Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)

Chapitre 27

C'était la nuit. Vêtue d'une robe de soie comme on en faisait plus, Shôkotsu avait quitté le temple des Gémeaux dans lequel elle était consignée. Esquivant habilement les gardes qui surveillaient les alentours, elle s'éclipsa loin, haut dans les montagnes, jusqu'à atteindre la tombe brisée. Ou plutôt, sa tombe.

L'endroit était tel qu'il se trouvait lorsqu'elle l'avait quitté, en compagnie de ses frères mercenaires ; la sépulture toujours fendue en deux, et le cabanon érigé détruit en lambeau. Quelque part, sous ces décombres, il y avait un trou béant dans lequel leurs corps avaient été enterrés. C'était là que leur seconde vie avait commencé... Et c'était probablement là qu'elle s'achèverait.

- Qui va là ? cria une voix forte dans l'obscurité.

Nullement inquiétée, Shôkotsu se contenta de relever légèrement la tête. Il y avait quelqu'un, derrière elle, mais elle avait reconnu sa voix, et ne se retourna pas pour le voir. Elle savait qu'il s'agissait d'Argol, le Chevalier d'Argent de Persée.

- Toi... siffla-t-il avec une pointe de colère.

- On m'a dit que tu étais chargé de surveiller cette demeure, se contenta de répondre la jeune fille d'une voix lente.

- Tu es une intruse, ici. Va-t'en, avant qu'on ne te voie et qu'on ne t'enferme.

- Serait-ce de la considération ? s'étonna-t-elle en lui lançant un regard de biais.

- Je te hais et te méprise, cracha le Chevalier. Mais je sais ce que tu as fait pour moi et Dante. Alors je fermerais les yeux pour cette fois, et ne dirais à personne que tu es venue ici sans surveillance.

- Ah, les Chevaliers et leurs auras... murmura-t-elle en secouant lentement la tête. Savoir que je suis venue ici toute seule... Vous m'étonnerais toujours.

Shôkotsu se retourna complètement, et discerna son interlocuteur dans la pénombre. Il portait son Armure d'Argent, toujours avec cette même fierté dans le regard. La clarté de la lune lui permit d'observer en détail les traits de son visage, tirés par l'amertume et la colère.

- S'il vous plaît, Chevalier de Persée. J'ai besoin d'un moment... Seule.

- Tu n'as pas le droit d'être seule, revenante.

- Je ne le sais que trop bien. Mais c'est ici que j'aurais dû rester pour l'éternité avec mes frères... Mais l'éternité ne fut pas aussi longue que je le croyais.

Elle était triste. Argol plissa légèrement les yeux, ne faisant pas confiance à la meurtrière.

- Pars maintenant, avant que je ne change d'avis... pesta-t-il en croisant les bras.

- Je ne réclame qu'un instant, Chevalier. Laissez-moi pleurer celui que j'ai perdu l'an passé, laissez-moi pleurer la délivrance que je n'ai pu obtenir...

Etonné par ses paroles, Persée décroisa les bras, pensif. Il hésita un moment, avant de murmurer doucement :

- Je dois m'absenter quelques minutes. Si, lorsque je reviens, tu es encore là, sache que tu le regretteras.

- Merci, Chevalier.

Argol ne répondit rien, disparaissant dans les ombres. Shôkotsu observa longuement l'endroit où il avait disparu avant de se tourner vers la tombe. Elle s'agenouilla devant, et déposa une fleur qu'elle avait cueillit en chemin. Là, elle ferma les yeux, et songea à Ginkotsu, qui s'était fait tuer par Shiryû. Aucunes larmes ne lui vinrent, mais sa tristesse se lisait sur ses traits déformés par le chagrin.