CHAPITRE 28 TRIBUNAL

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— Il ne doit pas être aisé de faire une sieste ici ! m'exclamé-je.

Ce commentaire me vaut un « SILENCE » de la part du chef et une tape derrière la tête de son officier qui se tenait à l'arrière.

— Attendez là ! ordonne le plus haut gradé.

Il s'avance vers un comptoir où une vieille dame, qui ressemble fortement à celle de la bibliothèque, écrit à tout va sur des feuilles de papier et écrase un petit bloc noir dégoulinant. Elle en donne un au soldat contre toute la pile qu'il détenait. En y regardant de plus près, une bonne partie des personnes présentes est vêtue du même uniforme que nos gardes, une deuxième partie est habillée de robe noire avec des froufrous, fanfreluches, que sais-je, aux poignées et au col. La troisième partie n'a pas de tenue en commun, par contre, comme nous, ses membres affichent une mine des plus tristes, apeurées ou d'incompréhension, voire les trois en même temps.

Le haut gradé revient vers nous au moment où un cri se fait entendre, stoppant net tout mouvement, toute parole en cours.

Un homme, totalement affolé, court en direction de la sortie, se retournant pour jauger la distance qu'il le sépare de ses assaillants :

— Non, vous m'avez déjà pris ma femme, vous ne détruirez pas ce qu'il reste de ma famille. Jamais je ne me soumettrai, jamais je ne dirai où ils sont.

Je croise son regard. Plein de haine, de détermination mais aussi d'amour et de liberté. Alors qu'il atteint la porte et ressent à peine la douce chaleur du soleil sur son visage blanchâtre, un bruit assourdissant met fin à sa course. Il trébuche au pas de la porte, tente de se relever, la main sur la poitrine, il contemple le sang qui serpente entre ses doigts. Il sait que c'est la fin, me fixe et lance avant de succomber dans les marches :

— C'est vous ! Ils seront sauvés ! Merci.

Je regarde derrière moi pour trouver la personne à qui il s'adresse. D'autres soldats sont venus le ramasser, comme un animal mort, et tout le monde a repris son activité.

— Qui était-ce ? Qu'avait-il fait pour mériter cela ?

— Silence, gamine ! grogne mon gardien.

— Encore un qui n'a pas accepté son jugement sûrement ! rétorque son homologue. Allez avance maintenant, on n'a pas que ça à faire.

Nous empruntons de nouveau des escaliers, en marbre cette fois. Plus élégants mais tout aussi interminables. Après un énième couloir, il nous est ordonné de nous assoir sur un banc, face à une de ces mystérieuses portes. Cette attente est source de stress pour moi. Qu'y a-t-il derrière cette porte ? Des monstres ? Que va-t-il nous arriver ? De la torture ? Pourquoi ? Nous n'avons rien fait. Allons-nous finir comme ce pauvre homme ? C'est quoi un jugement exactement ?

Face à mon questionnement intérieur, Beurk, assis à mes côtés, pose sa main sur mon genou, en signe de réconfort. Cela fonctionne bien et je l'en remercie.

Pour me changer les idées, je détaille ce couloir d'attente. Bien d'autres sont dans la même situation que nous, assis sur des bancs, encadrés de gardes. La décoration dénote carrément avec l'ambiance que nous ressentons. Un tapis rouge, bordé de lignes et de fleurs en dorure, recouvre le plancher en bois. Un des murs, d'un beige sobre, est entrecoupé de hautes fenêtres en bois blanc, encadrées par des rideaux assortis au tapis. L'autre mur, plus sombre, se marie avec les boiseries des portes. Toutefois, je suis intriguée par le fait que ce mur ne dispose pas de portes partout. En effet, seuls cinq encadrements sont visibles. Le dernier laisse place à une suite de tableaux, à l'image de la ville, démesurés. Je me penche, me soulève légèrement afin d'apercevoir ce qu'ils représentent. Le plus proche de nous représente un homme, vêtu de noir, froufrous aux poignés. Le haut de son crâne est dégarni mais une couronne de cheveux lui reste autour de la tête. Il ne sourit pas, croise ses bras et porte à l'un de ses doigts une bague en or.

Le deuxième tableau, copie conforme, représente aussi un homme. Plus vieux, avec plus de cheveux, tous blancs mais longs. Légèrement de profil, la tête haute, ses mains sont posées sur sa taille et il arbore également une bague en or.

Le troisième est similaire aux deux premiers. Seul l'homme est différent. Toujours vieux, moche, légèrement pervers. Et encore cette bague en or.

Le dernier tableau est complètement différent. Les accessoires perdurent ainsi que les vêtements mais l'homme paraît différent. Il est de face, se tient bien droit et a une couronne sur la tête. Le col de sa longue veste noire cache légèrement son visage.

Tellement concentrée sur son visage, je ne m'aperçois pas que je me suis levée. Je commence un pas en avant pour distinguer les traits qui le caractérise quand soudain :

— AAH mon Dieu ! Ce n'est pas croyable !

L'Odyssée de NéphaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant