Late Night Talking [Larry]

Chapitre 13

Je crois bien que je n'oublierai jamais le hurlement qu'a tiré Liam en me voyant assoupi sur son canapé ce matin. Si on veut comparer son cri et ceux de Satanas on peut dire que Arya chuchote quand elle crie. J'en ai tellement été surpris que je suis tombé au sol, encore à moitié endormi mais bel et bien mort de rire.

- T'as oublié que tu avais mué mec ? Ou on t'a castré dans la nuit ?

Mon petit trait d'humour ne lui a pas plu, ou du moins, il n'a pas fait le point face à la curiosité sans borne de mon meilleur ami.

Cela fait donc trente minutes que je lui raconte, minute par minute ma folle soirée d'hier. Il a sensiblement les mêmes réactions que moi quand je lui explique les conditions de décès de Jude. Puis, il me prend dans ses bras quand j'aborde les souvenirs que tout ça a réveillé. Et comme j'aurai pu m'en douter, il se fout ouvertement de ma gueule quand j'arrive à la fin de mon récit.

- Tu t'es fait griller par ton boss ! Putain Tommo t'es vraiment le pire côté discrétion !
- Arrête putain, je râle. Tu crois que je suis dans quel état à l'idée d'y retourner lundi ?

Il sait que je bave sur lui tous les lundis matins. Il sait qu'il me plait. Il sait que je suis gay. Ou peut-être pas d'ailleurs. Peut-être qu'il pense que je suis bi ou hétérocurieux ? Beurk.

- A tout moment, tu lui plais aussi.
- Liam pitié... Me mets pas des idées pareilles en tête.
- Peut-être que c'est lui l'hétérocurieux.

Je grimace :

- Franchement, je pense pas qu'il ait vraiment fait le deuil de sa femme.
- Baiser apaise pas mal de choses.
- Liam... Occupes-toi de tes propres histoires de baise et laisse les miennes.

Mon meilleur ami pose sa main sur mon épaule et son air se fait plus sérieux tout à coup :

- Écoute, je pense qu'il est tout aussi brisé que toi. Et vraiment, c'est un truc de fou qu'il se soit confié à toi aussi facilement.
- Il doit penser que j'allais en faire de même.
- Et peut-être que ça te ferait du bien.
- Pour qu'il me voit comme un gros dépressif ? Non pardon. Comme un gros dépressif affamé.

Liam lève les yeux au ciel. Je sais qu'il n'est pas d'accord avec moi mais lui, il n'était pas là. Il ne m'a pas vu chialer comme un con dans le noir. Il ne m'a pas vu perdre mes moyens dans cette putain de salle de bain. Il n'a pas ressenti l'infinie bonté présente chez Harry. Ce regard qu'il a posé sur moi. Cette main qu'il a posé sur mon genou. Sa détresse qu'il a fait passer au second plan pour me promettre qu'il serait prêt à m'écouter raconter mes malheurs.

Il n'a pas vu tout ça. Il n'a pas senti que mon cœur s'était brisé à de multiples reprises hier. Il n'a pas l'image d'un Harry, hurlant sur le corps inanimé de sa femme, tiré par trois soignants. Moi j'ai tout ça en tête. Et c'est d'ailleurs venu me hanter cette nuit. Harry hurlant sur le corps de Jude, puis la seconde d'après c'était moi que je voyais, hurlant sur le corps de ma sœur, Isaac me tirant en arrière.

- Lou, ce que tu as vécu, la plupart des gens ne s'en serait pas relevé.

Mais je ne m'en suis pas relevé. Je fais juste illusion, Liam. Mais je ne peux pas te dire ça. Parce que tu vas t'inquiéter. Et tu t'es fait assez de soucis pour moi comme ça.

- Toi tu as une force incroyable en toi. T'es mon héros, Lou.
- Arrête...

Je suis mal à l'aise. Mal à l'aise parce que je ne suis qu'un menteur. Il ne sait pas qu'il m'arrive encore de pleurer sous la douche. Que j'ai augmenté encore ma consommation de cigarettes ces derniers temps.