Anime Perdute

Chapitre 17 Ella

Domaine d'Avola, mercredi vingt heures.

Cela fait quatre jours qu'Alex est à Palerme. Il m'appelle tous les soirs pour connaitre mon état de santé. Je pense qu'il se renseigne surtout pour savoir si je serais en forme pour la cérémonie de samedi. Je n'ai pas encore eu l'occasion de sortir dehors, les derniers jours ne m'ont pas permis d'avoir un sommeil réparateur. Outre la douleur dans l'épaule, mes cauchemars étaient là pour me tenir éveillée quelques longues heures.

Par contre, une chose tout à fait nouvelle a fait son apparition dans ma chambre, un téléphone portable. Oui vous avez bien compris, un téléphone portable mais pas n'importe lequel, un qui lorsque vous décrochez, vous met en relation avec la ligne directe d'Alex. Qu'est-ce que vous avez cru. Il n'allait pas me donner libre accès à une ligne téléphonique, sans en contrôler les appels ! Bref, ce dernier m'a été donné pour que je puisse le joindre au moindre souci, cauchemars y compris. Vous pensez bien que je ne me suis pas gênée. Après tout, il veut bien m'épouser pour le meilleur et pour le pire non ? Alors, autant lui donner le pire maintenant ! Il se ravisera peut-être au moment de me passer la bague au doigt, qui sait ? Nous avons donc passé plusieurs heures à papoter, jusqu'à ce que je m'endorme. Ce qui a commencé comme une plaisanterie de mauvais goût de mon côté, le dérangeant à la moindre occasion, a fini par devenir un besoin d'entendre sa voix et de pouvoir parler de tout et n'importe quoi. Chaque soir, j'attendais avec impatience son coup de fil, chaque soir, je m'endormais le combiné collé à l'oreille. Chose étrange, le lendemain je le retrouvais posé sur la table de chevet, sans savoir qui était venu le déposer là.

En attendant son prochain coup de fil, je décide de regarder la télévision pour me passer le temps. Je me saisis de la télécommande pour regarder la chaine d'information, Rai News 24. C'est une chaîne d'informations continue, du groupe audiovisuel public Rai. Elle est la première chaîne « tout-info » en Italie, et la seule à être diffusée en direct intégral, rien de mieux pour se tenir informé des derniers évènements. Je ne suis pas déçue. Il y a eu une fusillade à Palerme, j'ouvre mes écoutilles avant de sentir des frissons envahir mon corps.

Le commentateur explique les derniers évènements.

« Notre journaliste se trouve à l'heure actuelle, devant l'Anime Perdute, lieu de la fusillade qui a eu lieu ce matin, vers dix heures, heure à laquelle, bien heureusement, le bar n'était pas plein. Malheureusement, on dénombre quand même six morts dont le gérant de ce bar. Il était très apprécié par sa gentillesse et sa bonhommie, tout le monde ici déplore ce qu'il vient de se passer. Rappelons que ce bar est la propriété de la famille Conti, Alexis Conti en étant le propriétaire... »

Le commentateur continue son speech mais moi, je ne l'écoute plus. Je pense à Simone qui vient de perdre la vie. Cet homme qui fut mon employeur pendant quelques temps. Je revois son sourire, ses clins d'œil, nos jeux de mots avec notre fidèle client. Je me dis qu'à quelques jours près, je serais peut-être parmi ces victimes. Qui ? Qui a pu attaquer ce bar ? Et surtout pourquoi ? Je reviens dans le présent, entendant juste la fin du récit.

« ... . Les rues de Palerme semblent être depuis quelque jours le théâtre d'une série de règlements de comptes mafieux. Un vrai carnage. »

— Quoi ! Comment ça un règlement de compte mafieux ? Les mafieux sont ceux qui ont le bar !

Je décroche le portable pour pouvoir joindre Alex mais celui sonne dans le vide. Je réessaye plusieurs fois mais toujours rien. Ferait-il partie des victimes ? Le froid m'envahit de nouveau. Non, ce n'est pas possible, je viens encore de lui parler cette nuit ! Quelqu'un m'aurait prévenu, j'en suis sûre ! oui mais la fusillade a eu lieu ce matin, une heure après l'ouverture, Alex n'était plus au téléphone avec moi. Je m'agite et décide de sortir de cette chambre. J'enfile sur mes épaules, la robe de chambre, chausse des souliers puis me dirige vers la porte du bureau de Papi Vanni. Je frappe trois petits coups puis deux autres éloignés, ceci est notre code.