Chapitre 22

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VOILÉS, DÉVOILÉS

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— T'as vraiment pris un croissant au fromage ? demandai-je en fronçant le nez avec une grimace. Sérieusement, c'est répugnant.

En face de moi, Tyler, fidèle à son rôle d'abruti impassible, ne daigne même pas lever les yeux de son assiette. Il mord violemment dans sa viennoiserie, probablement pour me faire comprendre que mon avis l'indiffère autant que les devoirs de maths.

— Lâche-moi avec tes goûts de bourgeoise, réplique-t-il d'un ton plat avant d'avaler une nouvelle bouchée.

Je l'observe avec dégoût, ou plutôt avec le plaisir exagéré de jouer à la snob insupportable.

— Bourgeoise ? Excuse-moi d'avoir des papilles gustatives développées.

— T'appelles ça « développé » quand tu bois un café noir en t'étouffant à chaque gorgée ?

— J'apprécie l'amertume. Ça s'appelle avoir du caractère.

— Non, ça s'appelle vouloir souffrir inutilement.

Je choisis de l'ignorer et me concentre sur ma brioche, me rappelant la galère qu'a été notre matinée. Après avoir été rejetés de cinq cafés, sous prétexte que les chats ne sont pas des clients valides, on avait fini par atterrir ici, près d'une grande baie vitrée donnant sur la rue. Le serveur nous avait jugés, mais au moins, il avait fermé sa gueule.

Catherine dort maintenant sur mes genoux, épuisée par notre errance. Une diva pareille méritait bien qu'on se batte pour elle.

Mais moi, je suis loin d'être apaisée.

Je pose ma brioche, croise les bras et le fixe.

— Tu m'as dit que tu m'expliquerais.

Il continue de mâcher sans réagir. Sa capacité à ignorer mes remarques frôle le génie.

— Expliquer quoi ? lâche-t-il enfin, faussement distrait.

— La soirée à la plage.

Son dos se raidit légèrement. Enfin une réaction.

— T'avais promis de répondre à mes questions dans la voiture, avant qu'on vienne ici. Tu m'as dit que tu serais franc. Alors, vas-y. Explique-toi.

Il pousse un long soupir avant de reposer lentement son croissant. Visiblement, la conversation vient de devenir plus indigeste que son choix de petit-déjeuner.

— D'accord, finit-il par murmurer.

Un silence.

Je pose ma main sur la tasse brûlante devant moi, laissant la chaleur picoter ma peau.

Puis, je lâche la bombe.

— Alors ? Pourquoi tu m'as étranglée ?

Ma voix est claire, posée, sans tremblement.

Lui, en revanche, se fige, sa respiration imperceptiblement plus lente. Son regard reste rivé sur son assiette, comme si la serviette en papier allait lui fournir une réponse toute faite.

— Honnêtement... j'sais pas, finit-il par dire, presque dans un souffle. Tout est allé trop vite. Et la manière dont tu as interrompu les choses... c'était tellement brusque. Ça m'a pris au dépourvu. J'ai juste... réagi.

Il serre sa mâchoire, et son pied tape légèrement sous la table. Légèrement nerveux, monsieur l'indifférent ?

— Mon éclat de colère avait « réveillé quelque chose » en toi ? répétai-je. T'écoutes ce que tu dis, au moins ?

If you knew (PAUSE & REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant