Margot

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Sans un regard pour le studio vide et miteux, Margot ferma à clef et quitta l'immeuble. Elle ne regretterait pas l'odeur de poubelle et d'urine. Elle glissa les clefs dans une enveloppe timbrée. Direction, la première boite aux lettres du quartier Saint-Pierre. De larges lunettes de soleil extravagantes lui mangeaient le visage. Elle avait attaché sa flamboyante crinière et enfoncé un large chapeau en paille sur sa tête. Ainsi, elle pensait qu'aucune caméra de surveillance de la ville ne la repèrerait.

Elle regretterait Bordeaux, par contre. Elle s'était habituée à vivre dans la métropole girondine, bien qu'elle ait toujours su que cela ne durerait pas éternellement. Les gens de son espèce devaient se cacher. De tous temps. Et son intuition lui disait qu'il se préparait des heures sombres ou les organisations ennemis la rechercheraient. Les événements de Montpellier n'auguraient rien de bon.

Margot savait que les bûchers n'étaient jamais loin. Et elle aimait beaucoup trop la vie pour prendre le moindre risque. La sorcière pénétra dans sa petite voiture et quitta le centre-ville, la clim' à fond. Durant le trajet, elle vérifia plusieurs fois son téléphone. Rien. Gregor devait encore voyager d'instances en instances, à la recherche de celui qui avait découpé la réalité en deux. La sorcière traversa le pont François Mitterrand et quitta vite la rocade pour des routes secondaires. Après un quart d'heure de cambrouse au milieu de vignes vallonnées, elle gara sa Fiat 500 dans une garage isolé. Plus d'appartement à son nom. Rien d'autre que cette petite grange louée en liquide dans un bled qui ne comptait pas plus de cinquante habitants. Satisfaite de sa trouvaille, elle sortit de sa voiture. Une ampoule grésillait au-dessus de sa tête. Elle n'avait rien dit au propriétaire à propos des vieilleries qui encombraient le garage. Il y avait la place de se garer, et elle ne demandait rien de plus. Elle éteignit la lumière et se dirigea dans le noir vers la faille qu'elle avait créé le matin même.

Ses yeux mirent du temps à s'habituer à la luminosité de sa villa. Elle posa son sac à main sur le canapé et sortit sur la terrasse. Dita l'accueillit avec un miaulement geignard. C'était la plus vieille de ses trois chats, une vieille carne au pelage noir. Margot s'assit en face de l'océan et prit la chatte sur les genoux.

– Viens là, ma belle.

La sorcière contemplait les rouleaux s'écraser inlassablement sur le sable fin. Le ciel et l'océan semblaient se fondre en un seul horizon immense.

Elle oublia quelques minutes son inquiétude. Elle espérait ne pas avoir envoyé son chasseur de primes à l'abattoir.


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Notes de l'auteur :

La clandestinité au XXIeme siècle, pas facile...

Je suis ravi de constater quelques abonnements supplémentaires tous les jours. C'est super, de savoir que l'histoire accroche certains d'entre vous ! La suite ce week-end bien sûr.

(au fait j'ai vérifié, cambrousse ou cambrouse, les deux sont acceptés ^^)

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