Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)

Chapitre 9

C'était au milieu d'une forêt sombre, qui surplombait la clairière de cascade qu'ils avaient rapidement quitté, que les deux mercenaires s'étaient arrêtés. Shôkotsu, qui ne pouvait aller plus loin en supportant le poids de Suikotsu, laissa ce dernier s'asseoir contre le tronc d'un arbre, et s'assit en face de lui pour reprendre son souffle. Il lui avait semblé courir longtemps pour échapper aux Chevaliers, mais elle était maintenant assurée qu'ils ne les poursuivaient pas. Elle avait eut raison de tirer sur cette fille ; même dans la précipitation elle avait réussi à viser juste, et s'en félicitait.

- Suikotsu... soupira-t-elle en s'avançant vers lui à quatre pattes. Est-ce que ça va ?

- Tch... Laisse-moi tranquille.

Il tenait sa blessure d'une main, et se refusait à la lâcher. Il n'arrivait pas à croire que cette fille lui était venu en aide, et plus il y pensait, plus cela l'écœurait. Ses dents se serrèrent sous l'énervement, et peut-être aussi à cause de la douleur qu'il ressentait. Ce maudit Chevalier ne l'avait pas loupé ; il n'avait pas été suffisamment prudent et il en payait le prix.

- Je t'en prie... soupira la jeune fille. Montre-moi cette blessure.

Elle chercha à écarter sa main, mais il la repoussa violemment. Elle fut quelque peu projetée, atterrissant brutalement sur ses arrières. Elle grimaça, avant de lui reprocher son entêtement.

- Je t'ai dit de me laisser tranquille ! s'énerva Suikotsu.

- Et moi je te demande de me montrer ta blessure ! rétorqua-t-elle.

Ils se disputèrent ainsi, et plus Shôkotsu insistait de ses mains, plus il usait de force pour l'éloigner de lui. Enfin, lorsque ses nerfs furent poussés à bout, il serra le poing droit, et chercha à lui entailler la poitrine de ses griffes. Ayant anticipé son geste, la jeune fille recula vivement tout en se mettant debout, l'esquivant avec aisance. Là, elle soupira longuement, abattue. Suikotsu, les dents toujours serrées sous la colère, la mit en garde d'un regard de ne plus chercher à lui venir en aide. Là, elle leva les mains en l'air, en marmonnant :

- D'accord, d'accord... Tu as gagné, j'abandonne.

Puisqu'elle était tout de même réputée pour sa parole d'or, Suikotsu s'affaissa contre le tronc d'arbre, apaisé. Là, il ferma un instant les yeux, se reposant un peu. Au moins, ils s'étaient éloignés des cascades, et dans cette forêt il ne se sentait plus aussi mal que là-bas. Il n'y avait plus aucune chance pour que l'autre prenne le dessus sur lui.

- Qu'allons-nous faire, maintenant ? demanda Shôkotsu en rechargeant son arbalète.

Suikotsu rouvrit les yeux, et l'observa longuement sans rien dire. Elle n'était concentrée que sur son arme à distance, et pourtant il pouvait affirmer que chacun de ses sens étaient concentrés sur ce qui se passait aux alentours. Elle faisait tant d'effort pour qu'ils ne soient pas repérés... Après ce qu'elle avait fait pour lui, il ne pouvait se dire qu'elle agissait par égoïsme.

- Nous devons rejoindre Aniki, répondit-il en baissant les yeux sur son épaule ensanglantée.

- Et les Chevaliers ? s'inquiéta-t-elle.

- On laisse tomber, fulmina-t-il.

Shôkotsu manqua de soupirer de soulagement, mais se contint avec aisance. Elle préférait largement ne pas se frotter aux Chevaliers ; leur grand frère le savait. Mais elle était venue ici de son propre chef, parce qu'elle ne voulait pas que Suikotsu soit seul. Au final, elle s'en félicitait. Mais quelque part, elle s'en voulait tout de même, surtout vis-à-vis de cette inconnue qu'elle avait blessée, peut-être même tuée. Elle préféra ne plus y songer, se focalisant sur Suikotsu.