il en rabattant son ordinateur tablette.
Il passa les doigts sur ses paupières pour chasser la fatigue et se propulsa hors de son fauteuil. Toujours coiffée de ses dreads à moitié crochettées, Raphaëlle vint à lui et s'émmitouffla dans ses bras.
- Je suis là ma chérie, je suis là.
- Il faut qu'on parle Rayan.
- D'accord ma puce. Viens, on s'asseoit dans le divan.
- Le... le soir où je t'ai demandé de rentrer en urgence...
Pour la rassurer, il enroba les mains de sa femme dans les siennes.
- Il s'est passé quelque chose... quelque chose d'étrange.
- Tu veux... tu veux me raconter?
- Oui... je veux bien mais... Je ne sais pas trop si tu pourras comprendre... C'était tout ce qu'il y avait de plus effrayant... Je suppose que mon fils et ta sœur ont dû te raconter, n'est-ce pas?
- C'est le cas. Mais n'empêche que j'aimerais l'entendre de ta propre bouche et surtout... savoir pourquoi tu as autant insisté pour que je rentre aussitôt. C'est comme si... comme si...
- Je savais ce qui allait se produire par la suite.
- Oui, exactement... Tu peux te sentir à l'aise avec moi Raphaëlle, tu le sais, n'est-ce pas?
- Oui... je sais.
- Alors surtout n'aie pas peur et ne pense surtout pas que ce que tu vas dire est ridicule. Oui?
- Oui, d'accord.
- Je t'écoute.
- Ça va te sembler fou mais... ils se sont battus.
- Je ne comprends pas, de qui tu parles?
- Les jumeaux Rayan. Ils se sont battus dans mon ventre.
- Battus? Mais contre quoi?
Raphaëlle fixait son mari, comme pour vérifier s'il n'allait pas la trouver folle. Il la rassura alors de nouveau en resserrant ses mains autour des siennes.
- Ils se battaient... ils se battaient l'un contre l'autre.
Pendant quelques secondes, Rayan se tint coi. Cependant, il n'arracha pas la chaleur de ses paumes à la mère de son Vahé.
- Dis quelque chose Ray... s'il te plaît.
- Qu'est-ce qui te fait dire... enfin je veux dire, comment tu as pu ressentir qu'ils se battaient... l'un contre l'autre?
- Ça ne suffira probablement pas à te convaincre mais... je l'ai senti... parce que je suis leur mère et qu'ils sont tous les deux en mon sein.
Même si Rayan faisait tout pour le cacher, les révélations de sa femme l'inquiétaient. Il n'était pas un adepte du Vodoun mais il avait souvent entendu parler du culte des jumeaux. Et pour lui, il était évident que cette fameuse bagarre n'était pas naturelle.
- Et est-ce que tu as une idée de ce qui pourrait expliquer cette... enfin cet événement mystérieux?
- Non... Mais avant que je ne commence à perdre du sang, j'ai fait un cauchemar qui était... plus vrai que nature.
- Une... prémonition?
- Non pas exactement. C'était beaucoup plus comme... un avertissement.
- Tu veux... bien me raconter?
- J'étais... allongée dans notre lit avec la même robe que je portais ce soir là... Et soudain, j'ai senti des mains me serrer le cou... de plus en plus fort.
- Et tu as pu voir de qui il s'agissait?
- Au début non. Tout était flou et j'avais la sensation de vraiment cesser de respirer... Mais après, ma vision est devenue de plus en plus claire... C'était ma mère.
En finissant sa phrase, les doigts de Raphaëlle se resserrèrent autour de ceux de son mari.
- Tu crois... tu crois que c'est ta mère qui te veut du mal?
- Non, non, sûrement pas. Je connais très bien ma mère. Elle n'était peut-être pas parfaite mais elle aurait donné sa vie pour me protéger. Elle aurait même tué pour me protéger.
- Oui, de son vivant. Mais une fois qu'on meurt, rien ne garantit que nos âmes poursuivent les mêmes objectifs que de notre vivant.
- Tu as peut-être raison chéri mais je suis sûre que ce n'était pas une attaque. Mon intuition me dit que c'est un avertissement. Quelqu'un m'en veut à moi ou à nos jumeaux ou peut-être à nous trois. Et depuis l'au-delà, elle essaie de me prévenir.
- D'accord, admettons. En quoi ce cauchemar peut-il t'aider à découvrir l'identité des personnes qui t'en veulent réellement? Et en plus, pourquoi ce cauchemar juste avant que tu ne fasses cette hémorragie?
- Je n'en sais encore rien Ray. Peut-être bien qu'on devrait consulter un bokonon, un sangoma ou un gourou, peu importe, pour découvrir le fond des choses.
- Pour le bokonon, je pense que ça devrait être assez simple. Mais pour le sangoma et le gourou, je ne suis pas sûr qu'on puisse en trouver ici au Bénin.
- Rien ne nous oblige à ne chercher qu'au Bénin. Tu sais, les pratiques... occultes qui se transmettaient comme un héritage dans ma famille allaient au-delà des frontières du pays. Et malgré ça, mes parents ont réussi à se faire tuer par ceux du père de Romann... Je ne sais pas encore ce que tout ça cache mais on doit le découvrir très vite. Si ma mère me donne un avertissement depuis sa tombe, ça veut dire que ce n'est rien de bon.
- Je n'aime pas ça Raphaëlle. Je n'aime pas ça du tout.
- Le point positif c'est que j'en connais un rayon sur la question.
- De l'occultisme?
- Oui et arrête de me regarder comme ça, il n'y a pas que du négatif dans le vodoun, l'occultisme et consor. C'est l'usage qu'on en fait bien souvent chez nous qui en a fait un danger. Et si quelqu'un arrive à faire en sorte que mes jumeaux se battent à l'intérieur de mon corps, il vaudrait mieux qu'on le craigne et qu'on règle ça au plus vite.
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La Malédiction Des Jumeaux : Un Nouveau Chapitre De Dr Djenguè
RomanceAprès six belles années de mariage, Rayan et Raphaëlle mènent une vie de rêve. Entre leurs affaires, leurs enfants et leur couple, ils pensent avoir enfin trouvé le parfait équilibre. Mais c'est sans compter sur la réapparition de leurs vieux démons...