La soirée battait son plein. Les cocktails se baladaient dans l'espace, sournoisement posés sur les plateaux argentés que portait un personnel bien décidé à ne laisser personne les mains vides. C'était déjà le troisième serveur qu'Erina rembarrait. Et pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait, de pouvoir se souler la gueule au point d'oublier où elle était, qui elle était. Elle pivota sur elle-même afin d'éviter une quatrième confrontation avec les membres du personnel. Elle avait presque fait pleurer le dernier. En même temps il avait insisté et elle n'avait pas pu garder son sang-froid très longtemps. Et avant même qu'elle ne s'en rende compte, elle lui hurlait dessus, cherchant à savoir s'il voulait qu'elle se pète la gueule en plein défilé.
Visiblement cette soirée jouait sur ses nerfs. Dire qu'elle s'y attendait ! Elle s'y était préparée. Voilà des semaines qu'elle avait tout fait pour ne plus croiser les autres stars de l'agence... et qu'elle se retrouvait coincée à cette soirée avec eux ! Une soirée qui, à la base, était sa soirée à elle. Pour la première fois de sa carrière, elle allait défiler pour les plus grandes marques. Il y a peu encore, elle aurait donné cher pour faire cela. Or, ce qu'elle aurait préféré faire, c'était ce stupide shooting photos...
Elle soupira. Elle devait arrêter de penser à ça. Les photos avaient été prises. Sans elle. En revanche, le défilé était toujours prévu et le couturier comptait sur ses trois passages. Elle pouvait toujours penser à cette petite victoire. Et arrêter de penser à... autre chose. Ou quelqu'un d'autre.
Décidant que le moment était venu d'aller se préparer pour son premier passage, Erina entreprit de longer le podium monté spécialement pour la soirée. Elle s'arrêta quelques secondes pour le contempler d'un bout à l'autre. Dire qu'elle allait devoir défiler. Elle ne s'en remettait toujours pas. Elle n'avait eu que peu de temps pour apprendre à marcher correctement, campée tout là-haut là-haut sur des talons de dix centimètres ou plus. Mais une fois de plus, elle avait prouvé sa supériorité, pensa-t-elle. Car elle avait surmonté tous les écueils qui se présentaient à elle.
Enfin, presque tous.
Alors qu'elle songeait aux progrès réalisés ces derniers jours en regardant le podium, son corps s'était mis à frissonner. Comme s'il essayait de l'avertir de quelque chose. En relevant les yeux, elle l'aperçut au fond de la salle, en plein dans sa ligne de mire. Le voir en costume la tétanisa. Et cette réaction ajouta à sa panique, tant et si bien qu'elle se figea.
Seiji Hiwatari.
Seiji Hiwatari en costume.
Ça valait tout de même le détour.
Il était tout de noir vêtu et bien que tout cela aurait dû rappeler à la jeune contemplatrice que c'était là une couleur des plus sinistres, elle ne lui trouva rien de funeste. Absolument rien. Au contraire, ce noir intense ne faisait que mettre en avant ses cheveux dorés. Elle ne pouvait pas les voir de si loin, mais elle aurait parié que ses yeux verts, si rieurs d'ordinaire, accrochaient la moindre particule de lumière pour s'en nourrir. Non vraiment, si l'on exceptait cet impeccable costume d'un noir d'encre, Seiji n'était qu'illumination. Il n'y avait qu'à voir comment le monde se transformait à son approche. Il renvoyait sa propre lumière aux autres qui le lui rendaient si bien. Seiji était un soleil. Apollon lui-même peut-être, ou une réincarnation, songea brièvement Erina. Il sourit à la serveuse qui lui présentait un verre et cette image s'imprima avec une forte émotion dans son esprit. Elle le voyait subitement au grand air, en plein soleil. Seiji et ses cheveux de blé, Seiji et ses yeux d'un vert d'été. Seiji qui riait. Seiji qui lui réchauffait le cœur... et le corps.
La bulle dans laquelle elle s'était retrouvée éclata dès qu'elle comprit que le chemin sur lequel elle s'était engagée était trop escarpé, même pour elle.
Avant de rejoindre les loges, elle s'accorda un dernier regard au jeune homme. Il venait d'accepter le verre et remerciait la serveuse d'un signe de tête. Oui, c'était bien vrai, Seiji était le soleil en personne. Un véritable bonheur pour autrui. Charmant, altruiste, généreux... Il paraissait si simple et si sincère que le monde entier voulait être son ami.
Mais il n'avait jamais voulu être le sien.
Ne souhaitant pas s'attarder par peur de flancher, elle commença à tourner les talons quand un éclair de feu retint son attention. Erina cligna des yeux, pivota la tête et... se brisa le cœur. Encore une fois. Bordel, elle qui pensait en avoir fini avec toute cette connerie !
Piaffant d'impatience, elle fit volte-face et se dirigea d'un pas assuré vers les coulisses.
Elle n'avait pas le temps de pleurnicher.
Elle n'avait pas l'envie de pleurnicher.
Elle était là pour le travail car seul le travail lui occupait pleinement l'esprit, et certainement pas cet insupportable playboy et sa pouffe de rouquine !
VOUS LISEZ
Ouvrir les yeux - version Skyblog (Kilari)
RomansaA tous ceux qui étaient habitués à l'univers de mon skyblog : les aventures de Kilari & Hiroto recommencent et continuent !