Chapitre 16 - Elle

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— Harper? 

On me secoue l'épaule, je sursaute en ouvrant les yeux.

— Désolé de te réveiller Darling. C'est notre dernier arrêt, si tu veux aller aux toilettes...

Je mets quelques minutes à me réveiller complétement. Il est déjà en train de payer son plein d'essence quand je me décide enfin à sortir pour me dégourdir les jambes. J'en profite pour faire pipi. Quand je le rejoints, il est appuyé contre la carrosserie et m'observe, un sourire en coin.

— Quoi?! je ronchonne sous son inspection.

— J'étais sûr que tu ne pourrais pas t'empêcher de faire pipi, se moque t il.

Je frappe son épaule vexée alors qu'il geint de douleur en me jetant un regard noir.

— Oh mince, pardon. J'avais oublié. Pis tu n'as qu'à être moins désagréable! 

— Moi, désagréable? C'est l'hôpital qui se fout de la charité, là! 

— Tu veux peut être que je conduise? je lui demande alors qu'il fait le tour du véhicule.

— Je croyais que tu voulais qu'on reste en vie? Faut te décider Darling, pouffe t il avant de s'installer derrière le volant. 

Je claque ma portière avec plus de force que nécessaire avant de l'insulter.

— Je sais que tu conduis bien Harper, détends toi! Je me fais chier c'est tout! Tu dors depuis des heures, ça me manquait de t'entendre jaqueter, se marre t il.

— Ca c'est parce que je suis la femme la plus extraordinaire que tu n'es jamais rencontrée, je scande avec arrogance, le menton en l'air.

 — J'ai jamais dit le contraire, murmure t il ses yeux rivés sur la route qui s'étend devant nous.

Je reste bouche bée face à sa réplique et ne dit plus un mot jusqu'à ce que l'orée d'un bois se dessine à l'horizon. Avant de s'engouffrer dans le terrain de terre, Théo s'arrête et descend pour observer le sol, lorsqu'il remonte il m'annonce que nous ne seront pas seuls.

— Qu'est ce que tu veux dire? je m'inquiète.

— Quelqu'un a emprunté ce chemin il y a peu de temps, reste à savoir si c'est un ami ou un ennemi.  

— Pourquoi tu souris? C'est pas drôle, je commence à paniquer. On va peut être mourir et toi ...

— Je te taquine Darling! C'est la voiture de Valmir, pouffe t il.

— Qu'est ce que tu en sais? Peut être que c'est un véhicule qui lui ressemble ou ...

 Je continue de paniquer alors qu'il s'engage sur le chemin forestier. Ses lèvres sont pincées, retenant son hilarité face à mon angoisse. Je finis par me taire, les bras croisés sur la poitrine, ratatinée dans mon siège. Sa main vient se poser sur ma cuisse. Je me crispe face à son contact. Il la retire et pointe une cabane de son index. 

— Tu vois? C'est ton pote Poutine qui gesticule comme un imbécile.  

Effectivement, au loin j'aperçois le russe nous faire de grands gestes de la main. Je me détends instantanément, rassurée de me retrouver avec eux deux. A peine le moteur coupé que Valmir ouvre ma portière pour me prendre dans ses bras. Figée contre lui j'attends qu'il me lâche.

— Laisse la respirer, râle Théo dans mon dos.  

— Y'en a un qui n'aime pas qu'on touche à sa Darling, murmure Valmir hilare à mon oreille avant de déposer un baiser sonore sur ma joue sous le regard noir de son ami.

 Rassurée d'être avec eux deux? Vraiment? J'ai un doute, finalement... 

Je découvre la cabane qui va nous abriter pour quelques temps. Il n'y a qu'une chambre, la pièce à vivre est toute petite, on se marche dessus, je sens que ça va être compliqué de cohabiter à trois, surtout avec deux ânes pareil! Je suis en train de regarder le lit d'un œil critique quand Valmir rigole dans mon dos.

— Je vous laisse le lit, t'inquiètes pas.

Il s'éloigne en pouffant comme un imbécile.

—  On peut faire un roulement, non? je propose.

— Un jour lui, un jour moi? Eh bien, tu caches bien ton jeu, se marre Valmir jusqu'à ce que Théo lui mette une claque derrière la tête. Si on peut même plus rigoler, râle t il en se posant lourdement sur le canapé deux places. 

Théo s'installe sur le fauteuil, me laissant la place à côté de Valmir. Je somnole pendant qu'ils discutent de choses techniques auquel je ne comprends absolument rien. Je suis réveillée en sursaut par un bruit de verre brisé. Prise de panique, je me lève et regarde tout autour de nous. Valmir attrape mon poignet et m'intime de me rassoir. Je fronce les sourcils et vois Théo sortir de la cabane, la main en sang. Je m'apprête à le rejoindre quand Valmir me demande de le laisser seul.

— Il a besoin de ... respirer. 

Je décide de l'écouter et vais dans la salle de bain. Des morceaux de verres brisées jonchent le sol et le lavabo. Un éclat central dévoile la forme de son poing dans le miroir. Qu'est ce qui lui a pris? Je nettoie rapidement la salle de bain pour que personne ne se blesse et sort du cabanon avec une trousse de secours. Théo est en train de longer la terrasse, sa main goutte sur le sol mais il n'y prête aucune attention. Je m'approche mais il recule et lève les mains devant lui pour me garder à distance.

— Laisse moi, gronde t il.

Son regard est fuyant, ses mains tremblent et ses yeux rougis trahissent sa détresse. Le voir ainsi me brise le cœur. Je me souviens de mon père qui ne supportait plus son propre reflet après sa première trahison. Il pensait prendre la bonne décision en faisant la taupe chez les Irlandais, la vérité c'est qu'il s'est perdu en cours de route. A la fin, il ne voulait même plus me serrer dans ses bras, parce qu'il ne se sentait plus digne de confiance. Alors que, ce qu'il a fait, c'était avant tout pour me protéger, pour assurer mon avenir. Malheureusement, les flics n'ont pas tenu leurs promesses et l'ont laissé mourir, devant mes yeux sans lever le petit doigt. Il était un dommage collatéral, comme beaucoup d'autres. 

Sans tenir compte de ses ordres qui m'intiment une distance, je continue d'approcher et viens passer mes bras autour de sa taille. Ma tête sur son torse, j'entends son cœur battre à l'unisson avec le mien, pour des raisons différentes. 

DERRIERE LE MIROIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant