Chapitre 33

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Shôkotsu attendait dans l'antichambre qu'on la convoque depuis plusieurs heures déjà. Cette fois-ci, assurément, elle n'échapperait pas à son destin, et elle le savait bien. Jamais son anxiété ne fut plus grande. Et jamais son malaise ne fut plus intense.

Mais elle ne ressentait que partiellement sa souffrance. Elle tenait enfin dans ses bras ce qu'elle avait considéré, et ce qu'elle considérait toujours, comme sa raison de vivre. Kana sommeillait paisiblement dans l'étreinte maternelle, sans avoir conscience des évènements graves qui se tramaient tout autour d'elle. Et Shôkotsu la berçait avec amour, profitant de chacun de ces moments de tendresse.

A côté, seul le Chevalier d'Argent de Persée était présent. Tous les Chevaliers d'Or, même Dohko cette fois-ci, s'étaient rassemblés dans le temple sous ordre du Grand Pope lui-même. En somme, la situation était assez critique.

- Toutes les excuses du monde ne me sauveront pas, aujourd'hui... murmura Shôkotsu en levant les yeux vers le Chevalier.

Impassible, Argol se contentait de lui adresser un regard noir.

- Pourriez-vous me rendre, s'il vous plaît, un autre service, Chevalier ?

- N'abusons pas des bonnes choses, répliqua-t-il aussitôt sur un ton sec.

- Permettez-moi au moins d'avoir la conscience tranquille...

- La conscience tranquille ? répéta-t-il en s'emportant. Par ta faute, notre seule chance de prendre la Bande des Sept par surprise a volé en éclat ! Nous aurions pu enfin les arrêter, mais il a fallut que tu parles ! Saches que si tes « frères » commettent de nouvelles atrocités, tu en seras tenue pour entière responsable !

- Chevalier, il s'agissait de ma fille.

Elle avait dit cela doucement, la voix presque étranglée par la honte et le chagrin. Argol parut se calmer aussitôt, reprenant sa posture initiale, comme s'il ne s'était pas du tout énervé.

- Je vais vous dire ce que j'ai à dire, à vous de voir si vous m'écouterez ou non. Je n'aurais probablement pas l'occasion de revoir Shunreï, mais dîtes lui de ma part que je suis désolée du mauvais traitement que mon frère aîné lui a infligé. Dîtes lui que je regrette, car c'est par ma faute qu'elle a été prise pour cible. Enfin, dîtes lui, je vous en prie, que je la remercie de m'avoir accordé son pardon, que je la remercie pour tout ce qu'elle a fait pour moi, et que je n'oublierais jamais sa bienveillance et son courage.

Argol conserva le silence, sans savoir quoi répondre à cela. Puis, il entendit la porte s'ouvrir, et il comprit qu'il ne reverrait probablement plus la mercenaire.

- Donne la moi, ordonna-t-il d'une voix étrangement douce.

Il avait tendu les bras pour réceptionner l'enfant. Shôkotsu hésita, croisa le regard du Chevalier d'Argent, avant de voir venir plusieurs gardes armés. Ils étaient là pour elle, et seulement pour elle. Elle acquiesça donc, et confia sa fille à Argol. Elle embrassa une dernière fois la tête de cette dernière, en lui murmurant :

- Puissions-nous un jour nous retrouver.

Sans la moindre considération pour elle et cet adieu déchirant, les gardes se saisirent de la mercenaire, et l'entrainèrent. Argol les avait regardés faire sans rien dire, mais il n'en pensa pas moins. Il baissa ensuite les yeux vers l'enfant qui tressaillait dans son sommeil, songeant que le destin était bien cruel de faire d'elle une si jeune orpheline.

Shôkotsu fut traînée dans la salle principale du palais du Grand Pope, où les Douze Chevaliers d'Or étaient rassemblés. On l'obligea à s'agenouiller par la force devant le trône d'or, et on ne la lâcha plus. Mais la mercenaire ne disait rien. La seule chose qu'elle avait en tête à ce moment précis fut le petit visage rassurant de sa fille. La voix forte, calme et autoritaire du Grand Pope résonna alors dans tout le temple :

Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant