Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)

Chapitre 7

Suikotsu marchait seul au cœur de ce paysage enchanté, qui le répugnait au plus au point. Il se dégageait de ces montagnes et de ces cascades une douce aura pleine de bienveillance et de pureté qui l'écœura, et qui lui fit craindre que l'autre prenne le dessus sur lui tant son esprit s'affaiblissait à mesure qu'il avançait. Et, tandis qu'il réfléchissait, il perçu un bruissement dans le feuillage tout proche. Il cru d'abord qu'un Chevalier l'avait repéré, et amena ses griffes de la main droite près de son visage, se tenant aux aguets. Il guetta les alentours, sans une once de crainte, lorsqu'il se rendit compte qu'il y avait quelqu'un là-haut, caché dans les feuilles d'un arbre. Il leva aussitôt la tête, se tenant prêt à attaquer, quand un corps tomba lourdement au sol, juste à ses pieds. Il en recula d'un pas sous la surprise, dents serrées, mais il se rendit bien vite compte qu'il connaissait cette silhouette. C'était Shôkotsu qui était là, et qui se relevait bien difficilement après sa chute.

- Quoi... Qu'est-ce que tu fais là ? demanda mauvaisement Suikotsu en baissant sa garde.

- Il fallait que je te retrouve, se justifia-t-elle en s'étirant le dos.

- Ah oui ? Et pourquoi ?

Shôkotsu resta d'abord silencieuse. Il lui était bien trop embarrassant d'avouer qu'elle était inquiète pour lui, et il lui était impossible d'inventer que son grand frère l'avait envoyé ici ; il ne la croirait pas.

- Je suis venue t'aider de mon propre chef, répondit-elle alors.

- Je me doute bien qu'Aniki ne t'aurait jamais laissé quitter le manoir, maugréa Suikotsu. Tu me mets dans une position délicate.

- J'en ai conscience. Mais je suis la seule responsable de mes actes, n'est-ce pas ?

- En effet... murmura-t-il en plissant légèrement les yeux.

Suikotsu réfléchissait sur la situation qui se présentait à lui. D'un côté, il était agacé qu'elle l'ait suivit jusqu'ici. Il la trouvait bien inconsciente et irresponsable de s'éloigner ainsi de leur grand frère. Mais d'un autre côté, il avait naïvement pensé à elle durant son voyage, et il était profondément satisfait de la voir apparaître en face de lui. Néanmoins, puisqu'il ne voulait rien laisser paraître, son énervement l'emporta.

- Tu n'aurais pas dû venir, siffla-t-il en la bousculant pour reprendre sa route.

- Ohé ! protesta-t-elle face à sa brutalité. Tu pourrais me témoigner un peu de reconnaissance !

Elle trottina à sa poursuite, attendant une réaction de sa part. Mais il ne montrait qu'un agacement profond, sans s'arrêter de marcher.

- Maintenant que tu es là, déclara-t-il enfin, tu resteras. Il est hors de question que tu fasses le trajet de retour toute seule.

- J'espérais bien que tu ne me renverrais pas.

- Oh, crois-moi que s'il n'y avait pas ces maudits Chevaliers, c'est avec un coup de griffe que je t'aurais poussé au manoir.

- Adorable... marmonna-t-elle en levant les yeux au ciel.

Elle l'entendit pester entre ses dents, et esquissa un léger sourire. Le comportement de Suikotsu n'avait pas changé à son égard. Il la méprisait toujours autant, mais cela ne la dérangeait plus. Dès leur première rencontre, alors qu'il acceptait de rejoindre la Bande des Sept qui ne portait en ce temps pas de nom, il avait semblé la détester. D'abord, elle s'en était affligée la faute, se disant qu'elle avait forcément mal agit... Puis, elle s'était mise à l'apprécier malgré ses injures, et pour rien au monde elle ne voudrait qu'il ne change vis à vis d'elle.