Chapitre 1 - L'Appel

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Ce jour-là, je suis restée dans la grange de notre maison. Je farfouille, comme souvent, dans le grenier. J'adore trouver de vieilles babioles pour les briquer et en faire de nouvelles ou bien inventer des histoires passées concernant ces objets. Je commence à connaître toutes ces choses par cœur mais cette fois en m'appuyant sur l'habituelle caisse, celle-ci a fait un bruit de craquement puis s'est brisée. Je me redresse et j'aperçois dans cette banale caisse en bois un coffre. Il est magnifique, petit, mais joliment orné, pas comme les vieux trucs, ici. Des symboles sont gravés dessus, une calligraphie tout à fait inconnue et plaisante à regarder. Aucune serrure ne m'empêche de l'ouvrir alors c'est ce que je fais. Dans un grincement à faire froid dans le dos, le couvercle bascule et j'aperçois un superbe médaillon en bronze avec les mêmes inscriptions. De premier abord, je me dis « Woua ! Cet objet va en raconter beaucoup d'histoires ». Je le prends dans mes mains et à ce moment je ressens une impression étrange. Comme un appel, une attirance d'une force invisible. Je ferme les yeux pour ressentir mieux cette force mais c'est la gracieuse voix de ma mère qui me fait sursauter. Sans m'en apercevoir, j'ai passé toute l'après-midi dans ce grenier. Il fait déjà noir. Je sais que je vais avoir droit à une remontrance mémorable en rentrant rien qu'au ton que ma mère emploie.

A l'heure du dîner, un silence pesant survole notre table. Les cuillères tintent dans les assiettes. J'ai gardé ma trouvaille autour de mon cou et depuis un bon moment une question me brûle les lèvres. En effet, tout au long de cet interminable repas, je regarde mes parents. Ils possèdent toutes les caractéristiques physiques des habitant de l'île, sans grandes surprise :une mère petite et ronde, cheveux noirs, yeux noirs et un père tout aussi petit, pas maigre non plus, les yeux bruns et les cheveux épais et sombres. Alors pourquoi suis-je si différente : blonde, yeux clairs, assez élancée et menue, plus grande que mes deux géniteurs. Même si cette question me trotte dans la tête depuis mon enfance, je ne peux rester sans réponse dorénavant. Malgré qu'ils soient de superbes parents, jamais ils ne m'ont mis à l'écart, ils m'ont toujours défendu auprès des autres, je décide de rompre le silence et je largue ma question en plein dessert :

— Est-ce que vous m'avez adopté ?

Le silence laisse place à une atmosphère de gêne. Le regard de mes parents me fusille et s'attriste à la fois. Mon père pose violemment sa fourchette sur la table et se lève avec un visage figé et froid. Ma mère prend la main de son époux et dit :

— Je pense qu'il est temps mon chéri !

A ces mots, je ne sais pas quoi ressentir. J'ai failli tomber de ma chaise d'abord, puis une pointe de joie me traverse. Savoir que je ne viens pas d'ici explique bien des choses : mon envie incessante de partir, ne pas me sentir à ma place. Puis la tristesse remplace la joie. Triste de comprendre le mensonge de mes parents et qu'ils ne sont pas mes parents biologiques.

Après un court moment de silence qui paraît interminable, mon père s'assoit et les yeux de ma mère s'emplissent de larmes qu'elle tente de retenir.

— Nous nous baladions sur la côte est de notre belle île, avoue mon père, nous étions jeunes. Puis nous avons entendu de petits cris. Nous pensions que quelqu'un avait besoin d'aide. Nous avons couru en direction d'une grotte creusée par la marée. Et là nous avons vu un coffre étincelant avec à l'intérieur un bébé enveloppé dans un drap d'une texture inconnu. Ce petit être avait autour du cou un médaillon.

— Un médaillon !, j'interromps mon père.

— Oui, un médaillon, mais nous ne l'avons pas gardé, affirme-t-il.

J'empoigne ma découverte sous mon tricot et le pose sous le nez de mon patriarche. Je pense qu'il s'est senti un peu stupide sur le coup. D'ailleurs, je pourrai jubiler de cette situation mais le cœur n'y est pas.

— Ah mon dieu, tu l'as retrouvé. Nous pensions l'avoir perdu !, surenchérit ma mère.

Un léger grognement racle dans ma gorge. Elle tente de sauver les apparences. Elle poursuit :

— Nous ne savons rien de tes origines. Nous n'avons rien à te raconter et, tu sais que nous aimerions que tu restes ici. Nous t'aimons comme notre propre fille.

— Bien, rétorqué-je. Quand j'ai touché ce truc, j'ai ressenti comme un appel. J'ai toujours l'impression de ne pas être à ma place ici. Je ne vous en ai jamais parlé de peur que vous soyez déçus. Je ne suis pas courageuse, je ne suis pas téméraire et j'ai du mal à me débrouiller seule mais j'ai besoin de savoir. Je vous adore, ces cachoteries ne changeront rien à ce que je ressens pour vous, vous serez toujours ma « mamoune » et mon « papounet », mais je dois partir chercher la vérité. Sachez que vous comptez énormément pour moi. Vous m'avez élevé comme votre enfant et ça, je vous en serai toujours redevable. Dès que j'aurai éclairci les choses, je reviendrai vous voir.

L'Odyssée de NéphaéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant