Sibelle Hernandez— Sibelle Hernandez, peu importe le temps que tu mettras là-dedans, tu vas devoir sortir un jour. Et moi, je n’irai pas sans toi.
— Andréa, tu sais bien que je n’aime pas aller dans ces endroits bondés. Je ne me sentirai pas à l’aise.
— Tu n’y as jamais mis les pieds, comment peux-tu savoir que tu n’aimes pas ?
— Je le sais, c’est tout.J’entends soudain la voix de Rodrigo, notre ami commun, pleine d’impatience mêlée d’excitation.
— Hé, les filles ! Vous êtes toujours dans la salle de bain ? Dépêchez-vous ! Sinon on va rater les meilleures places.
— On arrive ! Patiente un peu, d’accord ! — lui répond Andréa en terminant de mettre ses boucles d’oreilles.
Elle se tourne vers moi avec un clin d’œil.
— Alors, comment tu me trouves ? demanda-t-elle en tournant sur elle-même, exhibant fièrement sa mini-jupe moulante.
— Magnifique — déclare Rodrigo, surgissant dans l’embrasure de la porte —, cette jupe te va à ravir !
— Merci Rodrigo, t’es un amour.
— Bon, on peut y aller maintenant ?
— Oui, on peut y aller.
Nous descendons les escaliers du dortoir. Rodrigo a emprunté la voiture d’un ami. La boîte n’est pas loin. Il est 23h30 lorsque nous arrivons. Devant l’entrée, une longue file, des éclats de rire, le martèlement de la musique dans le sol. L’endroit est bondé. L’atmosphère vibre d’énergie.
À l’intérieur, les lumières colorées clignotent dans tous les sens. Le son est trop fort pour moi, mais je garde le sourire. On trouve une petite table au fond, près du bar. Rodrigo part chercher à boire. Après quelques verres, Andréa me tire par le bras.
— Viens danser, Sibelle, c’est ta chanson préférée !
Et c’est vrai. Sur les premières notes de Pasito de Kendji Girac, je me laisse entraîner sur la piste. Mon corps bouge au rythme de la musique, libéré. Je me surprends à rire, à me sentir légère, libre. Une liberté qui ne durera pas.
Je sens soudain deux mains inconnues se poser sur mes hanches. Un homme se colle à moi, ses gestes trop pressants. Je me dégage, poliment, mais fermement. Mon corps attire toujours l’attention, surtout mes fesses, généreuses, qu’on remarque souvent. Mais ce soir-là, je ne suis pas là pour ça.
Je me rends à notre table, assoiffée. Andréa m’y rejoint, hilare.
— Pour quelqu’un qui ne voulait pas sortir, tu t’amuses drôlement bien !
— Je l’admets, j’ai adoré danser. On devrait sortir plus souvent.
— Pas de souci ! Samedi prochain, même heure, même endroit ! — lance Rodrigo, qui revient avec un nouveau verre à la main. À ses côtés, un homme au physique de bodybuilder lui adresse un sourire complice.
Rodrigo, lui, préfère les hommes musclés. Ses parents riches l’ont rejeté quand il leur a annoncé son homosexualité. Son père l’appelle "tapette" avec mépris. Mais Rodrigo s’en fiche. Il vit, il s’affirme. Il a obtenu une bourse pour suivre, comme nous, un cursus en comptabilité et gestion à l’UNAM.
Vers deux heures du matin, nous quittons la boîte. Rodrigo part avec Monsieur Muscles, évidemment. Andréa et moi, un peu éméchées, rigolons encore en titubant dans les rues.
— Et maintenant, on fait quoi ?
— On marche. Ce n’est pas si loin du campus.— Marcher ? J’ai pas envie.
— Tu n’as pas le choix. Il n’y a plus de taxis à cette heure-ci. Allez, viens.
On avance en riant doucement, bras dessus bras dessous. L’air de la nuit est frais. Le campus n’est plus qu’à quelques rues.
Et c’est là que tout bascule.
Un véhicule surgit de nulle part, ses phares nous aveuglant. Il freine brutalement. Les portes claquent. Trois hommes en descendent, armés. Ils n’hésitent pas. Ils nous saisissent, nous soulèvent, nous jettent dans la camionnette comme des sacs. J’ai à peine le temps de hurler qu’un chiffon imbibé d’un liquide acre est plaqué contre mon visage. L’odeur est insupportable.
Je me fais pipi dessus, paralysée par la peur.
Andréa se débat avec l’énergie du désespoir, mais elle aussi finit par s’effondrer, inconsciente.
Le noir. Le silence. Puis, le néant.
Je me réveille enchaînée, dans une cellule insalubre, au sol humide et crasseux. Mes poignets me brûlent, la chaîne est lourde, mes muscles engourdis. Mon estomac noué. Mon cœur bat trop vite.
— Andréa ? Andréa ! Où es-tu ?
— Je suis ici, Sibelle.
Sa voix étouffée vient de la cellule derrière moi. Elle tire sur sa chaîne pour se rapprocher, se jette dans mes bras. Elle pleure. Et moi aussi.
— Tu vas bien ?
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— On… on nous a kidnappées.— Snif… Snif… Qu’est-ce qui va nous arriver ?
— Calme-toi, Andréa. On va s’en sortir. Je te le promets.
— Comment ? On est toutes enchaînées ici. Qui va nous sauver ?
Des pas résonnent. Des voix. Des ordres aboyés. Des hommes armés entrent. Ils ouvrent les cellules, nous hurlent dessus.
— Debout ! Allez, avancez ! Pas un mot !
Nous sommes une vingtaine. Des filles comme moi. Certaines très jeunes. L’une d’elles marche à côté de moi, les yeux vides. Je lui parle doucement.
— Moi c’est Sibelle. Et toi ?
— Lupita. Je suis ici depuis trois jours. D’autres depuis une semaine. Ils attendaient qu’on soit nombreuses… pour la vente aux enchères.
Je manque de m’évanouir.
— Nous… ils vont nous vendre ?
— Oui. À ce qu’ils disent, les vierges se vendent plus cher.
— Que la Vierge de Guadalupe nous vienne en aide…
— Silence ! Celles qui sont vierges à droite, les autres à gauche. Et ne mentez pas. On vérifiera.
Je suis poussée vers la droite. Une fille blonde, jeune, me suit, terrorisée. Andréa, elle, est envoyée de l’autre côté. Nos regards se croisent une dernière fois. On se tend les bras, impuissantes.
— Ça ira Sibelle. On va s’en sortir. Je te retrouverai. Je te le promets.
Nous sommes conduites dans une grande salle blanche, clinique, trop propre. Au centre, une femme d’une cinquantaine d’années nous observe froidement.
— Allez les laver. Épilation laser. Elles doivent être parfaites. Il faut qu’on en tire le maximum.
On nous déshabille, lave, sèche, épile comme si nous étions des marchandises. Je frissonne. Honte, peur, rage. Tout se mélange.
— Est-ce que ça fait mal ? — je demande d’une voix faible.
Elles rient.
— Tu souffriras ici, oui. Mais moins que là où tu iras. Et c’est ça qui devrait t’inquiéter.
Je ferme les yeux. Laisse faire. En silence. En moi, une seule prière :
Seigneur, sauvez-nous.

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Tu es mienne !
Romance« Mets-toi à genoux, pour embrasser les pieds de ton maître. » Elle s'agenouille, ses lèvres effleurant mes pieds. - C'est bien. Si tu es obéissante, tu auras droit à des friandises, dis-je en caressant ses cheveux. - Maintenant, déshabille-toi. Ell...