Chapitre 34 : A la rescousse !

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Depuis quelques temps maintenant, Yucca était devenu le nouvel artiste prometteur à suivre de près. Il se distinguait dans une toute nouvelle branche de l'agence ; l'humour. Et il s'y distinguait vraiment. A son spectacle venait s'ajouter de petites vidéos qu'il postait régulièrement. Le projet avait en effet séduit sa manager qui avait non seulement apprécié son imagination mais plus encore sa motivation.
Une salle comble, toujours plus de vues sur les réseaux sociaux, une manager aux anges... Oui, Yucca était vraiment en train de se faire une petite place au sein de l'agence Muranishi. D'ailleurs, ses collègues étaient tous plutôt sympas et bienveillants avec lui. Il appréciait tout particulièrement Kilari, avec qui il avait très bien accroché. La jeune femme était plutôt drôle et il sentait quelque chose de fragile chez elle qui lui donnait envie de lui sourire en permanence afin de lui montrer que le monde pouvait être beau. C'était donc au nom de leur tout récente amitié – après si peu de temps, on pouvait quand même appeler ça de l'amitié, non ? – qu'il cherchait désespérément son tout aussi nouvel ami Seiji. Il savait que le garçon avait un rendez-vous important pour sa carrière aujourd'hui: une histoire de photos, un truc du genre. Seiji lui en avait touché deux mots la veille, lorsqu'ils s'étaient croisés sur le seuil de l'agence. Et, encore perplexe à cause de ce qu'il avait entendu, Yucca n'avait pas réagi assez vite pour en parler avec lui. Or ce matin et après une bonne partie de la nuit pour réflexion, il savait qu'il devait tout raconter à Seiji. Le blondinet avait probablement les réponses aux questions que lui-même se posait. Après tout, étant nouveau dans l'agence et dans leur vie, il ne comprenait pas encore tout ce qui se tramait derrière la conversation qu'il avait surprise. Seiji, si. Ou du moins l'espérait-il !
Le studio photo en question se trouvait non loin de l'agence. Lorsqu'il pénétra dans les bâtiments, il marqua un temps d'arrêt. Comment trouver Seiji ? Il s'était figuré qu'il le rencontrerait rapidement mais n'avait pas pris en compte le fait qu'il ne connaissait ni les lieux ni l'emploi du temps exact du jeune homme.

Hôtesse d'accueil : Je peux vous aider ?

Yucca releva la tête. Une hôtesse d'accueil le regardait depuis son bureau. Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ! Il se moqua de lui-même en s'approchant de l'accueil.

Yucca : Oui, probablement. Bonjour, pardon. Euh... Vous savez si monsieur Hiwatari est déjà arrivé ? Enfin, peut-être ne le savez-vous pas mais...

La jeune femme gloussa.

Hôtesse d'accueil : Parce que vous croyez qu'on peut ignorer un tel homme ?

Devant l'air sceptique de Yucca, elle sourit gentiment.

Hotesse d'accueil : Oui, « monsieur Hiwatari » est arrivé un peu plus tôt pour son rendez-vous. Il doit se préparer dans sa loge.

Il la remercia et, suivant les indications qu'elle lui avait données, se dirigea vers les ascenseurs. A l'étage souhaité, il chercha le numéro de la pièce qui servait de loge mais n'eut pas besoin d'aller si loin ; il tomba directement sur sa cible au détour d'un couloir.

Yucca : Hep ! Seiji !

Il l'apostropha avant que Seiji ne lui rentre dedans. Ce dernier releva la tête et resta interdit quelques secondes avant d'ajouter, tout sourire :

Seiji : Laisse-moi deviner : je te manquais, tu t'es rendu compte de tes sentiments pour moi et là tu refuses de me laisser faire une connerie en posant avec une fille qui n'est pas toi ?

Yucca : Ha bah ouais, c'est exactement ça. Comment t'as su ?

Seiji : C'est facile à deviner. T'es venu ici comme un grand, tôt le matin et, vu ta tête, c'est moi que tu cherchais.

Yucca : Bon, et bien maintenant que mon cœur s'est repu de ton visage, je peux rentrer tranquille.

Et il fit mine de s'en retourner, Seiji riant dans le couloir. Yucca s'amusa de la répartie du garçon et revint vers lui... non sans noter quelque chose auquel il n'avait pas prêté attention plus tôt.

Yucca : Tu vas prendre une douche ? Ou tu te trimballes toujours en peignoir dans les couloirs des lieux où tu travailles ?

Seiji perdit son sourire, soupira.

Seiji : M'en parles pas. C'est à cause de mon contrat...

Yucca : Tu te lances dans la pub pour shampoing ? Ou dans le porno, peut-être ?

Ce qui amusait beaucoup Yucca fit rechigner Seiji.

Seiji : Bref, peux-tu me dire à quoi dois-je ta visite si ce n'est pas pour m'emmener sur ton blanc destrier ? Ne me dis pas que tu as fait tout ce chemin seulement pour te foutre de moi.

Yucca se contorsionna afin de vérifier que personne ne trainait dans les parages.

Yucca : C'est... En fait je dois être franc avec toi, je ne sais pas trop ce que c'est. Et je ne sais pas si je mets les pieds dans une fourmilière ou dans rien du tout, et je dois aussi te dire que c'est pas mon genre de chercher des histoires mais...

Seiji : Yucca, respire, ça va bien se passer.

Yucca : T'es drôle toi. Je me sens un peu con parce que j'ai entendu un truc et que je ne sais pas trop à quoi ça rime mais ça te concerne. Toi et Kilari. Et la rousse d'Amérique aussi. Et des copains à elle.

Seiji accueillit cette déclaration par un froncement de sourcils.

Seiji : Je dois me rendre à la séance photo. Accompagne-moi et raconte-moi un peu tout ce méli-mélo intrigant...

Et de ce fait, Yucca s'obligea à tout raconter à Seiji. La conversation surprise entre Selma et Peter, cette altercation qui semblait plus ou moins d'ordre sentimental, fut déballée par un Yucca légèrement nerveux. Seiji ne disait mot. Il ne dit rien jusqu'à la fin, lorsqu'il arrivèrent à destination. Un coup d'œil suffit aux deux garçons pour s'apercevoir que Selma était déjà là. Elle aussi portait un peignoir.

Yucca - suspicieux : Sérieux, c'est vraiment pas un porno ?

Seiji le considéra quelques secondes.

Seiji : Merci pour la conversation.

Yucca le fixa. Quelque chose clochait.

Yucca : Quoi ?

Seiji se passa la main dans les cheveux, soupira puis croisa les bras sur sa poitrine.

Seiji : Ce n'est pas que je ne te crois pas. Mais... Je n'y crois pas.

Yucca : Désolé, la nuance est trop subtile pour moi.

Seiji : Je suis sûr que tu es sincère mais, franchement, à quoi ça rimerait tout ça ? Je ne vois pas en quoi Selma serait mêlée à tout ça.

Yucca : T'as entendu le passage où je racontais qu'elle en avait après tes fesses ?

Seiji - ronchonnant, sur la défensive : Laisse mes fesses en dehors de tout ça.

Yucca haussa les sourcils. Il pensait bien faire en venant tout lui dire mais visiblement, il s'était trompé.

Seiji : Ne le prends pas comme ça... Je pense que tu as peut-être mal compris.

Yucca hocha la tête, lentement. Puis, la secouant avec plus d'énergie, il s'excusa.

Yucca : Ok, ouais, puisque tu le dis. J'ai du surinterpréter. Désolé.

Seiji hocha la tête.

Seiji : T'es pas... T'es pas vexé, hein ?

L'humoriste roula des yeux en se portant la main au cœur et fit semblant de défaillir. Seiji pouffa devant tant d'insolence.

Yucca - redevenant sérieux : D'un côté, ça m'arrange de savoir que vous n'êtes pas victime d'un complot de folles furieuses. Bon... beh je vais retourner faire des cœurs sur une feuille en pensant à toi.

Seiji secoua la tête et regarda Yucca s'éloigner en lui faisant un signe de la main. Le beau blond ne bougea pas pendant quelques secondes. Il était sceptique mais trouvait cela trop loufoque pour être vrai. Il croyait Yucca, mais Yucca n'était pas au courant de tout alors peut-être avait-il mal compris certains propos ?
Il entendit son nom et, entrant enfin dans la pièce, s'avisa que Selma était déjà en place. L'air lui manqua lorsqu'il vit, l'espace d'une nanoseconde, l'image d'Erina se superposer à celle du mannequin américain.
Erina.
Il se reprit et s'avança vers le photographe.
Erina. C'était avec elle qui aurait dû poser. En fait, c'était avec qu'elle qu'il voulait poser. La différence était là. Mais il avait été trop fier pour le reconnaître et ils avaient joué au chat et à la souris. Il revit son visage peiné, blessé, lorsqu'elle avait compris que, pour lui, le problème ne venait pas de la thématique mais d'elle. Il serra les mâchoires à ce souvenir.
Non. Il ne devait pas se laisser manipuler par de faux souvenirs. Pas maintenant qu'il savait qu'elle les avait tous manipulés. Et elle avait avoué.
Après un débriefing auquel il ne prêta pas grande attention, il se laissa guider jusqu'à Selma. Il la dévisagea longuement, essayant de trouver sur son visage un indice qui expliquerait les dires de Yucca.

Selma : Salut ?

Il hocha la tête. Il ne savait plus faire que cela désormais. Le cerveau en ébullition, il la regarda sourire et rougir légèrement sous son regard insistant. Puis il se réveilla.

Seiji : Salut, pardon. Je suis un peu...

Selma : Dans la lune ?

Seiji - au même moment : Tendu.

Elle serra ses lèvres l'une contre l'autre en une moue désolée et il balaya tout cela d'une main dans le vide.

Photographe : Ok tous les deux, on commence ? Seiji, rapproche-toi d'elle. Je veux des photos artistiques, pas de vulgaire, que du pro.

Les deux idoles acquiescèrent et Selma se redressa pour s'installer. Elle s'était débarrassée du peignoir et ne portait qu'un sous vêtement couleur peau, comme lui. Et ce n'est qu'alors que Seiji remarqua que la seule chose qui cachait sa poitrine était ses cheveux incandescents.

Photographe : Seiji ? On commence ?

Seiji : Oui, bien sûr.

Photographe : Bien... Alors, tu veux bien... ?

Seiji inclina la tête sur le côté mais la réponse vint de Selma.

Selma : Seiji ? Il te demande d'enlever ton peignoir.

Se rendant compte que tout le monde attendait après lui, Seiji quitta le cadre de l'appareil photo pour rendre son peignoir à un assistant. Bon sang, s'il avait su que ce que Yucca lui dirait le mettrait dans un tel état, il lui aurait demandé d'attendre d'avoir fini ce supplice. Parce que c'en était clairement un.
Résolu à ne plus commettre d'impairs, il s'attacha à rester concentré durant toute la séance. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire. Il n'avait pas vraiment la tête à ce qu'il faisait mais c'était plus fort que lui ; son cerveau tournait tout seul, en boucle sur quelque chose qui pourtant lui échappait.
Et le pire dans tout ce brouillard restait sûrement le fait que parfois, l'espace d'un court instant, il voyait Erina dans ses bras et non pas Selma. Il sentait sous ses yeux le poids de la nuit qu'il avait passée à tourner et retourner dans son lit. Il était rongé par trop d'émotions à la fois qui, perfides, l'empêchaient de dormir. D'abord il y avait eu une grande lassitude. Et cette émotion-ci était offerte gratuitement non seulement par Erina mais aussi par Hiroto. Cette situation ne pouvait pas durer indéfiniment... Et pourtant il semblerait que ce soit le cas.
Là-dessus s'était pointée la colère. Oui, il était en colère contre son partenaire qui avait préféré fuir ses sentiments – en plus de la ville – et l'avait laissé seul à gérer tout ça. Mais aussi en colère contre Erina. Erina qui les avait amadoués puis trahis. Il ne parvenait pas à s'en remettre. Elle avait tout calculé, elle avait tout feint. Et ça le tuait. Elle s'était jouée de lui. Et lui, idiot, naïf, lui qui se croyait si perspicace... s'était laissé berné comme un abruti. Ainsi, il finit par être en colère contre lui-même pour ne pas s'être douté de ce que cette petite peste faisait. Il était en colère contre son corps, cette chose fourbe qui abdiquait toute volonté lorsqu'Erina apparaissait.
Et bien entendu, le manque s'était engouffré dans la brèche. Malgré tout, oui, il y avait quelque chose qu'il ne s'expliquait pas qui lui manquait. Et c'était une sensation effroyable que celle-ci. Ne pas savoir ce qui fait mal. Ce dont on a besoin pour être heureux et insouciant à nouveau. Il voulait ne plus ressentir cela mais il ne voulait pas connaître les raisons de ce manque. Le paradoxe était ingérable.
Un flash le ramena à la réalité.
Selma changea de position, ce qui le poussa à se demander s'il avait fait de même, au moins une fois, depuis le début de la séance photo. Voilà que maintenant c'était la culpabilité qui prenait le dessus ! Il étouffa un juron – bon sang ! Mais depuis quand jurait-il ?! C'était Hiroto l'adolescent incivilisé, pas lui !
La difficulté de leur thématique de « nus artistiques » résidait dans le fait qu'ils devaient passer pour nus. Or on leur avait généreusement laissé des boxers à tous deux. Selma décida que la prochaine pose se ferait à même le sol. Elle s'allongea et aussitôt, des assistantes vinrent placer ses cheveux sur elle et autour d'elle. Seiji se demanda ce qu'il pourrait bien faire pour s'intégrer dans le décor. Super. Il avait passé la première moitié de la séance tel un automate et maintenant, il ne parvenait même plus à savoir quoi faire ni comment le faire. Lorsque les assistantes se retirèrent, il n'avait pas la moindre idée de position à essayer.
Tellement plus naturel avec...
Il s'interdit de finir cette pensée et la chassa aussi rapidement qu'elle était survenue. Il choisit se mettre au niveau de ses cuisses, cacha ainsi de son torse le morceau de tissu qui les empêchait de faire un remake d'Adam et Eve. Attrapant une mèche, il commença à jouer avec et leva les yeux vers l'objectif.
Clic. Flash.
Il tira sur la mèche, son autre main se posant sur le ventre de Selma qui s'arc-bouta.
Clic. Flash.
Dans un enchainement de positions, ils se retrouvèrent imbriqués l'un dans l'autre, assis au sol. Seiji se trouvait face à l'objectif, Selma de dos. Pour la première photo, ses cheveux roux dégringolaient le long de sa colonne vertébrale. Ce que l'objectif ne voyait pas, c'est qu'elle se cachait les seins, les bras en croix sur la poitrine. Mais Seiji était bien trop gentleman pour n'y jeter ne serait-ce qu'un coup d'œil.
Clic. Flash.
On demanda alors au garçon de jouer avec les cheveux de Selma ainsi qu'il l'avait fait plus tôt. Il s'approcha plus encore, ajustant ses jambes sous elle, et d'un poignet vibrant d'énergie, il ramena toute la chevelure de feu sur le côté, dévoilant un dos d'une blancheur laiteuse à l'objectif.
Clic. Flash.
Selma n'en fit pas moins. Elle abandonna ses seins, agrippa de sa main gauche les cheveux de Seiji et tira dessus de façon à incliner la tête de ce dernier selon son bon vouloir. Seiji continua de regarder l'objectif.
Clic. Flash.
Puis ses yeux vinrent se poser sur la belle rouquine.
Clic. Flash.
Il la contempla et elle lui sourit. Une autre lui aurait fait un clin d'œil.
Il soupira, agacé de sa propre faiblesse. Comment faisait-il pour invariablement revenir à elle ? Il posait avec un mannequin international dont les seins étaient dénudés et il se laissait distraire par... ? Non, non, il débloquait. Rien ne tournait rond dans sa putain de tête.

Selma - chuchotant : On a bientôt fini.

Seiji : Ce n'est pas ce que tu crois.

D'une main sur son torse, elle le poussa au sol sans ménagement.
Clic. Flash.
Ses cheveux retombèrent en cascade autour de son visage qu'elle tourna vers l'objectif.
Clic. Flash.

Selma : Je ne crois rien du tout.

Seiji se redressa sur un coude. Il ne voulait pas se montrer grossier avec elle, elle n'y était pour rien... Mais à la vérité, il ne savait plus quoi penser d'elle. Souhaitant tout de même s'excuser pour son comportement distant ou – pire – absent lors de leur séance, il porta une main à sa joue.
Clic. Flash.

Photographe : Bien, c'est vraiment pas mal tout ça. On peut s'arrêter là. - Consultant rapidement les photos avant d'ajouter - les dernières sont bien meilleures que les premières.

Seiji marmotta quelques brèves excuses mais déjà Selma quittait les lieux. Il récupéra son peignoir et l'enfila en percutant que, tout de même, il ne faisait pas très chaud ici pour se trimbaler en sous-vêtements. Une pensée, plus tenace que les autres, vint lui souffler l'idée qu'il en aurait été tout autrement si c'était une grande brune qui avait été présente...
Peine perdue. Il abandonna sa lutte. Erina le hantait. Il y avait trop de frustration autour de leur histoire pour ne pas y repenser nuit et jour ! Et pourquoi toute cette mascarade ? Pourquoi une telle mise en scène? En quoi cela pouvait-il bien lui servir de l'embarquer lui aussi dans cette histoire alors qu'elle ne cherchait qu'à atteindre Kilari ? Quel but y avait-il d'ailleurs ? Pourquoi faire semblant d'être son amie ? Elles ne touchaient même pas le même public. Et chacune avait son propre style. A quoi bon se jalouser ?
« Une connasse reste une connasse ».
C'est ce qu'elle avait dit. Ce qu'elle avait avoué. Alors pourquoi ne s'en contentait-il pas ? Qu'attendait-il ? Pensait-il vraiment trouver un vice de procédure dans leur « procès » d'Erina ?
« Crois moi, quand je fais quelque chose à quelqu'un, je m'assure qu'il sache qu'il s'agit de moi ».
Ce souvenir survenu des limbes le décontenança. Erina avait toujours été une fille spéciale. Pas franchement amicale, mais elle ne s'en cachait pas. D'ailleurs elle ne cachait rien. Et sa franchise passait parfois pour insupportable. La rendait insupportable. Jusqu'à peu.
« Je le poignarderai de face, histoire qu'il sache de qui vient sa chute».
Ce qu'elle affirmait collait avec sa personnalité : elle jouait franc-jeu. Voilà pourquoi le mode opératoire ne lui ressemblait pas. Piquer le journal intime de Kilari ? En faire des faux avec des doubles ? L'envoyer à Hiroto ? On se croirait vraiment dans un téléfilm de mauvais goût...
En un mot comme en cent, le mystère ne se réduisait pas, au contraire. Et voilà maintenant que Yucca pensait que Selma, Peter et Winnie s'étaient ligués contre Erina. Dans quel but ? Et à quel moment cette sorcière de Winnie aurait pu rencontrer Peter ? Comment pourraient-ils se connaître ? Il n'y avait pas vraiment d'explication logique derrière tout cela, si ce n'est que Yucca n'avait peut-être pas du comprendre. D'ailleurs écouter aux portes n'était ni très poli ni très recommandé. On pouvait toujours surinterpréter quelque chose et de là s'en suivait un quiproquo d'enfer. En outre, aux dernières nouvelles, Selma était là pour le travail, Winnie... Winnie n'avait pas donné signe de vie après avoir tout foutu en l'air entre ses deux meilleurs amis. Visiblement, elle avait dû remplir sa mission et décidé alors de rentrer.
Quittant doutes et supputations, Seiji se dirigea vers la loge de Selma, bien décidé à s'excuser de son attitude si peu correcte. La pauvre jeune femme avait dû mener la première partie de la séance photo seule. Il ne se souvenait de rien, tout occupé qu'il était à combattre ses pensées. Elle méritait mieux et n'avait rien fait pour être traité de la sorte. Et elle n'y était pour rien s'il était frustré par l'absence d'Erina.
Il ralentit en arrivant devant la porte mais stoppa son poing en l'air avant de frapper.

--- : Meuf, on est trop fortes.

Interdit, Seiji n'osait bouger.

Selma : Winnie, je t'ai déjà dit de ne pas venir.

Winnie : Mais je m'ennuie, moi. Et j'avais envie de sauter de joie avec toi : tout marche à la perfection ! Je suis née pour le complot...

Selma : Tout marche peut-être pour toi. Ce n'est pas mon cas.

Winnie : Oh. Tu dis ça à cause du beau gosse un peu coincé ?

Un bruit sourd se fit entendre, suivi par un gloussement.

Selma : Seiji n'est pas...

Ledit garçon trouva le blanc qui suivit cette phrase bien trop long pour ne pas être vexant.

Selma : Il n'est pas coincé. Il est classe, bien élevé, mesuré et...

Winnie : Et grave coincé. Ou impuissant. Tu m'as dit que t'étais à poil devant lui et c'est à peine s'il l'a remarqué !


Ce que ressentit Seiji à ce moment-là, lui-même ne le savait pas. Une certaine gêne le disputait à une touche de honte tout en culpabilité et agacement avant que tous soient rappelés à l'ordre par l'assurance fière de s'être comporté en gentleman ! Pour qui le prenait-on ? Il se frotta les temps. Les filles, bon sang, les filles ! S'il avait fait « autre chose », à tous les coups, on l'aurait taxé de « pervers ». Il n'allait tout de même pas s'excuser d'être un minimum poli, civilisé et professionnel ?!
Il n'entendit pas ce que Selma lui répondit

Winnie : Franchement je vais te dire : si j'accepte que tu lui coures après c'est parce que je me dis que ça sera beaucoup plus simple pour moi avec Hiroto si toi t'es avec Seiji.

Selma : Mais bien sûr. Arrête de faire comme si tu me rendais service, on sait toutes les deux que c'est l'inverse. Je suis là pour virer l'autre sangsue. Une fois débarrassées d'elle, Kilari est à toi et Seiji à moi.

Winnie gloussa de nouveau. Et rien dans tout ce qu'avait entendu Seiji ne luisembla si horriblement dangereux que ce rire-là. Mal à l'aise, en proie à une horreur indicible, il recula lentement, le plus calmement possible afin de ne pas éveiller de soupçons.
Dire qu'il venait s'excuser !
Il se dirigea vers l'ascenseur avant de se rendre compte de sa propre tenue. Il ne pouvait décemment pas sortir ainsi. Il regagna sa loge et s'étonna de son flegme. Lorsqu'il troqua son boxer contre ses vêtements, il en profita pour reconstituer le puzzle de ces derniers mois dans sa tête.
Finalement, il devait bel et bien des excuses. A plusieurs personnes.
Il allait commencer par la dernière...

Ouvrir les yeux - version Skyblog (Kilari)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant