Chapitre 6

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Les ordres de Bankotsu étaient tombés la veille, et chacun s'était attelé à exécuter ses décisions incontestables. Étaient ainsi restés avec lui dans le domaine du manoir quelques membres seulement de la bande, dont évidement Shôkotsu faisait parti. Cette dernière, par ailleurs, s'était isolée en haut d'un vieux chêne aux larges branches, méditant tranquillement sur leur situation à tous. Ils avaient ressuscités par un miracle certain, et elle ne connaissait même pas l'identité de celui qui avait accompli ce prodige, ni comment il s'y était pris. Elle aimerait pourtant le savoir, pour pouvoir le maudire autant qu'il lui plairait.

La jeune fille, silencieuse, observa un instant le papier qu'elle avait embarqué avec elle. Durant son enfance, elle n'avait reçu que peu d'éducation, et ne savait ni lire, ni écrire. Néanmoins, lorsqu'elle fut prisonnière du Sanctuaire, son geôlier avait prit la peine de lui enseigner quelques lettres aléatoires propres à la Grèce. Avec son pinceau, elle les traça toutes dans la suite qu'il lui avait apprit. Elle ne savait ce qu'elle avait rédigé, sans doute cela ne voulait-il rien dire, mais peu lui importait. Elle ne le faisait que pour le plaisir d'écrire.

Elle se prit à songer à Renkotsu. Ce dernier était un érudit, qui avait grandit dans un temple où on l'avait d'abord destiné à une carrière religieuse pour qu'il devienne un honorable bonze. Ce fut là-bas qu'il apprit de grandes choses, à lire et à écrire entre autre. Elle ignorait une bonne partie de l'histoire de Renkotsu, et elle se demandait encore ce qui avait déclenché cette passion qu'il avait pour tout ce qui touchait aux flammes. Cependant, elle l'admirait, pour ses talents, ses connaissances ainsi que son élégance, et rêvait secrètement de devenir son élève pour acquérir autant de savoir que lui.

Perdue dans ses pensées, Shôkotsu fut attirée par un étrange hululement qui l'intrigua fortement. Elle tourna la tête et vit, à moitié dissimulée par le feuillage, une chouette au beau plumage blanc et brun. L'oiseau l'observait de ses grands yeux noirs brillants d'intelligence. La jeune fille, surprise, eut un long moment d'ébahissement devant l'animal, avant que la voix de Jakotsu ne la ramène à la réalité.

- Où es-tu, Shôkotsu ? répéta l'épéiste en s'aidant de ses mains pour que sa voix porte plus loin.

La jeune fille se retourna, pour constater que Jakotsu l'appelait d'une fenêtre du rez-de-chaussée du manoir. Lorsqu'elle voulut regarder à nouveau l'oiseau, il avait disparu, comme s'il n'avait jamais existé.

- Ohé, Shôkotsu !!

- Oui ! brailla-t-elle en réponse, énervée. Je suis là !

Ravi, Jakotsu bondit de la fenêtre et s'avança jusqu'au chêne. Shôkotsu le regarda venir sans broncher, le détaillant à nouveau dans son esprit. Il avait des traits légèrement féminins qu'il ne cachait pas, au contraire, il accentuait ce petit côté que la vie lui avait offert en se maquillant et en portant des vêtements taillés pour les femmes. Au premier abord, il pouvait paraître très étrange... Et lorsqu'on commençait à mieux le connaître, l'on pouvait soit le trouver attachant, soit complètement dérangé.

- Qu'est-ce que tu fais là haut ? s'étonna l'épéiste en levant la tête vers elle.

- J'avais besoin d'altitude.

- Renkotsu grimpe aussi aux arbres, parfois...

Shôkotsu descendit de son perchoir avec agilité, atterrissant juste devant son ami.

- Qu'est-ce que tu me veux ? demanda-t-elle.

- J'aimerais boire du saké, murmura-t-il en regardant le ciel.

- Je ne te servirais pas, le mit-elle en garde sur un ton menaçant.

Jakotsu baissa les yeux vers elle. Elle était bien plus petite que lui, et il aimait beaucoup ce petit air farouche qui apparaissait sur son visage lorsqu'elle était courroucée. C'était principalement pour le voir qu'il la taquinait souvent.

Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant