Chapitre 20 - Elle

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6 mois plus tard.

— Harper? La 6.

— Je m'en occupe.

Je slalome entre les tables, mes pieds me font souffrir mais les pourboires généreux du weekend me motivent. Quand je les aperçois, je ne peux retenir mon cri de joie et saute dans les bras de mes amis. 

— Poutine, Irina, je suis tellement contente de vous voir. 

— Surprise, scande la russe.

— Vous auriez dû me dire que vous veniez, j'aurais pris mon weekend.

— Ton patron est au courant, il te donne ta soirée, ricane Valmir.

Je me tourne vers Alberto qui lève un pouce et me fait un clin d'œil. Je vais reposer mon tablier et mon plateau avant de m'installer à leur table. 

— Comment tu vas ma belle? demande la petite amie de Valmir.

— Ca va. Tu sais, il ne se passe jamais rien de spécial à Portland.

— Dans ce cas, pourquoi tu restes dans l'Oregon? Rentre avec nous, propose Valmir.

— Poutine! Tu me sors le même discours à chaque visite! 

— Oui et tu n'as jamais aucun argument solide à me proposer en échange!

Depuis que j'ai quitté Tucson, Valmir et sa petite amie viennent me rendre visite une fois par mois. On passe le weekend à rire, parler. J'ai tout de suite accroché avec Irina. Cette femme est aussi solaire et drôle que Val. On se parle presque tous les jours. Et à chaque visite, ils ne peuvent s'empêcher d'essayer de me ramener dans leurs valises.

— Tu n'es pas heureuse ici, constate Irina.

— Je ne suis pas malheureuse. Comment il va? je demande à Valmir.

— Tu vois, c'est ça ton problème. Tu pars à l'autre bout de la côte Ouest pour te retrouver mais tout ce que tu veux c'est retourner près de lui. 

— N'importe quoi, je m'énerve. Je voulais juste être polie!

— C'est ça! Et le milliard de questions que tu me poses à son sujet chaque semaine c'est aussi "pour être polie"? raille Irina.

— Pourquoi vous êtes aussi chiants aujourd'hui? D'habitude vous attendez au moins d'avoir finit le dîner pour m'emmerder, je râle.

 Le regard qu'ils échangent ne me dis rien qui vaille. 

— Il a une coéquipière. 

— Et on l'aime pas.

Je les regarde tour à tour avant d'éclater de rire.

— On ne peut pas le laisser entre les griffes de cette sorcière, s'indigne Valmir.

— Dès qu'il te verra, il tombera à tes pieds en moins de deux, assure Irina.

— Mais ce n'est pas ce que moi je veux!

Enfin, c'est en tout cas ce que j'essaie de me répéter depuis des mois mais de toute évidence ça ne fonctionne pas bien. Ni pour moi ni pour les deux russes qui se bidonnent face à moi. Je lève les yeux au ciel avant de soupirer.

Voilà comment je me suis retrouvée dans l'avion pour Tucson. C'est stupide et inutile. S'il a des vus sur sa collègue, je ne pourrai rien y faire et je n'en n'ai aucun droit mais j'ai envie, non besoin, de le voir. Trop de temps s'est écoulé. Ce que j'aurais dû lui dire ce jour là à l'hôpital doit sortir. Je dois le voir et le lui dire. Ensuite je rentrerai et chacun reprendra sa route.

Irina a proposé de m'héberger, c'est sur son canapé que je dors ce soir. Valmir m'a dit où il patrouillait généralement. J'essaierai de le voir demain. Il travaille désormais dans la police de proximité de sa ville, si j'ai bien compris. J'ai du mal à trouver le sommeil et ne cesse de me torturer l'esprit avec ce que je pourrais ou vais lui dire. 

Le lendemain matin, je décide d'aller marcher en ville. L'air frais me fait un bien fou et j'en profite pour prendre un café sur le chemin. Quand je me retourne, après avoir récupéré ma commande, je me retrouve nez à nez avec l'objet de tous mes désirs. Oh mon Dieu! Il est encore plus sexy en uniforme! Au secours! 

— Harper?! 

— Salut, je couine mal à l'aise.

— Deux cafés s'il vous plait, lance t il à la serveuse en me jetant un regard en coin. Qu'est ce que tu fais là?

— Je ... euh ... voyage d'affaires, je baragouine.

Il lève un sourcil rieur mais ne relève pas. 

— Comment tu vas? j'arrive à lui demander sans bafouiller.

— Ca va. Je dois y aller, me dit il en désignant les cafés dans ses mains.

— Oh oui, bien sûr. Ta coéquipière doit t'attendre.

Il se tourne et s'apprête à sortir quand il se fige.

— Ma quoi?

— Ta coéquipière... C'est pas comme ça qu'on dit?

Un deuxième policier entre dans le café. La peau olive, les bras deux fois comme ma cuisse, je me demande comment il fait pour passer la porte. 

— Je te présente Come. Ma coéquipière, pouffe Théo.

— Je comprends mieux pourquoi ça te prenait autant de temps. Ravi de vous rencontrer, roucoule l'afro américain. Attends! Comment tu m'as appelé?

Théo éclate de rire avant de me demander ce qui m'a fait penser ça.

— Oh rien... Un petit doigt malintentionné j'imagine, je murmure pour moi même.

Rouge de honte, je me glisse entre eux et la porte avant de disparaître dans la rue. Si je recroise ce Poutine à la noix, je lui fais la peau! Et sa Poupée Russe ne perd rien pour attendre non plus! Une fois à l'appartement, Irina est pliée de rire en entendant mon histoire. J'ai des pulsions meurtrières de plus en plus difficiles à contrôler.

— Je vais rentrer, je conclus.

— Attends, Harper. Je sais qu'on aurait pas dû te mentir, mais avoues que tu n'aurais jamais voulu nous suivre sinon? Et puis, maintenant que tu l'as revu, tu as vraiment envie de repartir??

— Non, j'avoue les joues rouges. Mais c'était plus simple, loin de lui.

— Plus simple pour qui?

— Pour mon cœur...

 

 

DERRIERE LE MIROIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant