J'ai 16 ans et je me demande pourquoi je suis là !
Au-delà de la grande question existentielle qui trotte dans la tête d'un grand nombre de jeunes de mon âge, je reste plantée à la lisière de cette forêt me demandant ce que je suis en train de faire. Partir ! Tout quitter ainsi ? Pourquoi ? Comment en suis-je arrivée à cette décision si importante ?
Pourtant, mon quotidien est habituellement calme, précis et routinier. Mon avenir a l'air tout tracé.
Souvent, allongée dans l'herbe, au milieu d'une vaste prairie, je contemple les nuages aux formes plus étonnantes les unes que les autres. Le vent effleure mon visage d'adolescente et fait danser les hautes herbes qui m'entourent. J'affectionne particulièrement ces moments de calme, avec une impression que le temps s'arrête et que dame nature murmure de douces phrases aux creux de mes oreilles. C'est magique.
Jusqu'à ce qu'un hurlement venant de l'autre côté du champ interrompe cette conversation secrète : « Néphaé ! Viens ici de suite ! ». Cette voix est capable d'atteindre un tympan à des centaines de kilomètres à la ronde. Cela doit être un don ou un fardeau, selon le cas. Enfin ! Je me suis levée sans tarder. Ma mère n'aime pas attendre. J'ai couru jusqu'à la modeste demeure de mes parents.
Ma mère est une femme toute petite et rondouillette, mais malgré un physique strict, c'est un être d'une grande gentillesse.
— Je dois aller travailler aux champs, tu sais ce que tu as à faire ?
Ce que j'avais à faire... Pour une adolescente de mon âge, cela sous-entend s'amuser, flâner dans la nature avec ses amis, mais ici, c'est plutôt astiquer le sol, faire les lessives et de nombreuses autres tâches ménagères. Pendant ce temps, les personnes dans la force de l'âge, dont les parents, travaillent aux champs, aux récoltes et autres travaux collectifs du village. Ainsi évolue la vie en collectivité. Notre village se trouve sur une île. Il n'y a rien à porter de vue à part la mer. Cette situation nous oblige à produire nous-mêmes notre nourriture ainsi que tous les autres produits de la vie courante. Nous fonctionnons sur un système d'entraide et de troc. Toute production est collective. Les villageois sont pacifistes, il n'y a que très peu de vols ou crimes car il est difficile de prendre la fuite et surtout de survivre sans les autres. Ce mode de vie implique également une activité très jeune et malheureusement un jeune âge de mortalité. Certaines histoires venant des autres territoires circulent telles des légendes, ramenées par les quelques personnes ayant tentées leur chance pour vivre autrement et qui sont revenues.
De mon côté, j'imagine souvent à quoi pourrait ressembler le reste du monde. J'aspire à quitter ce mini-territoire d'autant plus qu'il y a un aspect de cette vie qui m'horripile plus que le travail : trois fois par jour, nous devons « obligatoirement » nous présenter au temple et prier pour notre salut ou autres « conneries » de ce genre, face à une statue représentant une déesse « Neira ». Cette chose est censée nous protéger de la maladie, de la famine mais elle doit être en vacances au soleil lorsque l'hiver arrive. Je ne comprends pas ces croyances. Les légumes poussent parce qu'on a une bonne terre bien travaillée, des graines et un temps idéal et non pas au bon vouloir d'une soi-disant personne qui aurait des pouvoirs et que cela à faire. Mais pire encore une personne que l'on a jamais vu. Au final, je me retrouve souvent seule l'après-midi à faire, normalement, les tâches domestiques. Mais je préfère me promener dans ces prairies sauvages et magnifiques qui bordent le village jusqu'à atteindre la lisière de la forêt interdite.
On pourrait croire que je quitte une communauté recluse, sévère et où la joie de vivre n'existe pas. Ou que je fuis un entourage violent. Ce serait de bonnes motivations en effet. Cependant, il n'en est rien. Bien au contraire ! Cette communauté est accueillante, bienveillante. Chacun veille aux membres de sa famille et à ses voisins. Les fêtes agrémentent le quotidien du travail où les habitants profitent enfin de moments de joie, de partage et de bonheur. Les enfants s'amusent et les jeunes dansent et expérimentent leur future vie d'adulte.
Voilà une autre raison qui pourrait pousser une adolescente à quitter son village : les relations humaines entre jeunes.
Et bien, dans ce domaine, j'ai quelques lacunes en effet mais pas au point de vouloir tout abandonner.
Je suis de nature timide et légèrement naïve. Je n'ai pas réussi à entrer dans le groupe le plus important des jeunes, celui où la plus belle fille dirige les autres et où les garçons les plus sportifs se font remarquer. Il faut dire que j'avais un léger désavantage, un élément qui m'a écarté de ce groupe et des habitants, un petit peu.
Sur cette île, tout le monde possède un teint hâlé. L'ensoleillement est fort présent durant la saison estivale. Mis à part quelques personnes légèrement châtains foncés, le peuple se compose d'êtres aux cheveux noirs ou bruns foncés et aux yeux tout aussi sombres. Les tailles sont relativement moyennes, avec plus de petits que de grands, et les corpulences assez carrées et fortes.
Il se trouve que je suis déjà assez grande pour mon âge, très maigre et surtout, je possède une chevelure blonde et une peau plus blanche que le lait.
Cette différence, bien qu'acceptée par la plupart des villageois, m'octroie quelques moqueries de mes camarades et une mise à l'écart parfois. C'est pourquoi j'affectionne particulièrement de rester seule. Cependant, j'ai un ami, masculin : Ben. Un jour, alors que j'encaissais quelques remarques désobligeantes sur mon physique, il s'est interposé en recadrant verbalement les enfants moqueurs. Depuis ce jour, nous sommes amis. Il est d'une grande écoute et ne relève jamais de détails sur mon physique. Nous passons parfois des après-midis entières à discuter sur ce que nous aimerions faire plus tard ou à imaginer une autre vie. Une fois, je lui ai même avoué que je ne me sens pas du tout à ma place ici, outre les différences physiques. J'ai l'impression d'être d'un autre monde, que le travail de la terre, le quotidien de la vie familiale ne m'intéressent pas le moins du monde et que j'aspire à autre chose, sans savoir quoi. C'est un sujet que je n'ai jamais abordé avec mes parents de peur de les décevoir. Lui, il a réagi bizarrement : j'ai d'abord cru voir de la déception dans son regard puis il a souri en répondant qu'il adorerait connaître le monde extérieur et partir à l'aventure avec moi, en rigolant.
Et pourtant, au moment de cette décision cruciale, il n'a pas souhaité m'accompagner. Je pense qu'il avait un peu peur tout de même. Il a justifié son refus en prétextant que ces parents avaient besoin de lui pour faire fonctionner la ferme convenablement et nourrir toute sa famille composée d'enfants en bas-âges encore.
Je ne lui en veux pas et comprends tout à fait sa réaction. Si cette décision ne m'appartenait pas, j'aurais aussi du mal à partir.
Peut-être est-ce moi qui est tort d'abandonner la vie agréable que je possède pour l'inconnu ? Est-ce perdre la raison que de quitter la sécurité d'une vie de qualité ? Mes raisons sont-elles assez bonnes pour un tel changement ? Les signes et les appels ressentis sont-ils réels ? Comment en être sûre ?
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L'Odyssée de Néphaé
Fantasy"Je m'appelle Néphaé et j'ai 16 ans. Je suis encore bien naïve mais je me pose des tas de questions depuis toujours, surtout depuis que j'ai appris que je suis adoptée. Mon seul but maintenant est de retrouver mes parents biologiques. Je me suis lan...