Chapitre 4 - Repas de famille

555 53 118
                                    



La clochette de Marie-Garance retentit dans toute la maison, signal afin que la famille se rende à la salle à manger pour le repas dominical. La mâchoire de Gregor se contracta. Il ne la supportait pas, cette clochette. Il avait passé l'âge de se faire sonner. Mais cela ne semblait pas déranger son grand frère, que sa chère épouse le traite comme un vulgaire animal !

Gregor avait vidé le contenu de sa sacoche en cuir usé par d'innombrables voyages. Il étala sur son lit le résultat de son glanage. Des gemmes scintillantes comme des étoiles capturées, des babioles anciennes, abandonnées dans une instance sans surveillance, et des pièces d'or reluisantes, témoins silencieux des mondes que les Aveugles ne soupçonnaient même pas. Chaque objet racontait une histoire, chaque pièce une mission confiée par Margot. Certains objets ne valaient rien. Ils n'étaient que de vulgaires accessoires crées par des sorciers peu talentueux ou pressés. Quelques-uns lui vaudraient des ennuis s'il venait à les montrer. Mais l'or véritable lui rapporterait un max à la revente. Et il n'était pas à l'abri de découvrir par hasard un petit trésor, un objet créé, et utilisable sur terre ! Gregor examina la drôle de bible avec le corbeau imprimé. Un alphabet non terrestre. Accessoire. Inutilisable.

Nouveau tintement, plus énervé.

Gregor grimaça. « Oui oui, j'arrive ! » marmonna-t-il pour lui-même. Il rangerait son magot dans son bureau secret une fois le repas terminé. Il quitta d'un pas léger sa chambre en reboutonnant le haut de sa chemise noire. Marie-Garance détestait que l'on mange avec une tenue débraillée. Gregor dévala avec agilité les longs escaliers en pierre de la demeure familiale. La décoration avait bien changé depuis que ses deux parents avaient disparu. Son grand-frère avait trois enfants en bas âge et les tableaux ancestraux de la famille avaient été remplacés au profit de photos d'école, et des créations graphiques de ses petits neveux.

Tintements hystériques !

Gregor ouvrit la porte à grand fracas.

­­– Sorry, j'avais pas entendu...

La table semblait avoir été préparée par un chef étoilé. Nappe blanche, quelques fleurs découpées pour décoration, et deux verres par personne. Les trois neveux, respectivement âgées de quatre à huit ans dévisagèrent Gregor avec des yeux qui disaient : « Toi, t'es mort ! » Marie-Garance servait la salade verte agrémentées de pignons grillés sans accorder un regard au nouvel arrivant. Le tout dans un silence complet.

– Ouais, je suis un peu à la bourre... Désolé.

Sa belle-sœur le fusilla du regard tandis que son frère plissait ses lèvres comme seule réaction. Elle finit de servir ses enfants avant de s'installer en face de son mari. Gregor se glissa à sa place. Il se servit en prenant bien soin de ne rien renverser sur la nappe immaculée.

– Elle a l'air délicieuse cette salade, avec ces petits pignons !

Mais cela ne provoqua aucune réaction.

Le tintement des couverts sur les assiettes en porcelaine de Limoges furent bientôt les seuls sons que l'on entendit dans le salon des Von Pfaehler. N'y tenant plus, Gregor rompit le silence. Il n'allait pas se gâcher le repas sous prétexte que sa belle-sœur était chiante à mourir.

– Et sinon, vous avez prévu de faire quoi cet après-midi ?

Viktor, son frère aîné, s'esclaffa, comme si on lui avait raconté une bonne blague. Il se gratta la barbe brune maintenant parsemée de fils argentés. Il approchait de la quarantaine et il avait pris un peu de ventre, à la différence de son épouse, à la silhouette toujours aussi svelte qu'il y a vingt ans. Gregor savait qu'elle était accro à la salle de sport, et il devait convenir que toute rigide qu'elle était, sa belle-sœur avait une silhouette sexy.

InstancesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant