Les Chroniques de la Guerre Sainte (Tome 1)

Chapitre 31

Après ce qui s'était passé en ville, Saga décréta qu'il ne quitterait plus Shôkotsu, à aucun moment, déléguant toutes ses tâches primordiales à d'autres sans tolérer la moindre contestation. De son côté, Milo fut quelque peu réprimandé pour son acte, qu'on jugea « précipité ». On estimait qu'il n'aurait pas dû tuer l'espion tout de suite, ou au moins parvenir à lui soutirer des informations. Mais le Chevalier défendait son impulsivité avec une certaine hargne, assurant avoir agit pour ce qui lui semblait être le plus juste. C'était là ses convictions, et il n'estimait pas être en tort cette fois.

Shôkotsu, elle, ruminait silencieusement les paroles du fameux espion. Elle avait exprimé au Grand Pope de nouvelles inquiétudes, en soulevant la possibilité qu'il puisse y avoir un deuxième espion. Après une enquête minutieuse, on lui assura que nulle autre personne ici n'avait trahit, et que les plus faibles gradés seraient constamment surveillés. Cela n'empêcha pas la jeune mercenaire de songer à ce que le traître lui avait dit ; elle était condamnée.

Elle allait mourir. C'était une certitude. Les douleurs qu'elle ressentait n'étaient qu'un faible prélude de ce qui l'attendait réellement. Mais quand cela sera-t-il déclenché ? Aurait-elle au moins la chance de revoir son frère avant son trépas ? Aurait-elle le courage de lui avouer la sombre réalité ? Et Renkotsu... Et sa fille... Elle ne pourrait peut-être jamais la voir grandir, comme elle l'avait espéré, et cela l'accablait d'un chagrin silencieux, qu'elle taisait courageusement.

- Shôkotsu.

L'interpellée tourna légèrement la tête, sans exprimer grande émotion. Non, elle restait toute impassible, l'air mélancolique, mais lorsqu'on l'interrogeait, elle restait évasive sur le sujet.

- Oui ?

C'était Saga qui venait la voir. Il ne s'était pas absenté, comme il l'avait décidé, mais s'était un peu éloigné d'elle pour parler avec un Chevalier d'Argent venu jusqu'à lui pour lui parler d'une convocation importante. Et cela concernait directement Shôkotsu. Aussi, lorsque le Chevalier d'Argent fut parti, le Gémeaux s'était adressé à la principale intéressée, essayant de ne pas paraître ni trop alarmé, ni trop grave.

- Nous devons partir.

- Partir ? s'étonna-t-elle calmement. Mais où ?

- Le Grand Pope nous attend. C'est très important.

Shôkotsu acquiesça lentement. Sans doute son destin se jouerait-il dans quelques heures, à peine... Lentement, la jeune fille se leva, et se résigna à suivre le Chevalier d'Or sans rien dire. De toute manière, qu'aurait-elle pu dire ? Inutile d'insister en posant toutes sortes de questions futiles, elle savait pertinemment que Saga ne lui répondrait pas.

En chemin, Shôkotsu se rendit compte que les autres temples, habituellement sous la surveillance d'un Chevalier d'Or, étaient vides. Intriguée, elle ne put qu'en déduire que l'ordre en entier avait répondu présent à la convocation, et que cela ne les concernait pas qu'eux seulement. L'inquiétude s'empara alors brusquement d'elle. Et si elle avait raison ? Si le Grand Pope annonçait son emprisonnement définitif ? Et s'ils avaient la cruauté de la priver de sa fille ? Elle ne s'en remettrait pas.

Ils y arrivèrent finalement. Comme Shôkotsu l'avait supposé, les Chevaliers d'Or étaient tous présents, à l'exception de Dohko, bien sûr. Saga alla immédiatement se ranger aux côtés de ses frères, laissant la jeune mercenaire avancer seule jusqu'au Grand Pope, ce qu'elle fit non sans ressentir une profonde anxiété qui lui rongeait l'esprit mais qui, étonnamment, ne traversait aucun trait de son visage. Elle était impassible.

- L'heure est grave, annonça sombrement le Grand Pope sans prendre le temps de saluer qui que ce soit. Comme vous le savez tous, le Chevalier d'Or de la Balance, Dohko, réside actuellement aux Grandes Cascades de Rozan. Il est chargé d'une mission divine, et c'est la raison pour laquelle il est seul ici dispensé de se présenter au Sanctuaire, malgré vos obligations.