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            Mes pages ne ressemblent à rien. Il n'y a aucune chronologie, mais c'est ce que je suis. J'aurais pu reprendre l'histoire de nos vies, à toi et moi, seulement j'ai décidé que non. Nous sommes toutes les deux conscientes de la vie que nous avons partagée avant que les ponts soient totalement coupés. David était encore chez Thomas et même que je trouvais qu'il traînait trop. Je ne sais pas ce que Tom en pensait. Dave était son ami et il aurait tout fait pour qu'il soit au mieux. Je n'étais plus assise à la fenêtre. J'étais partie m'asseoir entre les jambes de mon mec, le dos étalé sur son torse musclé. Ton mari ne nous regardait pas et je ne pense pas que c'était par gêne ou par dégoût, c'était juste que ça lui faisait mal de voir des gens amoureux, toi qui ne lui apportais plus rien à part des doutes et des larmes. Je lisais un article sur les peintures de Thomas, dans un magazine. Il commençait à se faire connaître et il en était très fier. Mon anniversaire approchait et je me demandais si j'allais t'inviter. Je n'avais aucune raison de penser à toi, mais ton mari me faisait part de ta détresse et je voulais essayer de comprendre. Je me souviens que pendant que je lisais les lignes d'une des premières colonnes sur l'article au sujet de Thomas et son art, ton mari était en train de lui dire que tu venais de lui envoyer un message pour lui demander où il était, toi qui avais l'habitude de le retrouver à votre appartement, quand tu rentrais. J'ai tendu l'oreille, je sentais Thomas réfléchir dans mon dos mais il a pris un temps avant de daigner dire ;

– Tu n'as qu'à lui dire que tu es ici. Peut-être qu'elle viendra...

Je doutais fortement que tu le fasses. Tu ne voulais pas voir Thomas, et encore moins avec moi. Tu savais que je serais sûrement ici parce que j'avais laissé mon double des clefs dans le logement que nous occupions toutes les deux puisque, comme nous ne nous étions pas déclarées, je n'avais pas eu besoin d'entamer de démarches administratives. J'ai inspiré longuement quand j'ai entendu Thomas répondre mais il était chez lui et s'il voulait forcer le destin, c'était son problème.

– Elle arrive, a dit David.

J'ai doucement ricané. Ce n'était pas contre toi. C'est juste que ça m'étonnait alors que ça n'aurait pas dû. Tu avais du culot. Tu te serais pointée dans n'importe quelles circonstances. Tu n'avais pas l'air gênée à l'idée de m'avoir tourné le dos sans plus jamais donner de nouvelles. J'avais même l'impression que je l'étais plus que toi, moi qui n'y étais pour pas grand-chose.

Le moment où tu es arrivée avait été très gênant. Je me souviens avoir choqué de ton état physique. Toi qui avais les plus belles formes sur cette terre, tu étais devenue anorexique. J'avais pu constater tout ça au travers des photos que tu postais sur internet, mais j'étais loin du compte. Le rendu n'était pas pareil, maintenant que tu étais sous mes yeux. J'imagine que les substances illicites que tu consommais y étaient pour beaucoup. David n'osait pas nous le dire, mais il nous avait fait comprendre que tu quémandais de l'argent pour t'en procurer et rassasier ceux qui s'étaient agrippés à toi, uniquement pour ces raisons. Tu ne voulais pas être seule. Tu n'étais pas comme moi. Tu gérais mal la solitude, toi. Tu étais perdue sans moi et là, on pouvait que le constater. Perdue au point de t'être réfugiée dans la drogue et la boisson alcoolisée. Perdu au point de t'accrocher à des gens qui ne voulaient rien de toi, à part tes joints, ta poudre et ton alcool lors de vos soirées que tu qualifiais de meilleure soirée de ma vie. Tu faisais pitié Lucie. Tu me rendais triste à te voir dans cet état. Et je ne dis pas ça pour que tu te sentes comme une moins que rien. Je dis ça parce que c'était ce que je ressentais, quand nous y étions.

Thomas s'était levé pour t'ouvrir la porte et maintenant, il était gêné de t'avoir chez lui. Je l'ai remarqué quand il s'est mis à taper ses mains l'une contre l'autre, à les frotter et à te demander si tu voulais quelque chose à boire. Tu as répondu que non, que tu venais juste récupérer ton mari, comme si David allait vraiment se lever du canapé pour rentrer tel un bon petit soldat. Tu avais instauré quelque chose de malaisant parce que nous avions parlé de toi toute l'après-midi et pourtant, tu agissais comme si tu n'avais pas conscience que si ton mari était ici, c'était justement pour vider tout ce qu'il avait sur le cœur. J'ai d'ailleurs tendance à croire que tu étais tellement bouffée par ta vie, que tu n'avais même pas conscience que tu le faisais souffrir à ce point. Il s'était passé qu'un mois. Mois durant lequel je n'avais pas plus avancée dans ma relation avec Tom, et un mois durant lequel toi, tu avais changé du tout au tout. Tu étais méconnaissable. J'ignorais comment je pourrais récupérer celle que tu tentais désespérément de faire disparaître parce que oui, Lucie, je ne voulais pas te laisser te faire ce mal. Je voulais que tu redeviennes ma Lucie, puis celle de David.

UN JOUR DE TOI - TOME IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant