Seiji : Comment ça, « nous ne pouvons pas rentrer dans l'immédiat » ? Vous ne comprenez donc pas qu'ici ça va mal ? Hiroto est parti se réfugier chez ton frère et les petits sont tout seuls ici.
Mère de Hiroto : Mais non, ils ne sont pas tout seuls puisque tu es là avec eux.
Seiji : Mais je ne suis ni leur frère ni leurs parents !
Mère de Hiroto : Seiji, j'apprécie énormément tout ce que tu fais pour mes fils mais...
Seiji : S'il te plait, rentre. Revenez tous les deux, ils en ont besoin.
Mère de Hiroto - après un temps : Je dois y aller. Je vais réfléchir.
Seiji : Non ce n'est...
Trop tard. Madame Kazama avait déjà raccroché, laissant Seiji en tête à tête avec l'écho entêtant du bippeur. Il expira, dépité. Il connaissait les parents de son ami depuis des années et les appréciait assez. Preuve en était : il les tutoyait. Mais en grandissant – quoi que Seiji ne grandissait pas, il mûrissait – il s'apercevait qu'il valait mieux avoir des parents présents que des parents absents. Il admirait Hiroto pour la façon dont il gérait – jusqu'à peu – sa vie et celle de ses frères. En définitive, il était le véritable parent Kazama. Il élevait ses petits frères avec brio. Chose dont il pouvait être plus que fier. Chose qui devrait le pousser à rentrer au bercail...
Mais il n'y avait toujours pas de signes favorables annonçant un retour proche du leader des Ships. Seiji en était à se demander si leur duo allait tenir le choc, allait survivre à cette épreuve. Les médias s'étaient en outre emparés de l'affaire sans pour autant saisir des informations vraisemblables. Certains évoquaient une liaison secrète, d'autres alléguaient qu'il faisait une dépression – ce qui n'était pas si éloignait que ça de la vérité – d'autres encore supputaient des problèmes familiaux assez conséquents comme la mort d'un proche. C'est ainsi que Kota était rentré totalement affolé de l'école, un soir. Un de ses petits camarades de classe avait ramené un magazine people où il était écrit en première page que le second petit frère d'Hiroto avait été renversé par une voiture en sortant de l'école et était entre la vie et la mort. Des photos suivaient ce reportage et on pouvait retrouver le beau brun avec un visage marqué, les traits tirés, la mine complètement défaite. Bref, Kota avait pris peur, prenant pour prophétiques les macabres révélations. Seiji avait alors décidé que c'en était trop. Les petits avaient besoin de repères. De piliers autres que lui, « simple » meilleur ami de leur frère...
Un grincement du côté de la porte tira Seiji de son accablement silencieux. Pas besoin de tourner la tête pour savoir qu'il s'agissait de Kota. Voilà quelques jours que le garçon était pris de légères insomnies et venait le rejoindre peu avant minuit dans le salon des Hiwatari. Hiroto n'étant plus là, Seiji avait déménagé tous le clan Kazama sous son propre toit.
Seiji : Nouvelle insomnie ?
Kota : Je me suis dit que tu avais peut-être envie de parler à quelqu'un.
Seiji : Et tu es ce quelqu'un ?
Kota : On dit souvent que je ressemble à Hiroto. Je peux peut-être t'aider, ou même simplement t'écouter.
Seiji - soupirant : Ah, Kota... Ne change jamais.
Kota hocha lentement la tête, comme s'il comprenait tout ce qu'impliquait les paroles de Seiji, tout ce que, précisément, il ne disait pas. Ils restèrent un petit moment assis sur le sofa sans dire un mot, tous deux perdus dans leurs propres pensées.
Kota : Pourquoi il est parti, en fin de comptes ?
Seiji leva les sourcils en soupirant mais ne répondit pas directement au garçon, espérant que ce dernier comprendrait qu'il s'agissait d'un sujet sensible.
Kota : Oh je t'en prie, je sais très bien que ce n'est pas simplement à cause de son appendicite. Il serait rentré à la maison une fois remis, sinon. - Après un moment supplémentaire de réflexion, il ajouta : Tu ne me dis pas tout, c'est évident.
Seiji : Ce qui est évident, c'est que tu es trop intelligent. Nagumo croit parfaitement à cette version. Pourquoi pas toi ?
Kota : Nagumo est bien trop poli pour te dire qu'il n'y croit pas du tout. Il se dit juste qu'il y a une bonne raison qui te pousse à nous mentir et il l'accepte.
Seiji : Mais pas toi.
Kota - confirmant la chose : Mais pas moi.
Seiji ne s'avoua pas vaincu pour autant.
Seiji : Disons que ton frère s'octroie de petites vacances bien méritées...
Kota dévisagea Seiji et lui fit comprendre d'un simple coup d'œil qu'il ne marchait pas. Sans ajouter quoi que ce soit, il se mit à fixer le jeune homme dans les yeux, sans jamais ciller. Cette attitude plia les dernières résistances de Seiji, qui rendit les armes. Après tout, personne ne lui avait dit de ne pas mettre les autres Kazama au courant !
Seiji : T'es franchement pénible, Kota. - Il expira lentement pour se laisser le temps de trouver par où commencer - Tu as raison. Si ton frère est parti ce n'est pas à cause de son appendicite.
Kota hocha positivement la tête ; ça, il le savait déjà.
Seiji : Il y a eu une énorme dispute entre Kilari et Hiroto. Ils n'étaient pas d'accord sur un point et... je crois que ça les a tous les deux fait vriller. Après ça ils ont plus ou moins déclaré ne plus être amis...
Le plus jeune des deux fronça les sourcils et fixa un point invisible devant lui, dubitatif.
Kota : Et c'est tout ?
Cette fois ce fut à Seiji de hocher la tête.
Kota : T'es en train de me dire qu'il nous a lâchement abandonné parce que Môssieur s'est disputé avec Kilari ?
Seiji : Euh... Beh oui.
Kota - se levant : Mais c'est ridicule ! C'est absurdement ridicule !
Il laissa Seiji seul en claironnant à tout va dans la maison que c'était « ridicule », « ridiculement ridicule » et qu'il n'avait jamais entendu quelque chose d'aussi « ridicule ». Tout ce cinéma aida le beau blond à comprendre quel regard Kota portait sur les histoires de cœur de son frère. Sans suspens, il les trouvait ridicule. Et quoi qu'il en sache plus que Kota, Seiji se sentit assez proche du raisonnement du troisième de la fratrie. Toute cette histoire aurait pu se justifier si les principaux concernés n'en faisaient pas qu'à leur tête et consentaient à discuter. Mais non, au lieu d'un happy end, chacun se contentait de sa jalousie, son malheur et tout le bordel qui en découlait.
Alors que Seiji s'apprêtait à se lever afin de ne plus ressasser cette si ridicule histoire, Kota refit une apparition dans le salon. Il n'eut pas besoin de voir que le jeune ado était au téléphone pour savoir qu'il ne s'adressait à pas à lui. Le discours était assez éloquent.
Kota : Oh mais tu vas rentrer tout de suite à la maison ! Et en courant !
Un silence de quelques secondes permis à Seiji de savoir qu'Hiroto devait probablement hurler ses grands dieux de l'autre côté du fil.
Kota : Non non, toi tu vas m'écouter. Il faut pas avoir la science infuse pour se rendre compte que vous êtes ridicules.
Et un de plus, compta Seiji.
Kota : C'est quoi ce truc de dégonflé à la con, que tu nous fais ? Qu... - Il y eut à nouveau un court silence dans la pièce, très vite parasité par le bourdonnement que fit la voix du leader des Ships à travers le cellulaire. - Non non, je ne me calme pas non. Mais t'as pensé aux petits ? Je veux dire, nous on peut comprendre que tu veuilles faire le gamin au moins une fois dans ta vie, mais Umi et Sora non ! Alors tu ramènes tes fesses à la maison. Seiji a appelé les parents et devine quoi ? Ta petite crise n'est pas en adéquation avec leur emploi du temps. Alors reviens t'occuper de nous et règle tes problèmes !
Seiji resta bouche bée devant l'emportement de Kota. Et devant sa façon de s'adresser à son aîné également. Quel tempérament ! Lui qui croyait qu'Hiroto était le plus revêche de la famille, il semblerait qu'il se soit nettement trompé. Oh, il ne doutait pas que les futures années de Kota allaient rendre fou tout son entourage...
Kota : Quoi « je ne peux pas comprendre » ? Je comprends très bien qu'il s'agit d'une énième dispute mais que vous allez la clôturer par une énième réconciliation ! C'est bon, on vous connait trop bien maintenant. Je... - De furieuses vociférations lui coupèrent la parole - Ok, ok, écoute. Je sais que ce n'est pas que ta meilleure amie. Mais tu n'auras pas plus si tu ne reviens pas le lui dire.
La stupéfaction faillit éclater la mâchoire de Seiji.
Comment diable Kota était-il au courant ?
Kota : Réfléchis-y bien Hiro, elle ne va pas pleurer après toi indéfiniment. Si tu regardes un tant soit peu le net, tu verras que ton départ a envoyé valser les barrières que tu avais érigées autour d'elle. Alors reviens. Pour nous et pour elle.
Le silence le plus total fit écho à cette ultime palabre du cadet des Kazama. Même Seiji s'était arrêté de respirer. Et bien qu'il n'entendît pas la réponse, le sourire énigmatique de Kota lui permit de comprendre que ces paroles avaient touché leur cible.
Kota : Je lui dirai. Oké, ça marche.
Il raccrocha et fit mine de réfléchir, sachant pertinemment que le beau blond attendait un résumer détailler de cette conversation si peu habituelle... Lorsqu'il releva la tête, il tendit le téléphone à Seiji.
Kota : Tu peux rappeler mes parents. Il rentre.
Et c'est un sourire victorieux aux lèvres qu'il afficha en quittant la pièce, agrémenté d'un « Y'a pas d'quoi, avec plaisir » qui achevèrent d'ébahir Seiji. Il n'y avait pas de doutes, le gamin avait l'art et la manière de dire les choses. Pas besoin de paillettes et de gommettes : il allait droit au but. S'il avait su qu'il pouvait employer la manière forte, ils auraient gagné un temps considérable !! Rageant contre lui-même mais amusé par le comportement de Kota, Seiji composa le numéro de papa et maman Kazama. Être témoin de la révolte de Kota lui avait fait comprendre une chose : il était plus que déterminé à régler cette histoire.
Kilari attendait que le gymnase se libère pour aller travailler les enchainements chorégraphiques de ses concerts. La salle de repos était déserte, comme souvent à cette heure-ci, ce qui arrangea grandement la jeune idole puisqu'elle avait besoin de repenser à la matinée écoulée... avec Peter. Ce dernier avait réussi à lui extirper un rendez-vous et, sans trop savoir pourquoi, elle le lui avait accordé.
Ils s'étaient donc retrouvés au petit matin pour faire... Et bien là encore, Kilari ne sut comment le formuler. A vrai dire, ils n'avaient rien fait. Peter n'avait peut-être pas eu le temps de prévoir quelque chose ou bien peut-être encore n'en avait-il pas eu l'envie. Quoi qu'il en soit, ils s'étaient simplement assis sur un banc et avaient parlé en regardant les autres vaquer à leurs occupations. L'ennui était tel qu'elle espéra même l'espace d'un court instant croiser Yucca pour que celui-ci lui propose un petit footing matinal.
Pour le dire franchement, Kilari s'était sentie soulagée lorsque Kumoï l'avait appelée. La compagnie de Peter n'était pas des plus agréables ces derniers temps : il ne lui rappelait que trop bien que ce n'était pas de lui qu'elle attendait – avait attendu – quelque chose.
En outre, le garçon devenait de plus en plus étrange, voire même lunatique. Lorsqu'elle avait émis l'hypothèse d'aller au moins prendre un verre pour déjeuner, il s'était mis à hurler que non, ils pourraient se faire repérer. Ce à quoi Kilari avait malencontreusement répliqué qu'elle seule pouvait se faire repérer, étant donné qu'elle seule était connue du grand public et qu'il ne savait pas la chance qu'il avait de pouvoir...
Mais déjà le garçon changeait d'attitude. Pas dans ses paroles, ni dans ses actes, plutôt dans l'atmosphère qui émanait de lui. Quelque chose de dangereux se mêla à l'ambiance générale et lui fit froid dans le dos. Elle nota alors sans y faire réellement attention que Peter n'avait de cesse de s'inquiéter de se faire repérer alors qu'il n'y avait aucune raison à cela et ce qui passait pour une simple inquiétude fit l'écho à une paranoïa aigüe. Mais une fois de plus, Kilari choisit de passer au-dessus de cela. Elle avait autre chose à faire que s'empêtrer dans les problèmes des autres. D'autant plus qu'une petite voix au fond d'elle lui rappelait que ce garçon souhaitait probablement seulement être un peu prévenant. La preuve, il l'avait prise dans ses bras lorsque... Bon, d'accord, elle n'avait pas trop compris pourquoi. Mais peut-être n'avait-elle pas vu le danger, après tout ! Elle était tellement occupée à ressasser une certaine histoire impliquant un certain garçon qu'elle ne prêtait pas vraiment attention à ce qui l'entourait.
L'implacable vérité la ramena à la réalité et Kilari consulta l'heure sur son cellulaire. Le gymnase devait être libre. Elle se leva, récupéra son sac et s'enfonça dans les couloirs de l'agence en ressassant les conclusions de ce fameux premier et dernier « non-rendez-vous ».
En d'autres circonstances, Peter aurait été adorable. Un garçon tout à fait charmant. Voire même peut-être un peu séduisant – il fallait se l'avouer, le garçon était loin d'être affreux.
Malheureusement pour lui, il passait après quelqu'un qu'on ne pouvait pas égaler si facilement...
Alors que Kilari se demandait comment faire faux-bon au garçon sans le froisser, un signe divin était apparu sous les traits de son agent. Effectivement, Kumoi l'avait sortie de cet étrange et atroce rendez-vous au moment où le climat chutait une nouvelle fois. Elle s'en était voulu d'être ainsi soulagée, mais restait reconnaissante à son agent pour son appel miséricordieux. Kilari avait alors demandé à Peter de l'excuser ; elle devait se rendre à l'agence. Or le soulagement fut de courte durée lorsque le jeune homme lui proposa – quoi que ce ne soit pas le verbe adéquate – de la raccompagner. Elle n'eut pas la force de batailler et accepta en se promettant de ne plus rester seule avec lui. Peter était probablement gentil et innocent, mais elle ne supportait plus sa proximité. De plus, même si elle avait cruellement envie – ou besoin, elle ne saurait le dire – de se sentir belle et appréciée, elle n'était pas prête à accepter de sitôt la présence d'un homme à ses côtés. Du moins la présence d'un autre homme que celui qu'elle désirait si ardemment...
En pleine et intense réflexion, la jeune idole s'était changée et avait entamé sa nouvelle chorégraphie. Le chorégraphe qui s'occupait d'elle lui avait laissé un dossier comprenant notes et schéma et elle était censé le potasser avant leur prochain rendez-vous. Tout était clair pour elle, sauf un enchainement qu'elle ne parvenait pas à mémoriser. Pire encore, elle n'arrivait pas à l'exécuter correctement.
En répétant pour la quarantième fois ce pas récalcitrant qui ne voulait pas s'imprégner dans sa mémoire, Kilari confirma sa propre résolution : elle ne verrait plus Peter. Toutefois, elle lui était reconnaissante pour une chose : grâce à lui elle savait désormais qu'elle n'était pas prête à passer à autre chose n'importe comment. D'ailleurs, elle n'était pas prête du tout à passer à autre chose. C'était complètement stupide de sa part d'avoir pensé que c'était possible. Depuis le temps qu'elle aimait... qu'elle l'aimait, elle aurait bien dû se douter qu'elle ne pouvait pas passer à autre chose aussi rapidement.
Dès lors qu'elle accepta cela, il y eut un déclic. Le pas qui lui posait problème depuis le début de la chorégraphie se simplifia et elle parvint enfin à passer au suivant avec une sensation de bonheur extrême.
De l'autre côté des portes battantes du gymnase, un garçon ruminait un échec des plus cuisants en observant la répétition. Il espérait au moins que le plan avait fonctionné un minimum, sans quoi il aurait grillé toutes ses cartes pour rien.
Il regagnait le devant de l'agence lorsqu'il aperçut une grande et belle rousse tourner en direction de la salle de repos. Il lui emboita le pas.
Peter : Selma ! Tiens, salut, ça va ?
Selma : Bonjour Peter. Bien, merci. – Elle tendit le cou pour inspecter la salle – Dis-moi, tu n'aurais pas vu Seiji aujourd'hui ?
Peter – serrant les dents : Non. Pas vu ce gars. Désolé.
Selma le considéra deux secondes en haussant les sourcils mais choisit de ne pas demander d'explications. Peter était le grand complice de Winnie, elle n'avait rien à voir avec lui. Elle décida d'aller chercher le beau blond ailleurs, mais c'était sans compter sur la ténacité du garçon, qui la suivit.
Peter : On peut savoir pourquoi tu le cherches partout ? Je t'assure que ça devient gênant.
Selma : Gênant pour qui, hein ? J'ai une séance photo à faire avec lui, j'aimerai lui en parler.
Peter : Oh. Oh c'est donc strictement professionnel, je comprends mieux !
L'américaine pila et se retourna vers lui. Ils étaient au pied de l'escalier principal, ce qui la poussa à baisser la voix au lieu de la hausser comme elle aurait bien aimé le faire.
Selma : Non. Bien sûr que non. Tu ne comprends pas. Tu ne comprends rien. – Elle soupira – Mon pauvre Peter... Ce n'est pas strictement professionnel. Loin de là.
Peter – avec un rire jaune : Tu rigoles. Là, c'est une blague que tu me fais. Non ?
Selma – incrédule : Mais... Tu croyais quoi, toi ?
Peter – fronçant les sourcils et haussant la voix : C'est moi qui ai piégé Erina pour la griller auprès de Kilari. C'est moi le cerveau de l'histoire, et toi tu te pâmes devant un... un petit merdeux qui a encore la coquille au cul ?
Selma – s'évertuant au calme : Peter. On a le même âge. Ou presque. C'est quoi ce sketch ?
Alors qu'il s'apprêtait à répliquer, le plancher craqua à l'étage. Les deux jeunes gens se figèrent, tendus, et levèrent les yeux au plafond. Ils ne devaient pas avoir ce genre de conversation ici. Peut-être n'était-ce que le bois qui se relâchait de lui-même, mais ils ne pouvaient pas se baser sur le hasard.
Selma reprit ses esprits la première et posa une main sur l'épaule du jeune homme. Elle en profita pour tâter ses muscles. Bon sang, c'est vrai qu'en temps normal, Peter aurait peut-être eu une chance avec elle. Il était loin d'être vilain. Oui mais voilà, il n'était pas Seiji.
Selma : Merci, Peter, de t'être dévoué comme ça pour Winnie. Et merci d'avoir tout fait pour discréditer Erina auprès de Kilari et de Seiji. Je n'oublierai pas que si j'ai une chance, c'est grâce à toi. Tu m'as vraiment impressionné.
Pour lui prouver sa sincérité, elle posa ses lèvres sur les siennes. Il méritait au moins ça. Elle ne s'était pas douté qu'il en pinçait pour elle, et elle aurait pu trouver ça mignon, mais Peter n'était pas le genre de garçon à être « mignon ».
Contrairement à ce qu'elle s'était dit, embrasser Peter n'était pas déplaisant. Non pas qu'elle ne le croyait pas capable de bien faire ! C'est plutôt qu'il ne semblait pas avoir « ce qu'il faut » pour la combler. Mais force lui était d'avouer que le garçon se débrouillait bien !
Coupant court à la fièvre qui commençait à les gagner tous les deux – ce qu'elle ne pensait pas possible, étant donné qu'il n'était pas son coup de cœur du moment – elle se recula et se mordit la lèvre inférieure.
Selma : Sauf que maintenant, Seiji et Kilari sont plus soudés que jamais. - Pour elle-même, elle ajouta : heureusement d'ailleurs qu'elle m'apprécie.
Elle le laissa au bas de l'escalier et monta les marches dignement avant de se tourner une dernière fois vers lui.
Selma : Continue de faire ce que Winnie te demande. C'est elle le cerveau de toute cette histoire.
Et elle disparut au premier étage.
Peter n'en revenait pas. Il se sentait plus humilié que jamais et paradoxalement, il vivait comme une victoire le baiser qu'ils avaient échangé. Il n'avait pas rêvé la réaction de Selma. Elle avait brulé entre ses bras. Enfin, ses lèvres. Et pourtant, elle l'avait nié et l'avait traité comme un petit garçon.
Il allait lui montrer qu'il n'était plus un petit garçon mais bel et bien un homme !
Et pour cela, il allait lui ouvrir les yeux sur le petit blondinet dont elle prétendait être entichée, quitte à ne pas la jouer réglo...
La porte principale s'ouvrit et se referma sur Peter.
A l'étage le plancher grinça de nouveau...
Avant de quitter les locaux de l'agence, Kilari pensa à aller voir sa manager pour l'organisation du lendemain. Pour une fois qu'elle pouvait anticiper, elle n'allait pas s'en priver. Et c'est en se faisant l'impression d'avoir muri qu'elle longea les dédales que formaient les couloirs. L'agence ne lui avait jamais parut si grande. Ni si vide.
C'était étrange de constater combien Erina avait pris de la place dans sa vie.
Kilari sourit. En réalité, il n'y avait rien de surprenant là-dedans : Erina s'imposait partout où elle passait. Elle était comme ça !
L'idole soupira. Erina lui manquait. Quel scoop ! Comment aurait-elle pu un jour s'imaginer que cette sorcière pouvait lui manquer. A elle ! Si seulement...
Mais la voix tonitruante de Kumoi l'empêcha de poursuivre.
Kumoi : Il en est hors de question ! Tu ne peux pas faire ça !
Kilari s'arrêta au bout du couloir, peu désireuse de se trouver dans les parages lorsque sa manager sortirait la tête de son antre, crachant ses flammes sur les pauvres malheureux qui se trouveraient dans le coin. Elle allait s'en retourner lorsque la porte s'ouvrit et qu'elle entendit le doux objet de ses pensées affirmer :
Erina : Je peux tout faire. Cette chanson est à moi.
Et elle passa l'encadrement de la porte avant de la claquer. Elle ne s'aperçut de la présence de Kilari que lorsqu'elle passa à côté d'elle.
Kilari : Erina, tu...
Mais le regard que cette dernière lui dédia la fit taire. Il y avait trop de rancœur, trop de peine pour ne pas en être aussitôt bâillonné... Et elle passa son chemin sans lui adresser plus que ces grands yeux pleins d'amertume, ces grands yeux tristes.
Etrangement, la situation remua quelque chose au fond de Kilari. Avec un tel regard, on n'était pas la garce qu'on disait être. Avec un tel regard, on ne pouvait être que la victime.
C'est à cela que Kilari pensait en voyant Erina fuir.
Erina. Fuir. Quelle drôle d'association.
Erina ne fuyait jamais. Comme elle le disait plus tôt, Erina s'imposait, imposait. Mais jamais ne fuyait. Que se passait-il donc dans l'univers pour qu'une telle chose fût possible ?
Kumoi sortit de son bureau, chercha à droite puis à gauche, ne vit que Kilari.
Kumoi : Où est-elle ?
Kilari : Je... hum... Elle est passée par là et puis...
Sa phrase mourut. Que dire d'autre ?
Kumoi – s'approchant de Kilari et appelant : Erina ! Reviens immédiatement ! On n'en a pas terminé !
Pour toute réponse, elles entendirent la porte principale se refermer avec violence.
Kumoi soupira et remonta ses lunettes sur l'arête de son nez avec dépit.
Kumoi – pour elle-même : Ces gosses, bon sang, ces gosses ! Ne me parlez pas d'avoir des gosses...
Kilari échappa un petit rire.
Kumoi ? Avoir des enfants ? Ses enfants ? Ils recevraient une éducation à faire pâlir n'importe quelle formation militaire.
La jeune fille faillit cependant s'étrangler lorsqu'elle se rendit compte que la potentielle maman ne riait pas, elle. Elle se confondit en excuses laborieuses avant de demander quel était le problème d'Erina.
Kumoi : Elle a écrit une chanson. Une très très bonne chanson. Elle a su trouver l'art et la manière de dire les choses telles qu'elles sont. C'est si beau, si pur... Je pense pouvoir dire que c'est sa meilleure création et pourtant... – Elle grogna – Pour je ne sais quelle obscure raison, elle refuse de l'enregistrer.
Elle secoua un petit tas de feuille en l'air, ce qui attira l'attention de la jeune fille.
Kilari : C'est... ? – Comme Kumoi acquiesçait, elle demanda – Je peux ?
Elle récupéra les brouillons et les parcourut avec attention.
Il ne lui fallut pas longtemps pour découvrir la raison de ce refus catégorique. Elle comprit également bien plus de choses d'un seul coup et beaucoup de zones d'ombres se levèrent sur ces derniers jours.
Ce qu'elle tenait en main était à la fois une bombe et un pansement. Originale comparaison qui en disait long : cette chanson révélait les sentiments tout récents qu'Erina nourrissait à l'égard de Seiji. Bombe. Et c'est de cela qu'ils parlaient : c'est à cause de cette découverte sur ses propres sentiments mis en chanson qu'Erina ne pouvait pas montrer les papiers à Seiji. Il ne s'agissait pas de photocopies de son journal, mais d'une déclaration d'amour ! C'était donc tout à fait nature qu'Erina refuse qu'il ne l'apprenne ainsi ! Pansement. Tout cela n'était qu'un horrible quiproquo...
Enfin, pas tout à fait. Cela n'expliquait en rien la présence du journal dans le sac d'Erina.
Kumoi : À voir ta tête, cette chanson est encore meilleure que ce que je pensais.
Kilari : Tu n'imagines même pas...
Il y avait donc bel et bien un problème majeur dans toute cette histoire. A supposer qu'Erina était une très bonne comédienne – ce dont Kilari ne doutait absolument pas – on pouvait imaginer qu'elle n'ait fait que simuler une amitié naissante. Elle aurait donc parfaitement pu piéger Kilari. Mais pour quelle raison ? Ces sentiments naissants pour Seiji excluaient totalement la thèse « séduire Hiroto ». Et de ce fait, jamais Erina, qui était bien plus intelligente que tous les membres de l'agence, n'aurait risqué quelque chose contre Kilari en sachant parfaitement que Seiji se rangerait du côté de sa meilleure amie. Alors pourquoi risquer si gros ?
Quel pouvait être l'argument suprême ?
Kilari se massa les tempes. La seule chose qui semblait claire, c'est que rien ne l'était. Tout se mélangeait dans sa tête et pourtant elle savait pertinemment que quelque chose sortait des limbes, quelle que soit la façon dont on prenait le problème.
Par conséquent... Si les motivations d'Erina étaient si floues, il n'y avait que deux hypothèses. Soit elle était folle et extrêmement compliquée – ce qui n'était pas faux.
Soit elle s'était faite piégée, elle aussi...
VOUS LISEZ
Ouvrir les yeux - version Skyblog (Kilari)
RomanceA tous ceux qui étaient habitués à l'univers de mon skyblog : les aventures de Kilari & Hiroto recommencent et continuent !