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Possédée par cette vague de tourments qui bousille mon attention

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Possédée par cette vague de tourments qui bousille mon attention. Je parviens après plusieurs minutes à reprendre le contrôle de mes émotions. J'enfouis les horreurs dans un coin de ma cervelle, érige ce masque stoïque qui me réussit depuis plusieurs années et qui me permet d'affronter la vie, de garder la face et de mentir sans vergogne à ma famille. Le silence règne, seuls les pas lents du prêtre retentissent en écho. FLASH.

Reçois la bénédiction du Père mon enfant... Tu dois l'accepter.

BACK. Je secoue vivement du chef, chassant ces paroles. Mes prunelles s'ancrent sur la statue de Jésus au centre du chœur pour éviter tant bien que mal de dériver.

― Nous sommes aujourd'hui présents en ces lieux pour honorer la mort de Jésus qui a offert sa vie à chacun d'entre nous...

J'écoute son discours, le regard vague et je me concentre surtout sur ma respiration pour ne pas perdre pied. Comme chaque dimanche.

― ... Les croyants remercient Dieu d'avoir donné son fils Jésus-Christ pour sauver l'humanité de la mort et du péché.

Le péché...

Ce mot résonne dans mon crâne, mes poings se resserrent sur mon vêtement, la mâchoire serrée, je fixe la statue. Les paumes et les pieds perforés par des épais clous à cette croix. Le chant religieux retentit une nouvelle fois, suivi par nous tous en harmonie, muni de nos textes. Je lance un rapide coup d'œil vers Théo, ses iris bleus sont rivés sur sa feuille, ses fines lèvres mouvantes en rythme. Je me détends petit à petit, je ne suis plus seule comme les autres fois.

Presque deux heures après notre arrivée ici, la dernière étape après avoir écouté les grands discours du prêtre et avoir reçu l'amour de Dieu ainsi que celui de Jésus. Le moment de recevoir le corps du Christ dans ce petit morceau de pain que l'on appelle hostie, est arrivé. Chacun de nous se met en file indienne pour l'accueillir sur notre langue, mes parents se trouvent en première ligne, Théo devant moi.

Lorsque arrive notre tour, la boule dans mon estomac se resserre, ma gorge se noue violemment. Je tente de calmer mon palpitant qui est sur le point d'imploser. Son odeur pénètre mes sinus, elle n'a pas changé, rien n'a changé. Théodore s'avance pour recevoir le morceau de pain circulaire et plat, mes yeux rivés sur sa chevelure frisée ne peuvent s'empêcher de remonter sur le faciès du vieil homme qui tend sa main vers la bouche de mon petit frère. Je suis paralysé par ce que je découvre. Ce même rictus, ses mêmes gestes sur son front, sa poitrine et ses épaules en répétant les mêmes paroles avec ce timbre lubrique.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Amen.

Son index flétrit se pose sur la joue de Théo furtivement, comme si c'était intentionnel, mais... Je sais très bien ce que cela signifie. La rage grimpe le long de mes veines. Innocemment, mon petit frère s'en va. J'avance d'un pas, les deux billes noires du vieux s'accrochent aux miennes, un léger rictus se peint aux coins de sa maigre bouche plissée. J'ouvre la mienne pour recevoir l'hostie sur ma langue, du bout des doigts, il le dépose, puis s'exécute à prononcer les mêmes mots.

𝐌𝐀𝐁𝐄𝐋𝐋𝐄 [𝐃𝐚𝐫𝐤 𝐑𝐨𝐦𝐚𝐧𝐜𝐞] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant