Chapitre 11

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*Matt*

Ça fait deux heures que je subis les lamentations de Laura, la coiffeuse de mon salon. En clair, elle s'est fait larguer par sa meuf. Étant trop bon, je l'ai recueilli chez moi. J'ai du mal à me concentrer sur ce qu'elle me raconte, car Kim envahit chacune de mes pensées. J'aurais dû l'écouter ce qu'elle avait à me dire lorsqu'elle m'a ramené du commissariat. Mais comment suis-je censé réagir devant cette femme tourmentée par son passé ? Je n'arrête pas de me rejouer la scène et pourtant je ne comprends pas comment elle a pu maitriser cette brute de Jimmy. Merde, elle n'a pas sillé une seule fois face aux armes braquées sur elle. Je suis complètement paumé, elle n'a pas tenté de m'écrire, ni même de m'appeler. De mon côté, j'en étais incapable.

On frappe à la porte. Je suis presque soulagé d'être sauvé par l'assistante de mon père. J'ouvre, mais contre toute attente Kim me fait face.

— Je suis venu m'excuser, murmure-t-elle en levant ses beaux yeux en amande vers moi. Tu... tu n'aurais pas dû te retrouver dans cette situation.

Mon cœur fait un bon et j'ai soudain envie de la prendre dans mes bras. Je fais un pas en avant, mais elle secoue la tête. Je m'arrête, nerveux, puis elle se met à parler à toute vitesse.

— Nous étions encore mineures à la mort de nos parents. Ça été l'enfer pour nous placer en famille d'accueil. Mais un ange gardien veillait sur nous. Anaïs, la mère de Jimmy nous a recueillis, nourris, payé nos études, mais surtout, elle nous a permis à ma sœur et moi de ne pas être séparées. Jimmy qui était notre meilleur ami a continué son rôle de grand frère.

Elle serre un porte-document contre sa poitrine comme pour se protéger puis elle enchaîne :

— J'ai pas mal déconné dans ma jeunesse et grâce à lui, je suis rentrée dans l'armée, puis dans les commandos. J'ai toujours aimé le tir. C'était comme une évidence pour moi. J'ai fini major de ma promo et nous avons été sélectionnés tous les deux pour devenir sniper. Nous étions souvent en opérations extérieurs et j'adorais ça. Je faisais partie d'une escouade composée de deux démineurs, d'un mécano-informaticien et nous deux en tant que tireur d'élite. Nos missions concernaient principalement la destruction d'armes, de convois...

Kimiko déglutit difficilement puis se racle la gorge. Elle inspire profondément et j'aperçois ses mains trembler.

— Cette année-là, Marc, notre sergent, m'avait demandé de dessiner l'emblème de notre unité : Falcon. Il était passionné de tatouage et il avait ramené sa machine. Nous avons donc tous, ce tatouage gravé sur la peau. Puis la mission a dérapé et...

Sa voix se brise et je sens une sombre douleur remonter à la surface, mais je ne peux empêcher le flot de paroles qui s'abat sur moi :

— J'ai été faite prisonnière et on m'a torturé durant plus d'un mois. Je me suis échappée avec un homme dont je ne connais toujours pas la véritable identité. Quand j'ai cru que c'était terminé, mon unité et moi avons été bombardées dans un hôpital de campagne. Il y avait des civils, des enfants ! Marc est... il est mort dans mes bras !

Elle secoue la tête tandis que ma gorge se noue d'impuissance face aux larmes qui noient ses cils.

— Jimmy m'a sortie de cet enfer in extrémiste, car je perdais beaucoup de sang. Quand je suis revenue à moi, trois mois plus tard, j'ai appris le décès d'un autre de mes coéquipiers. Quant à Lucas, mon meilleur pote, il était devenu aveugle et il a dû être amputé d'une jambe. Sans compter que j'ai perdu toute trace du soldat anglais avec qui je me suis échappée ! Je ne sais pas s'il a retrouvé sa femme, s'il est toujours vivant ou sous les décombres de l'hôpital. Le choc à la tête m'a fait perdre des bouts de mémoires.

Falcon-Ink TherapyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant