Chapitre 19

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*Mat*

Plusieurs heures s'écoulent avant que j'arrive chez Kimiko. J'ouvre la porte sans toquer et monte les escaliers quatre à quatre. Jimmy et Marie se tiennent devant sa chambre. Derrière je peux entendre le sac de frappes sur lequel mon amie s'acharne.

Je suis brusquement poussé contre le mur. L'air s'expulse de mes poumons alors que Jimmy me hurle dessus.

— Putain, t'étais passé où ?

Je le fusille du regard et le bouscule. Je sais que j'ai merdé, pas la peine de me faire rabrouer par son frère.

— Kim, c'est moi, est-ce que je peux entrer?

Les coups cessent. Mon pouls s'emballe et je me sens mal pour Marie qui pleure à côté de Jimmy. Je les observe un instant puis leur demande de me laisser avec Kimiko. Jimmy se frotte le visage. Il parait exténué sans compter que ses yeux rougis prouvent qu'il est tout autant affecté que sa sœur. Sa main saisit délicatement celle de Marie qui se blottit contre lui.

— Empêche-la de faire une connerie.

J'acquiesce puis attends qu'ils soient tous les deux en bas des escaliers pour frapper à nouveau.

— Kim, ouvre-moi, la supplié-je en touchant le métal froid de la poignée de mes doigts.

La porte vibre comme si elle venait de s'appuyer dessus.

— Pourquoi t'es là, Mat ?

Sa voix n'est qu'un murmure à peine audible.

— Je suis vraiment désolé, Kim. J'ai fui la vérité et j'ai profité d'un voyage d'affaires pour me couper du monde. J'ai écouté ton message que ce matin.

— Tu m'as abandonné comme les autres.

Mon front se pose sur le battant. Paupières closes, je tente de contenir toutes les émotions qui me traversent.

— Excuse-moi, Kimiko, je n'ai pas très bien réagi à ce que tu m'as révélé, mais je ne t'abandonnerai pas. Je me suis perdu dans le travail et je ne voulais pas en parler par téléphone.

Elle bouge et je retiens mon souffle.

— Ne me laisse plus jamais sans nouvelle.

— Promit Kim. Je suis venu dès que j'ai appris pour ton ami. Je sais à quel point tu tenais à lui.

Le loquet cliquète et le battant s'ouvre. Mon estomac se noue quand je pousse la porte. Mon regard s'attarde un instant sur les trainées rouges qui tapissent le sac de frappes avant de le poser sur ses mains sont en lambeaux.

— Hey Kim, pourquoi tu te fais du mal ? demandé-je en lui attrapant avec douceur les poignets.

Je l'attire et la serre fort contre moi. Je suis soulagé qu'elle ne me rejette pas. Au lieu de ça, elle s'agrippe à moi comme à une bouée de sauvetage.

— Je suis là, murmuré-je à son oreille lorsqu'elle se met à sangloter contre mon torse. Respire Kim, respire.

Je me risque à la soulever et elle se laisse faire docilement. Je traverse la pièce à l'odeur désagréable de transpiration et de sang. Je la dépose sur le lavabo pour examiner ses plaies et les nettoyer.

— Tu sais ce qu'on va faire ?

Elle secoue la tête et je sens toute la fatigue des derniers jours l'envahir.

— On va prendre une bonne douche et après on va aller dormir. Tu es d'accord ?

— Je n'ai pas besoin d'un...

Je la coupe dans son élan et relève son menton pour qu'elle croise mon regard.

— Laisse-moi prendre soin de toi, Kim.

Avant qu'elle ne proteste de nouveau, je quitte la pièce, ouvre les fenêtres en grand, allume la petite lampe de chevet puis éteins la lumière de la salle de bain.

Dans une quasi-obscurité, je reviens auprès d'elle et nous nous dévisageons durant une longue minute. Je ne distingue que ses traits fins et la tristesse dans ses yeux en amande.

Sans geste brusque, je lui retire l'élastique qui fixe ses cheveux dans un chignon qui a vu des jours meilleurs. Ses mèches noires retombent en cascade sur ses épaules. Kim me surprend quand elle lève ses bras au-dessus de sa tête pour que je lui enlève son tee-shirt. À moitié nu, je m'attends à ce qu'elle me demande de partir. Contre toute attente, elle descend du rebord de l'évier, fait glisser son jogging ainsi que son sous-vêtement sur ses hanches et le long de ses jambes avant d'entrer dans la douche.

— Tu peux venir si veux, m'informe-t-elle d'une voix vide d'émotion.

Je ne sais clairement pas ce que je suis en train de foutre, mais à cet instant, rester à ses côtés me semble être la seule chose à faire. Je me déshabille rapidement et sans mentir, moi aussi j'ai vraiment besoin de me laver et de dormir.

L'eau efface les traces de son chagrin. Je passe lentement mes mains sur ses joues rougies et dans un silence religieux, elle se hisse sur la pointe des pieds avant de poser ses lèvres contre les miennes. C'est un baiser chaste, doux et remplir d'incertitude. Si elle se crispe à mon contact, elle me laisse l'enlacer tandis qu'elle se remet à sangloter.

J'attrape le gel douche sur son portoir et la frotte précautionneusement. C'est intime, naturel. Elle me fait confiance et c'est tout ce qui compte. Le temps qu'elle se rince, je me shampouine en vitesse. Quand la température devient trop froide pour rester sous le jet, je sors nous prendre des serviettes et l'emmaillotais dedans. Je la frictionne pour la sécher puis l'aide à traverser la pièce.

Complètement vidée, elle s'assoit au bord du lit. Fouillant ses placards, je tombe nez à nez avec un fusil de précision maintenu sur un support. Du coin de l'œil, je m'aperçois que Kim me fixe. Ce n'est clairement pas le moment de lui poser des questions alors je saisis au hasard des sous-vêtements ainsi qu'un tee-shirt ample.

Kimiko s'habille en silence

tandis que j'ouvre les draps et l'invite à se glisser dessous. Je retire de mon sac à dos un caleçon et l'enfile à la hâte. Je grimpe sur le matelas et m'allonge à côté d'elle. Exténuée, Kim me rejoint de mon côté du lit. Elle se blottit contre moi et dans un geste naturel j'embrasse le haut de son crâne. Je suis tellement fatigué que j'ai peur que sa chaleur m'emporte avant elle.

— Je n'ai rien vu venir, murmure-t-elle.

— Tu n'es pas responsable.

Elle enfouit son visage contre mon cou et passe son bras contre mon torse nu. Je n'ose pas bouger de peur qu'elle prenne conscience que notre peau est en contact et que les douleurs du passé ressurgissent.

— Alors pourquoi je me sens si mal ?

— C'était ton ami, ton frère d'armes, une partie de toi.

Un long silence s'installe, puis elle me reprend d'une voix ensommeillée :

— J'avais oublié que c'est agréable cette chaleur.

Je lui retire une mèche qui recouvre son profil et lui redresse le menton pour qu'elle me regarde.

— Tu me dis si je vais trop loin, si tu ne veux pas, si ça brûle.

Elle renifla, mais acquiesça.

— Je suis déjà en enfer, murmure-t-elle.

Elle se retourne sur le côté, dos à moi. Elle me tend sa main, nos doigts s'entremêlent et je la serre contre moi. Mon corps épouse parfaitement ses courbes. J'enfouis ma tête contre son cou et ne sais dire qui s'endort le premier.


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