𝐌𝐀𝐁𝐄𝐋𝐋𝐄 [𝐃𝐚𝐫𝐤 𝐑𝐨𝐦𝐚𝐧𝐜𝐞]

𝟑𝟓¦

Il commence à bruiner, l'humidité se répand sur mon visage, sur mes vêtements ; pourtant, j'ai l'horrible impression que le temps s'est arrêté depuis que Gloria Miller m'a adressé la parole. Aucun mot ne parvient à traverser la barrière de mes lèvres, mon comportement lui fait hausser les sourcils. Une pression sur mon épaule me ramène à l'instant présent. Vénus m'observe inquiète.

― Excusez-moi, je ne vous avais pas reconnu.

― Je peux le comprendre, nous ne nous sommes vus qu'une seule fois. Cela dit, je suis une habituée de l'église et depuis ce jour. J'ai développé un certain intérêt pour toi.

Je me racle la gorge pour tenter de la dénouer, en vain. Au gala de charité, j'étais tellement à l'affût de mon beau-père que j'ai omis que d'autres pouvaient m'observer. Et elle est bien la dernière personne que j'aurais soupçonnée. Des sueurs froides perlent le long de ma colonne vertébrale, je passe une main tremblante sur ma frange collée contre mon front à cause de la pluie.

― Ah bon ?

― Oui. Ta présence ici me trouble. Pour quelle raison es-tu là ?

Ses prunelles sombres me scrutent d'une lueur particulière, jugeant chacune de mes réactions. Insinue-t-elle que j'ai quelque chose à voir avec l'assassinat de Sean ? Ma bouche s'ouvre, mais je n'arrive à prononcer aucune parole. L'angoisse me bouffe les entrailles. Je transpire alors qu'il fait si froid, j'avale difficilement ma salive.

― C'est moi qui lui ai dit de venir, répond Vénus.

Gloria scanne mon amie, les paupières plissées et les lèvres pincées. J'essaie tant bien que mal de reprendre une certaine contenance et de ne pas paraître suspecte. Car je n'ai absolument rien à me reprocher, merde !

― Qui es-tu ?

― Vénus Turner, une employée du Bloodless.

Elle est assurée, la tête haute. Je l'admire pour son courage. Gloria Miller est impressionnante, cette femme dégage une supériorité qui me fait m'écraser par sa simple présence. Elle esquisse un rictus nerveux.

― Si vous vous demandez pourquoi je suis venue, madame, commence Vénus d'une voix calme. C'est parce que votre grand-frère m'a aidé durant le pire moment de ma vie. Il m'a sortie de la rue et je ne le remercierais jamais assez pour sa générosité. Grâce à lui, j'ai un toit, un boulot, de l'argent. Je suis vivante.

Gloria affiche une mine mélancolique. Presque sur le point de fondre en larme et c'est à cet instant que je remarque le noir de son mascara qui a dégouliné, ainsi que sa sclérotique rougit. Cette femme n'est pas seulement une Miller... Elle vient de perdre son grand-frère. Mon cœur se fend de nouveau en deux. J'ai beau ne pas porter mon ancien patron à l'intérieur, force est de constater que cet événement tragique m'affecte plus que je ne le pensais.

― Il n'était pas une bonne personne... Mais, Sean n'avait pas mauvais fond pour autant, nous avoue Gloria.

Vénus lui sourit tristement. La sœur du défunt s'en va précipitamment, un mouchoir serré dans sa paume. Elle rejoint Louise et le jeune blond.