Chapitre 39 : Les choix.

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Durant les quelques jours qui suivirent, Erina s'efforça d'éviter soigneusement sa manageuse. Elle ne voulait pas lui répondre, ne souhaitait pas en parler, ne daignait même pas prêter attention à sa requête. Elle se refusait à évoquer l'hypothèse même de se retrouver à nouveau un jour aussi proche du jeune homme qu'elle devait l'être pour prendre ces prétendues photos artistiques. Elle ne supporterait pas leur proximité physique qui l'électrisait pourtant peu avant. Mais tout était dit ; c'était bien avant toute cette histoire.

Avant qu'il ne s'immisce sous la carapace.

Avant qu'il ne la traite de voleuse, de menteuse.

Avant qu'il ne la toise et ne la réduise au silence.

Non vraiment, pour rien au monde elle ne voulait être confrontée à lui.

Et pourtant Kumoï ne lui avait pas laissé le choix. Enfin, pas vraiment.

Erina fulmina de rage en y repensant. Elle s'était faite avoir comme une bleue ! Kumoï avait habilement manœuvré pour la mener exactement où elle voulait et la jeune idole se retrouvait désormais acculée. Elle savait pertinemment que la jeune adolescente n'aurait jamais accepté de revenir sur sa décision quant à sa chanson, alors elle l'avait présenté en premier pour faire passer la deuxième option comme plus clémente. Mais Erina n'était pas dupe et la trentenaire avait eu exactement ce qu'elle voulait.

Après plusieurs appels de Kumoï qui obstruaient sa messagerie, Erina avait accepté du bout des lèvres de reprendre le shooting avec ce traître. La séance photo, ce traquenard sorti de nulle part, était programmée pour la fin de la semaine et la jolie prune le savait très bien, elle ne pouvait pas repousser plus encore l'échéance.Elle avait rempli ses journées, comblant le moindre trou d'un travail supplémentaire pour s'éviter la désagréable perspective de ruminer cette défaite.

Ledit jour, à l'heure indiquée, elle s'arma de courage et, après s'être repassé en tête tous les écueils de cette sinistre histoire, elle entra dans le studio. Elle avait fait un choix, à défaut de faire son propre choix. Elle se sentait à fleur de peau. Si quelqu'un lui demandait l'heure, elle pourrait tout aussi bien le mordre. Cette agitation l'agaça plus encore et redoubla sa nervosité. Souhaitant apaiser ses pauvres nerfs, elle se rendit directement dans sa loge. Elle reconnaissait le chemin, y étant déjà venue quelques semaines plus tôt, lorsqu'ils avaient partagé les créneaux et le photographe tous les quatre. Elle haussa les sourcils. Que de péripéties, depuis...

Elle entra dans la petite pièce et posa son sac sur la coiffeuse. En s'asseyant, elle s'aperçut qu'il y avait deux enveloppes et en décacheta une, reconnaissant la manière de procéder du photographe. Il laissait quelques instructions et précisions sur le travail qu'il comptait mener, la thématique du jour et les horaires de chacun. Fixant son portable pour vérifier l'heure, elle nota mentalement qu'elle avait rendez-vous avec l'équipe technique d'ici peu. Elle prit alors la deuxième enveloppe, prête à trouver un complément d'information. Mais son cœur rata un battement dès le début de sa lecture.

L'écriture, fine, serrée et déliée, était manuelle.

Elle la connaissait pour l'avoir observée sur les autographes qu'il prenait toujours le temps de ponctuer d'une petite phrase amicale et gentille.

La température de son corps chuta brusquement pour regrimper aussitôt.

Elle lâcha le papier et se recula, envoyant valser sa chaise au passage. Elle se sentait prise en traitre, une fois de plus. Et pire encore, elle se sentait déchirée en deux par la curiosité folle qui la dévorait, la poussait à savoir quels étaient ces mots qu'il lui avait écrits, et la répulsion générale que la situation lui procurait.

Ouvrir les yeux - version Skyblog (Kilari)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant