Chapitre 14 - Deux sorcières

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En quittant la départementale, Gregor vérifia son GPS. Le chemin de terre cabossé et grêlé d'ornières chahutait la voiture dans tous les sens. Sur la banquette arrière, Yimito gémissait avec les cahots les plus importants. Après cinq minutes à s'enfoncer dans la forêt de pins, Gregor gara son SUV à côté d'une bicoque qui tenait plus de la grande cabane que de la maison véritable. Pas vraiment abandonnée, elle ne méritait pas non plus l'adjectif entretenue. Malgré une migraine tenace qui s'était installée lors du trajet, Gregor avait tous les sens en alerte. Son pistolet semi-automatique en main, il fit le tour de la bâtisse aux volets clos. Margot lui avait assuré qu'elle était actuellement vide, et le resterait tout l'été. Il était disposé à croire la sorcière... tout en prenant un maximum de précautions.

Rassuré, il ouvrit la portière de Lucy. La jeune fille accusait elle aussi une grosse fatigue. Des cernes se dessinaient sous ses yeux clairs.

– C'est bon, il n'y a personne. On va sortir toutes nos affaires de la voiture. Je la dissimulerai ensuite derrière la maison, sous l'appentis.

Lucy acquiesça sans un mot. La fatigue l'avait rendu docile. Ils vidèrent le coffre et débarquèrent le guerrier extra-terrien incapable de marcher seul.

– Tu sens la faille, Lucy ? Nous sommes juste à côté.

– Je t'en supplie, pas maintenant. Je ne suis pas en état de jouer les apprenties sorcières.

Cependant, la jeune fille discernait une légère luminescence à côté d'un acacia. Elle ne dit rien, laissant le chasseur de primes soutenir seul Yimito.

– Ok, ne t'inquiète pas. Cela viendra. Margot est une experte pour dissimuler les failles qui mènent à ses instances. Je ne le saurais pas, je ne la verrais pas non plus.

Ils traversèrent la faille et disparurent de la surface de la Terre.

De l'autre côté, il y avait aussi une forêt mais les essences étaient plus variées. Des chênes, des hêtres, des peupliers, quelques conifères dont un majestueux pin parasol qui étendait ses branches gigantesques sur une vingtaine de mètres. Il ne faisait ni trop chaud, ni trop froid. Une météo parfaite pour le petit paradis privé de la sorcière. Un chemin de pavé blanc que bordaient des buissons floraux serpentait jusqu'à l'arrière de la villa. Malgré sa fatigue, Lucy remarqua la vie exubérante qui l'entourait. Tandis que les rayons dorés du soleil filtraient à travers la canopée, des insectes voletaient au-dessus du tapis de mousse moelleux. Sous les branches entrelacées formant un dôme naturel, des papillons multicolores et des oiseaux chanteurs vaquaient à leurs occupations insaisissables pour les êtres humains. Lucy prit conscience d'une des facettes de la sorcellerie, celle de créer la vie avec toute la complexité que cela sous-entendait.

Au loin, elle percevait le bruit de la mer. Elle respira à plein poumons et au-delà des senteurs végétales, elle perçut celle, caractéristique, de l'océan. La jeune fille décida que cette instance était géniale. Sa première impression s'accentua encore lorsque, quelques mètres plus loin, le chemin de pavés blancs donnait sur quatre carrés cultivés de fruits rouges. Elle découvrit ensuite une villa luxueuse maçonnée en pierre couleur crème, de plain-pied. Elle se pencha pour décrocher deux grosses fraises appétissantes.

– C'est elle ? dit une voix féminine, jeune mais néanmoins autoritaire. Forcément, c'est elle... En train de se servir, bien sûr...

Lucy releva la tête pour observer la sorcière. Une jolie rousse la toisait avec un regard pas vraiment sévère. Plutôt amusée, à en croire, le pincement de ses lèvres rendues brillantes par le gloss. Elle portait une robe d'été dont le tissu très léger ne cachait pas beaucoup sa peau bronzée. Elle était pieds nus. La sorcière cessa de sourire en voyant l'état de Yimito, transporté à bout de bras par Gregor. Elle se précipita pour aider le chasseur de primes.

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