Chapitre 13 - Divergence musicale

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– J'en ai marre d'écouter cette daube !

Sans quitter des yeux l'autoroute, Gregor répondit d'une voix qui ne souffrait d'aucune discussion.

– Si tu penses qu'Alice Cooper, c'est de la daube, je ne peux rien pour toi.

– Ça pue le moisi. C'est même pas un truc de ton époque. T'es bien de maintenant, hein ? T'es pas un voyageur temporel ? Parce que ton Alice, c'est de la préhistoire.

Gregor inspira profondément. Il valait mieux être sourd... La gamine était sous le choc. Elle lui avait emprunté un teeshirt à lui et nageait dedans. Ils s'étaient arrêtés sur une aire d'autoroute pour effectuer un nettoyage de fortune. Yimito avait fini par s'endormir, ou bien il était dans le coma. Gregor n'aurait pas su dire. En tous cas l'extra-terrien respirait encore.

– A ton tour de mettre de la musique, si tu veux. Je ne suis pas pénible.

La jeune fille pianota sur son téléphone qui contenait toujours la carte SIM du chasseur de primes. Bientôt, une voix gutturale retentit dans la Volvo, avec un son technoïde qui horripila instantanément Gregor

Ein zwei Polizei, Drei, Vier, Grenadier !

– Sans rire, Lucy... Tu veux m'achever.

Bien qu'attachée sur le siège passager, la jeune fille bougea en rythme les épaules. Elle esquissa le premier sourire depuis qu'il l'avait récupérée dans la chambre sans porte. Gregor en conclut que cette musique avait finalement un intérêt.

– C'est la meilleure version qui existe, le Gendarmerie Mix de Mo-Do.

– Si tu le dis. Je voudrais qu'on reparle de ce qui s'est passé.

Lucy arrêta de se trémousser. Elle reprit sa moue boudeuse.

– Pourquoi ? Il y a quoi à dire ?

– Tu as peut-être l'impression que j'ai flingué sans réfléchir, et que mon ami Fouad est mort par ma faute.

– ...

– Bien sûr, il est mort car il me connaissait. C'était un homme génial, un ami que je ne voyais pas souvent, mais on a passé d'excellents moments ensemble... Bref. Le plus important, c'est que tu comprennes bien une chose, Lucy.

– ...

– Ils t'auraient tuée aujourd'hui même. D'ailleurs, je me suis demandé d'abord comment le balaise avait pu me louper. Ensuite, j'ai compris. C'est toi qu'il visait, Lucy. Yimito t'a protégé et c'est lui qui a reçu, mais c'est toi que l'Américain voulait tuer. Je n'ai peut-être pas réagi de la meilleure des manières, mais de toute façon, tu ne pouvais pas partir avec eux...

Un nouveau morceau, tout aussi techno, emplit l'habitacle.

I got that good stuff that you want, Let me be your pusher, pusher, pusher, Ayy

– Je sais. J'ai vu comment il me regardait. J'ai tout de suite compris qu'il voulait me défoncer. Tu as bien fait Gregor. Ne te sens pas mal avec tout ce merdier.

Le chasseur de primes plissa les lèvres. Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux. Il se les essuya avec un revers de la main.

– Le prochain morceau, c'est moi qui le choisis.

– Tu n'aimes pas Creeds ?

– Pas trop, non. Mets-moi un bon Aerosmith, Sweet Emotion !

Lucy obéit. Il avait l'air bouleversé, mais même comme ça, il parvenait à être stylé. Son cœur accéléra légèrement. Elle remarqua la petite cicatrice au niveau de son sourcil droit, bien badass. Il avait de grandes et belles mains, et elle devinait ses pecs bien formés sous son teeshirt noir. Concentré sur ce qu'il allait dire, Gregor ne remarqua pas le trouble de la jeune fille.

– Tu dois bien comprendre que pour ces gens, tu dois être éliminée, quoi qu'il en coûte. D'habitude, ils préfèrent agir en toute discrétion mais tu leur fais peur. Alors, ils jouent les artilleurs en pleine ville.

– C'est qui, ces gens ?

– Je n'en sais rien, précisément. Ils appartiennent à une de ces sociétés secrètes qui régulent les activités magiques et les instances depuis la nuit des temps. Des fanatiques. Tous les bûchers, l'inquisition, plein de guerres, et toutes sortes d'atrocités qu'il vaut mieux que tu ignores, c'est eux.

– Ca craint...

– Tu peux le dire. Margot en sait forcément plus sur le gros balaise et la joueuse de couteau. Elle s'intéresse de près à eux, vu que sa survie en dépend.

– C'est qui Margot ? La meuf qui veut m'aider, c'est ça ? C'est une sorcière, elle aussi ?

– Oui, une sorcière comme toi. Et puissante, aussi. Avec elle, tu seras en sécurité. J'espère qu'elle va arranger tout ça.

– Et toi, c'est quoi ton pouvoir ? J'ai l'impression d'être dans un film de Marvel.

– Moi, je vois les failles que vous créez, les sorciers. Enfin, disons que j'en vois pas mal car certains d'entre vous sont doués pour les dissimuler. Et j'ai la capacité de voyager d'instances en instances.

– Putain, c'est cool. Comme Yimito ?

– Oui, pareil. Et comme Fouad... Les Voyants, on n'est pas du tout nombreux, mais les sorciers, c'est carrément rarissime.

A l'arrière, Yimito s'était réveillé. Il se parlait dans sa langue, mais ils n'avaient pas besoin de comprendre pour savoir qu'il délirait. Lucy se contorsionna pour poser sa main sur le front trempé de sueur de l'extra-terrien.

– Il est brûlant.

– Il a survécu jusqu'ici, il est costaud. On a passé Toulouse. Encore deux heures, et on est sauvés.

– On va chez toi ?

– Non. Ils connaissent mon nom. Je suis grillé, comme toi. Margot m'a donné un lieu qui nous mènera à son instance. On va devoir se cacher.

– Génial.

Gregor n'osait p as lui dire que la situation était pire encore. Lui-même essayait de se persuader que les assassins à leurs trousses ne feraient rien contre sa famille. Ils se doutaient que ces derniers ne sauraient rien. Il était resté discret sur ses activités, comme tous les Voyants le sont par sécurité. Néanmoins, il ne pouvait en être certain. Et qui sait s'ils ne se serviraient pas d'otages pour le faire sortir de son trou ?

Le SUV filait à bonne allure sur l'autoroute, transportant à son bord un extra-terrien entre la vie et la mort, une jeune sorcière déboussolée, et un chasseur de primes pessimiste.


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Notes de l'auteur :

Je dis un truc en passant : lisez les courts "entre chapitre intitulés LUCY, MARGOT, ou autres. Ils font partie intégrante de l'histoire.

Sinon, oui, c'est pas la gloire pour nos héros... Ils sont bien seuls face à une organisation puissante. Lucy semble à la ramasse, mais tout est encore trop frais pour elle.

Merci pour vos encouragements, cela me donne envie d'écrire vite la suite !


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