Prologue

279 35 45
                                    

» Lévi

♪ Call out my name – The Weeknd

« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la protéger, et si cela signifie te jeter en pâture à la presse ou faire sauter ta « green card », je n'aurai aucun problème moral avec ça ! »

Les mots, prononcés durement par Jake Van Der Peltz, me reviennent en mémoire et me hantent... En réalité, depuis ce jour-là, je n'ai pas l'esprit serein, et je rencontre même des difficultés à dormir. Il faut croire qu'il a réussi à s'immiscer dans mes songes les plus profonds.

Jusqu'où ce politicien va-t-il me poursuivre ? pensé-je, les bras croisés derrière la tête, allongé sur mon lit.

Souvent, c'est le remords qui me garde éveillé : celui d'avoir l'impression de ne pas m'être suffisamment battu. Mais la lâcheté n'est pas en reste dans la liste des sentiments qui me hantent. Par ailleurs, comment puis-je être sûr qu'il va me laisser tranquille ? C'est un politicien, il ment comme il respire. C'est dans sa nature.

En partant aussi loin, malgré ma situation instable, j'ai abandonné beaucoup de choses derrière moi. Scott, notamment. Je n'ai plus de nouvelles de lui depuis des mois. J'ai coupé le contact, à contrecœur, pour être sûr que Jake ne trouve pas une raison de s'en prendre à lui, s'il venait à vouloir me faire comprendre, une bonne fois pour toutes, à quel point ses menaces sont sérieuses ! Même si Scott ne connaît pas toutes les versions de l'histoire, j'espère que, là où il est, il ne garde pas que de mauvais souvenirs de moi. Je chéris le vœu qu'il puisse rebondir et s'en sortir... tout comme moi. Car je me sens incapable de vivre avec le poids des conséquences si ce n'est pas le cas. À cette simple idée, des pensées sombres envahissent mon esprit, et je dois me forcer à les chasser, car elles ne disparaissent jamais vraiment ; elles restent juste terrées dans un coin de ma mémoire.

Je suis un effroyable exemple de lâcheté, mais cette faiblesse d'esprit ne me caractérise pas. Du moins, je ne reconnais pas ce reflet dans le miroir, et cela me remplit d'aigreur. Car la personne que je vois a perdu son éclat. Comment transmettre tout cela dans ma cuisine lorsque cette énergie quitte notre aura ? L'amertume, le peps, la chaleur... Ce sont des états d'esprit avant d'être des goûts ou des sensations. Venir jouer avec les papilles et surprendre à la dégustation, c'est ma marque de fabrique. Pourtant, aujourd'hui, je frôle l'amateurisme tant mes plats sont fades. C'est indigne de mon talent. Je suis passé de créateur et faiseur de rêves à simple exécutant de repas sans saveur ni passion. À quoi bon continuer ainsi si l'essence même de ce qui m'a toujours fait aimer cuisiner m'a quittée ? La cuisine est le reflet de l'âme, et si la noirceur persiste, notre créativité en souffre. L'idée que cela puisse être permanent me terrifie.

Je me sens démuni, même si, en faisant une rétrospective de ces derniers mois, ma qualité de vie s'est indéniablement améliorée. Aujourd'hui, j'ai un toit, un lieu où dormir et me préparer à manger, des vêtements propres et chauds à toute heure, et surtout la possibilité de prendre une douche quand je le souhaite. Pourtant, je ne me suis jamais senti aussi malheureux qu'aujourd'hui. J'ai tout fait pour avoir ça à New York. Mais maintenant que je l'ai, je n'arrive pas à m'en satisfaire.

Ces yeux vairons s'immiscent dans mes pensées et me fixent encore intensément. Je revois son regard insistant parcourir mon corps et ses lèvres colorées et pulpeuses, qui me sourient, et que je fais taire d'un baiser. L'expression « Vivre d'amour et d'eau fraîche » n'a jamais été aussi évidente qu'en sa présence.

Mon esprit continue de divaguer, et le visage de ma mère me frappe de plein fouet. Je ne l'ai pas contactée depuis plusieurs semaines déjà. Cela est sans doute dû à mon manque de courage, même si j'ai toujours su lui dépeindre une réalité embellie pour ne pas l'inquiéter. Dorénavant, je n'ai plus la force de lui mentir, et balayer la vérité d'un revers de main me semble insurmontable. Je ne peux plus supporter de l'entendre me féliciter d'être parti vivre mon rêve et de me dire à quel point elle est fière de moi.

De quoi peut-elle être fière ? constaté-je amèrement en ravalant mes larmes.

Aujourd'hui, tout me paraît plus lourd. Les mensonges ne m'ont jamais autant hanté qu'à présent. J'ai l'impression que tout le monde peut voir à travers moi, comme si c'était écrit en grand sur mon front : lâche, menteur...

Je n'aurais jamais cru possible de trouver une épreuve plus dure que de vivre dans la rue. Mais c'était avant ma rencontre avec Jake Van Der Peltz.

«Un au revoir, c'est toujours la chance de se retrouver encore une fois.» Charles Dumont.

➽───────────────❥

Merci d'avoir lu ce prologue. Je vous rassure la suite est bien plus joyeuse mais il fallait cette mise en bouche. Le chapitre 1 sera publié lundi ! N'hésitez à liker et me donner votre avis :) 

Coeur Coulant (TERMINÉE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant