CHAPITRE 26 SACRIFICES

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— Tu as vu un fantôme petit !

Il ne manquait plus que lui ! Mon père s'avance, en compagnie du jeune garçon.

— Allons apporter à notre Mage ces délicieux cadeaux.

Je me redresse. Arpentant un air de vainqueur face à mon Maître mais évitant soigneusement le regard du petit. Nous retournons vers la cave lugubre.

— Oh, je vais aller chercher la fille ! lancé-je à mon père, comme si j'avais oublié.

— Ne t'en fais pas, Cinq la prépare pour le Mage.

Pourquoi cela me dérange autant ? Jai pourtant l'habitude. Mon père m'a élevé ainsi, dans cette atmosphère. Ma nuque me fait mal.

— Que t'arrive-t-il ? Depuis quand te préoccupes-tu du sort d'insignifiants ?

— Rien, tout va bien. Je pensais juste que vous ne saviez pas que Cinq en avait ramené deux.

— Cinq obéit à mes ordres. Bien sûr qu'il m'en a ramené deux car c'est ce que je lui ai demandé. Tu es bizarre depuis quelques temps.

— Non, non ça va. Je vais bien. Très bien ! affirmé-je pour clôturer cette conversation, en me frottant la nuque toujours.

Quand nous arrivons face au Mage, Cinq débarque aussi, avec l'adolescente, dans un état pire que tout à l'heure.

— A genoux ! ordonne mon père aux deux enfants.

Le Grand Mage pivote vers nous, laissant apparaître un bout de petit crâne, aussi blanc que le lait, dans sa main verdâtre. J'ai une remontée gastrique qui arrive à fleur de glotte. Mais purée, que m'arrive-t-il ?

— Ah voilà la suite. Venez, mes enfants, prenez place ici !

Il les dirige vers le centre d'un cercle dessiné au sol. Des tas de symboles en fond le tour. Puis il se place en face, pose une main sur chaque tête et prononce des paroles incompréhensibles.

Je me sens épié, pris d'un sentiment de panique. Alors même que je torturais des petits chats dès mon plus jeune âge sur les conseils de mon géniteur, je me sens oppressé et cette brûlure s'attise à nouveau. Mon père me jette un regard de suspicion. Je me redresse pour afficher mon plus beau profil, sérieux et ravi de ce spectacle.

Je pose de nouveau mon regard sur la scène qui se joue : le Mage a les bras grands ouverts, la tête vers le plafond où un tourbillon de nuages violet foncé s'est formé. L'apesanteur à l'air d'avoir disparue. Il flotte légèrement au dessus du sol mais le meilleur se trouve au centre. Les deux enfants volent aussi dans l'air. Ils crient de douleur au fur et à mesure des incantations qui leur ôtent leur essence de vie. Leur peau vieillit à vue d'œil, à tel point qu'elle commence à laisser s'échapper des coulées de sang frais. Leur cheveux, devenus d'abord très longs et blancs, finissent par tomber. Apocalyptique, voilà qui résume bien la scène.

Alors que je m'apprête à esquisser un sourire, cette douleur au bras me foudroie, m'obligeant à m'incliner. Il me semble avoir même crié un « STOP ». Cet ordre venu de nulle part coïncide parfaitement avec le moment où les enfants rendent leur dernier souffle, et où le Mage, me fixant vivement, me lance un :

— Je te vois !


L'Odyssée de NéphaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant